« Pour moi, mon père était un héros, et comme tous les héros, il ne devait jamais mourir. » Mais Imad Moghniyé a été « assassiné par les Israéliens » et sa fille Fatima se dédie à cultiver sa mémoire. Elle a le projet de lancer une fondation pour faire connaître son histoire et ses pensées, et publie dans quelques semaines un premier livre de photos et de commentaires sur lui.
Jeune et lumineuse, Fatima a du caractère, des convictions et une foi immense. Dans sa vie où le spirituel occupe un espace prépondérant, Il n'y a pas de place pour la haine et la rancœur. Dans son monde, l'individu cède la place à la communauté, la « oumma » comme elle la qualifie, et Dieu est l'ami de tous les instants, présent dans chaque détail, et donnant un sens et une logique à tous les événements. C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'elle élève ses trois enfants, elle qui s'est mariée à 15 ans. Bien que trop souvent absent en raison de son rôle au sein de la résistance, son père a été très présent dans sa vie et continue de l'être. « C'est vrai que nous avons vécu dans des conditions exceptionnelles, d'abord en constant déplacement jusqu'à mes dix ans, ensuite dans une maison fixe, mais avec l'interdiction de nous mêler aux autres », dit-elle.
Mais certaines choses compensaient ces contraintes. La présence de mon père par exemple, qui, lorsqu'il venait nous voir, illuminait nos vies. Il nous faisait sentir à moi, ma mère et mes deux frères, combien nous étions importants pour lui. Il transformait le plus petit détail en aventure extraordinaire, comme d'aller ensemble au restaurant en espérant que personne ne le reconnaîtrait »... À mesure que les souvenirs affluent, le sourire de Fatima s'élargit. Cette jeune femme veut apprécier tous les cadeaux que la vie lui fait et considère les drames comme un passage obligé dans ce petit voyage qu'est la vie sur terre.
Mort, son père est encore plus présent que jamais dans son existence et elle se sent investie de la mission de répandre et d'expliquer ses convictions et ses principes. C'est ainsi qu'elle a été invitée à parler de son père devant des milliers de personnes et en présence de l'ayatollah Khamenei dans le cadre du Congrès des jeunes et de l'éveil organisé à Téhéran en 2012, en pleine tourmente arabe. La voix claire, en dépit de son émotion, Fatima a parlé de Imad Moghnié, faisant pleurer les hommes les plus endurcis. « J'avais le trac, dit-elle, mais une fois que je m'étais lancée, j'ai tout oublié, ne pensant plus qu'aux valeurs que défendait mon père, à la cause pour laquelle il a été tué et que je me dois de poursuivre. »
Fatima est convaincue que son frère Jihad était également visé lorsque les bombardements israéliens ont ciblé la voiture dans laquelle il se trouvait à Kuneitra, dans le sud de la Syrie, il y a quelques mois. Chez les
Moghniyé, la cause est dans la famille et sa mère l'a éduquée dans cet esprit. Elle en fait de même avec ses trois enfants. « Lorsque nous participons à la marche pour la Achoura, je leur donne leurs cartes d'identité pour que, s'il arrive quelque chose, ils puissent être identifiés », dit-elle avec calme. Chez elle, c'est plus que du fatalisme, la conviction que tout ce qui arrive est voulu par Dieu et s'inscrit dans le cadre de la cause à défendre. « Mais cela ne m'empêche pas de profiter des petits plaisirs et des grandes joies de la vie », précise-t-elle dans un sourire malicieux. Elle considère ainsi tout moment de bonheur comme une sorte d'avance sur ce qui l'attend dans l'au-delà. En tête de ces moments, il y a évidemment les rencontres avec « le sayyed » (le secrétaire général du Hezbollah), qui est comme un père pour elle « et pour nous tous », s'empresse-t-elle d'ajouter, avant de conclure : « J'ai beaucoup de chance de le connaître. Dans notre environnement, nous vivons dans l'esprit du modèle à suivre. Et moi, j'en ai deux ! »
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19 h 27, le 20 mai 2015