M. Salam, au cours de sa conférence de presse conjointe à Amman hier avec son homologue jordanien (photo Ani).
Le Premier ministre Tammam Salam a appelé hier, au cours d'une visite en Jordanie, la communauté internationale à sortir de son attentisme face à la tragédie syrienne et à œuvrer pour une solution sérieuse à cette crise.
M. Salam s'est rendu hier à Amman à la tête d'une délégation formée notamment des ministres Akram Chehayeb, Ramzi Jreige, Michel Pharaon, Rachid Derbas, Abdel Mouttaleb Hennaoui, Nabil de Freige et Alain Hakim pour assister à la séance d'ouverture des travaux du Haut Comité libano-jordanien qui exprime, selon lui, « la volonté commune des deux pays de consolider leurs relations de fraternité et de coopération dans l'intérêt des deux peuples ».
À l'issue d'un entretien avec son homologue jordanien, Abdallah Ensour, le Premier ministre a indiqué que son déplacement avait été « l'occasion de signer une série de protocoles de coopération dans différents secteurs et d'évoquer plusieurs sujets ».
« Au Liban et en Jordanie, nous faisons face, en raison des développements qui se produisent autour de nous, à deux défis très difficiles : le premier est lié aux déplacés syriens et le poids considérable que cela pose pour nos deux pays à l'heure de l'assèchement des aides internationales, et le second au terrorisme, qui nécessite des efforts exceptionnels pour y faire face et préserver la sécurité nationale », a indiqué Tammam Salam.
Et de poursuivre : « Nous avons, Jordaniens et Libanais, côtoyé le terrorisme. Le sang du pilote martyr Moaz el-Kassasbeh témoigne de la sauvagerie de ce comportement terroriste, inacceptable pour toute logique et toute religion. Au Liban, nous n'avons pas oublié les civils qui sont tombés dans les attentats terroristes, ni nos soldats qui sont tombés dans les affrontements avec les terroristes ni les militaires héros qui sont encore détenus depuis un an par ces groupes. »
Arrêt des exportations
M. Salam a remercié, dans ce cadre, la Jordanie pour l'aide apportée au Liban, notamment à l'armée et aux forces de sécurité à différents niveaux, pour optimiser leurs capacités à faire face au terrorisme. Il a également exprimé son attachement à la stabilité de la Jordanie.
« Le terrorisme dont nous sommes témoins dans notre région porte une atteinte considérable à l'islam et aux musulmans, ainsi qu'au tissu national des sociétés arabes. Il menace le pluralisme et la diversité qui ont toujours existé dans nos pays », a-t-il souligné.
« Nous condamnons ce terrorisme avec la plus grande fermeté et soulignons notre détermination à y faire face. Nous appelons la communauté internationale à plus de coordination pour l'assiéger, assécher ses ressources et en venir à bout », a noté le Premier ministre.
« Au Liban, en raison de l'imbrication multiforme entre la Syrie et nous, nous sommes peut-être le pays qui a le plus pâti des répercussions tragiques de ce qui s'y déroule, que ce soit au plan sécuritaire, politique, social ou économique. Le dernier exemple des retombées économiques, c'est l'arrêt des exportations agricoles et industrielles libanaises par voie de terre vers la Jordanie et vers le Golfe en raison de la situation sécuritaire en Syrie », a-t-il indiqué.
Il a remercié, dans ce cadre, le gouvernement jordanien et son chef pour sa coopération dans la résolution de l'affaire des routiers libanais qui avaient été bloqués à la frontière syro-jordanienne depuis des mois, et qui ont été reçus en Jordanie et aidés à retourner au Liban sains et saufs.
Tammam Salam a ensuite appelé la communauté internationale à « sortir de son attentisme face à la tragédie syrienne et à œuvrer sérieusement pour mettre fin à cette dernière, à travers une solution politique garantissant l'unité du territoire syrien et le retour de la sécurité et de la stabilité, ce qui permettra à des millions de réfugiés syriens qui se trouvent au Liban, en Jordanie, en Turquie et ailleurs de rentrer chez eux ».
Le Premier ministre a également évoqué la détérioration des conditions de vie des réfugiés palestiniens en raison de la diminution de l'aide octroyée par l'Unrwa. « La baisse du budget de l'Unrwa conduira au recul du niveau des services offerts par l'institution, ce qui laissera des répercussions graves sur les réfugiés », a-t-il souligné. « Ainsi, la possibilité du report de l'année scolaire dans les écoles de l'agence onusienne au Liban en raison des problèmes financiers laissera quelque 37 000 Palestiniens dans la rue et paralysera les travaux de près de 2 000 enseignants », a-t-il indiqué. Aussi, a-t-il appelé « les pays donateurs arabes et internationaux à se dépêcher de colmater cette brèche financière dans le budget de l'institution de cent millions de dollars pour l'année en cours ».
Ensour
De son côté, le Premier ministre jordanien a rendu un hommage appuyé à M. Salam, louant ses efforts dans l'impasse actuelle afin de sauver le Liban. « Nous ne nous permettons pas d'intervenir dans les affaires des autres. L'effet de la crise syrienne sur la Jordanie, qui accueille 1 400 000 déplacés syriens, est très important, ainsi que des déplacés libyens, irakiens, yéménites et palestiniens. La position jordanienne est fixe. Seule une solution politique est possible en Syrie », a indiqué M. Ensour. « La crise syrienne a eu un impact direct sur les contacts entre la Jordanie et un certain nombre de pays, surtout le Liban », a-t-il ajouté.
Dans son allocution à l'ouverture des travaux du Haut Comité libano-jordanien, M. Salam a également évoqué le dossier des déplacés syriens et la confrontation avec les terroristes, prônant la voie de la modération politique et de l'ouverture culturelle face à ces derniers. « Parmi les armes les plus efficaces dans cette confrontation, il y a l'éradication de la pauvreté et de l'ignorance, qui constituent le terrain fertile aux idées extrémistes », a-t-il dit, appelant le Haut Comité à « redoubler d'efforts pour jeter des bases solides en faveur de la coopération économique et sociale, dans le but d'élever le niveau de vie des citoyens des deux pays aux plans culturel, économique et social ».
Au cours de sa visite, le Premier ministre a en outre rencontré des Libanais installés à Amman, devant lesquels il a notamment déploré le vide présidentiel, le blocage du pouvoir législatif, les tentatives de bloquer l'action du gouvernement, et « la noyade des Libanais dans les déchets politiques, organiques, économiques et sociaux ».
En soirée, M. Salam et la délégation qui l'accompagne ont regagné le Liban.
