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Liban - Liban

Crise des déchets : Les habitants de l’Iqlim el-Kharroub ont fait entendre leur voix

L'autoroute de Jiyeh était bloquée durant toute la journée d'hier dans les deux sens, paralysant littéralement la circulation, afin d'empêcher les camions d'ordures en provenance de Beyrouth d'atteindre la cimenterie de Sibline.

Des ouvriers de Sukleen ramassant les déchets à Beyrouth. Anwar Amro/AFP

Les réactions des citoyens à la crise des déchets se sont intensifiées en fin de semaine. La solution temporaire annoncée tard dans la soirée de samedi par le Premier ministre, Tammam Salam, visant à décharger temporairement les déchets de la capitale et du Mont-Liban dans des zones choisies par le ministère de l'Environnement a plongé les régions périphériques et rurales dans la crainte et le doute.

Comme l'avait annoncé le ministre de l'Environnement, Mohammad Machnouk, les camions de la compagnie Sukleen ont entamé dimanche matin le ramassage des ordures ménagères à partir de Beyrouth, où ils ont été accueillis dans certains quartiers par des applaudissements. Mais la destination des ordures ramassées demeure incertaine.

Alors que la liste des dépotoirs provisoires prévus par le ministre de l'Environnement, pour accueillir les déchets de la capitale et du Mont-Liban, n'a pas été officiellement révélée, de nombreuses municipalités en dehors de Beyrouth et du Mont-Liban craignent que leurs dépotoirs ne servent de solution prolongée, et non provisoire, au dossier des déchets, qui se heurte de surcroît à une impasse politique. De nombreux camions d'ordures, en provenance de la capitale et du Mont-Liban, auraient par ailleurs déjà effectué des entrées clandestines dans des dépotoirs périphériques, à l'insu des habitants ou des municipalités concernés par ces dépotoirs.

(Lire aussi : Derbas : La crise des ordures, une conséquence de la paralysie gouvernementale)

C'est dans l'Iqlim el-Kharroub, dans le Chouf, que la voix des habitants a retenti hier avec le plus de force. Recourant à une mesure extrême, ces derniers ont bloqué l'autoroute reliant Beyrouth à Saïda, à hauteur de la localité de Jiyeh, y compris la route maritime, ainsi que l'entrée de la cimenterie de Sibline, afin d'empêcher le transfert d'une partie des déchets amoncelés à Beyrouth et dans le Mont-Liban. Le blocage de cette artère vitale a duré toute la journée, provoquant des embouteillages monstres : les automobilistes, rentrant du congé de fin de semaine, se sont retrouvés cloîtrés dans leur véhicule pendant d'interminables heures. Ce n'est que très tard en soirée que l'autoroute a été débloquée.

À Jiyeh, où des habitants avaient d'abord dressé des tentes à même la chaussée, plusieurs camions transportant des déchets, en provenance de Beyrouth, avaient été perquisitionnés par les habitants dans la matinée et remis aux municipalités de la région. En début d'après-midi, l'autoroute côtière vers le Liban-Sud était définitivement bloquée dans les deux sens par des débris et des pierres, transportés par des camions et déversés sur la chaussée, avec l'aide des manifestants. Ces derniers ont annoncé que leur sit-in se poursuivra jusqu'à ce que le gouvernement et le ministère de l'Environnement reviennent sur leur décision de transférer des déchets dans l'Iqlim, comme le rapporte le correspondant de l'Ani dans l'Iqlim.

Le trafic ayant été ainsi quasiment arrêté, les forces de l'ordre ont conseillé aux automobilistes d'éviter de circuler dans le secteur, seules les routes secondaires étant ouvertes. Les manifestants ont néanmoins fait exception des cas d'urgence, autorisant le passage des ambulances et des véhicules transportant des militaires.

De jeunes hommes ont également bloqué l'entrée de la cimenterie de Sibline, devant les camions à ordures. Des tentes ont été plantées dans le secteur à cette fin, sous des banderoles demandant à l'ancien Premier ministre Saad Hariri et au leader du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt de faire pression sur le gouvernement pour ne pas transformer l'Iqlim en décharge.

Suite au blocage des routes, maintenu jusqu'à l'heure de passer sous presse, le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, a présidé hier en milieu d'après-midi une réunion avec les membres de la Fédération des municipalités de l'Iqlim el-Kharroub, en présence des deux ministres de l'Environnement, Mohammad Machnouk, et de l'Agriculture, Akram Chehayeb, du député Alaeddine Terro, et du secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri.

(Lire aussi : Comment, en pleine crise, réduire le volume des ordures chez soi)

 

Vers un compromis avec le PSP

À l'issue de la réunion, qu'il a qualifiée de « sérieuse et nécessaire », le ministre Machnouk a assuré qu'une garantie est donnée, « au nom du gouvernement, qu'aucune mesure ne sera prise dans l'Iqlim, portant sur la gestion des déchets, l'aménagement de dépotoirs, ou l'installation d'incinérateurs ou autres, sans l'accord des habitants de l'Iqlim. Rien ne se fera sans l'aval des habitants, cela est définitif et personne ne devrait tenter d'en faire une exploitation politique ». Le ministre de l'Intérieur a déclaré en outre qu'un accord a été obtenu pour trouver une solution aussi bien pour la gestion des déchets de la capitale que ceux de l'Iqlim, « et les contacts se poursuivent dans ce sens ».

Rassuré par les propos du ministre de l'Intérieur, le président de la Fédération des municipalités de l'Iqlim, le président du conseil municipal de Chhim, Mohammad Mansour, a souligné, à l'adresse des habitants de l'Iqlim, qu'un compromis doit être obtenu sur la question. « Nous n'envisageons pas le problème sous l'angle régional mais national (...) et nous poursuivons nos contacts pour trouver une solution. Nous sommes soucieux de la situation politique du pays et coordonnons nos démarches avec Walid bey Joumblatt et le président Saad Hariri. »

Prenant la parole à son tour, le ministre Akram Chehayeb a laissé entendre qu'un compromis était envisagé pour « débarrasser temporairement la capitale de ses déchets, surtout que Beyrouth, qui est notre foyer à tous, manque d'espaces de dépotoirs ». Préconisant une « solution scientifique, écologique et saine, à long terme », il a relevé le caractère « provisoire et court » des solutions envisagées actuellement. De source autorisée, l'on apprenait que le Parti socialiste progressiste pourrait avaliser l'usage temporaire de la cimenterie de Sibline comme dépotoir pour une partie des déchets de la capitale administrative (200 des 500 tonnes quotidiennes), en contrepartie de « garanties sûres » sur le caractère provisoire de cette solution.

(Lire aussi : Plus les ordures s'empilent, plus les solutions à la crise s'éloignent)

Par ailleurs, une solution temporaire a été obtenue en fin de soirée, hier, concernant le dépotoir de Choueifat. Situé près du triangle de Khaldé, ce dépotoir sera transféré temporairement vers un terrain vague près de l'AIB, loin des habitations, selon un communiqué de la ville de Choueifat.

Refus général

Samedi, des habitants de Bar Élias, dans la Békaa, avaient observé un sit-in « préventif », sur l'autoroute internationale, ayant eu vent que le dépotoir de leur village était prévu sur la liste du ministre de l'Environnement pour accueillir une partie des déchets de la capitale.

Le président du mouvement de l'Indépendance, Michel Moawad, a souligné pour sa part dans un communiqué publié hier que « le caza de Zghorta-Zawiyé est une ligne rouge ». « Nous ne permettrons pas que les villages du caza se transforment en dépotoirs de déchets provenant d'autres régions, et nous ne permettrons pas que Zghorta-Zawiyé paie le prix des marchés conclus concernant le dossier des déchets », a déclaré M. Moawad, affirmant que « nous ne permettrons à aucun camion à ordures, venant de l'extérieur de Zghorta, d'entrer dans Majdalya, ni dans tout autre village de Zghorta-Zawiyé ».

(Lire aussi : Littéralement submergés par les déchets, les Libanais se déchaînent sur Twitter)


Un refus similaire a été exprimé en ce qui concerne le Nord. Le Mouvement du Développement et du Renouveau, présidé par le député Mohammad Kabbara, a critiqué, dans un communiqué, « la manière sélective de traiter avec les régions ». « Nous bloquerons la voie à tous les camions d'ordures qui tentent de traverser Tripoli », a-t-il annoncé. Samedi, le président du conseil municipal de Tripoli, Amer Teyeb Rafei, a démenti les rumeurs selon lesquelles des camions avaient transporté des ordures au dépotoir de Tripoli, en provenance de Beyrouth, avec la complicité des municipalités de Tripoli et du Qalamoun.

De son côté, le député du Akkar Khaled Daher a tenu samedi une conférence de presse à son domicile à Tripoli, menaçant de « dévoiler les magouilles » concernant le dossier des déchets, au cas où une décision de transférer les ordures vers le Akkar était prise.

Au Sud, le président de la Fédération des municipalités de Tyr, Abdel Mohssen al-Husseiny, a publié un communiqué samedi, mettant en garde contre « le passage clandestin de camions d'ordures, de Beyrouth jusqu'à la décharge de Rass el-Ayn située au sud de la ville de Tyr ».

Avant l'annonce faite par le Premier ministre, des centaines d'activistes de la société civile avaient manifesté leur colère devant le Grand Sérail, en bloquant l'accès à la rue des Banques, au centre-ville de Beyrouth. « Vous puez! », ont martelé les manifestants, appelant à une solution durable et efficace du dossier des déchets.


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