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Moyen Orient et Monde - Décryptage / Crise syrienne

La conférence du Caire au cœur de la lutte entre la Turquie et l’Égypte

Haytham Manaa, représentant du Comité de coordination nationale pour le changement démocratique. Mohamed el-Shahed/AFP

La conférence du Caire sur la Syrie qui s'est étalée sur deux jours avait pour objectif affiché de permettre la création d'une nouvelle formation regroupant une opposition « élargie » au régime de Bachar el-Assad et l'adoption d'une nouvelle charte. Haytham Manaa, l'un des principaux organisateurs de la conférence qui a réuni près de 150 représentants de différents groupes, avait affirmé le 23 mai qu'elle aurait pour finalité la mise en place d'une opposition nationale « syro-syrienne à 100 %, financée par nous-mêmes, téléguidée par personne, avec un ordre du jour purement syrien ».
Or, en y regardant de plus près, la situation semble indiquer qu'il s'agit moins d'une initiative sérieuse visant à créer une plateforme de dialogue nationale pour une solution négociée entre tous les acteurs qu'une compétition acharnée entre l'Égypte et la Turquie pour la mainmise sur la part la plus large de l'opposition. À travers cette conférence, Le Caire semble vouloir revenir dans la course et réaffirmer son poids comme médiateur dans la crise face à Ankara qui jusque-là s'est démarqué par l'efficacité de son soutien politique, financier, logistique et militaire à l'opposition. Cependant, si l'Égypte entend développer ses propres moyens d'intervention en Syrie, elle ne dispose pas d'un levier politique aussi puissant que celui d'Ankara qui exerce une influence significative sur la Coalition nationale syrienne, à travers les Frères musulmans. La création sous la coupe du Caire d'une nouvelle formation concurrente de la coalition, émancipée des pesanteurs de l'enracinement des Frères, apparaît donc comme le meilleur moyen de réalisation des ambitions égyptiennes.


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Pierre angulaire
Au sein du front sunnite divisé sur la question syrienne, le pouvoir égyptien est en faveur du maintien du régime de Damas, même sans Bachar el-Assad. En conflit ouvert avec les Frères musulmans, conscient du rapport de force au sein de la coalition et du soutien conséquent de la Turquie, la création d'un nouveau regroupement soustrait à l'influence des Frères constituerait la principale plateforme pour de futures négociations avec le régime syrien. Face au parapluie sunnite turc et ses visées géopolitiques, certains représentants de l'opposition syrienne, dont Haytham el-Manaa à la tête du Comité de coordination nationale pour le changement démocratique, semblent avoir fait le choix du parapluie sunnite arabe au détriment du turc, optant pour l'Égypte comme puissance sunnite régionale de référence. La nouvelle formation aurait donc pour objectif réel de semer la division au sein de la coalition en captant les éléments hostiles à l'omnipuissance de la confrérie et qui ne verraient pas d'un mauvais œil leur affaiblissement. Du contenu de l'offre égyptienne dépendrait ainsi son pouvoir d'attraction et la capacité de récupération des membres de la coalition au service de l'agenda politique en Syrie.

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Points d'achoppement
Dès le départ, la couleur est annoncée avec l'exclusion des Frères musulmans d'un projet qui se présente comme alternative crédible à une autorité politique de transition syrienne dominée par cette mouvance et la main turque. Or, il semble peu réaliste de lancer une initiative en dehors de la principale force disposant d'une puissance militaire et d'un poids significatif sur le terrain. Par ailleurs, la présence de l'aile saoudienne de la coalition à travers Ahmad Assi Jarba laisse supposer qu'aucun accord n'est susceptible de voir le jour sans l'approbation tacite de Riyad.
L'Égypte, qui n'a pas les moyens de rivaliser avec Ankara, fera tout pour contenter son pourvoyeur de fonds. La souscription de Riyad est la seule voie de financement d'un projet qui dès le départ présente des moyens limités, la première commission préparatoire de la conférence du Caire ayant été financée par les organisateurs eux-mêmes. Ainsi, les jeux ne semblent pas encore faits, mais la perspective d'une nouvelle commission politique sous l'égide de l'Égypte aura des conséquences inévitables. Plus que l'affaiblissement de la coalition nationale syrienne, elle aurait pour principale conséquence de marginaliser davantage le rôle du Comité national de coordination pour le changement démocratique qui s'est illustré avec ses erreurs de calcul politiques, les divisions internes et les discussions engagées avec la Coalition nationale. Il risquerait de se retrouver déchiré entre le marteau égyptien, qui a semblé avoir investi Haytham Manaa, et l'enclume turque.

 

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