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Liban - Nouveau code de la route

La phobie des amendes fait le bonheur des commerçants véreux

Spoiler Center, un magasin spécialisé dans la vente d'accessoires pour les voitures, à Achrafieh, a vendu dans la seule journée de mardi 1200 extincteurs et est en rupture de stock pour les triangles de signalisation. Photo Mohammed Yassin.

Nul n'est censé ignorer la loi. Une loi, en particulier, que toutes les générations libanaises ne connaissent toujours pas, malgré une campagne de sensibilisation intensive, programmée depuis plusieurs mois par les Forces de sécurité intérieure.


Hier, avec l'entrée en vigueur du nouveau code de la route, les Libanais se sont réveillés avec l'angoisse d'être interpellés pour excès de vitesse, doublement non autorisé ou une quelconque manœuvre au volant qui leur vaudrait une amende, les obligeant à se serrer davantage la ceinture à la fin du mois. Les trous dans la chaussée, dont le nombre et l'emplacement sont mémorisés par cœur sur la voie publique, ne sont plus évités car ceci requiert une déviation du véhicule de sa trajectoire, ce qui est passible d'une sanction. Beaucoup de voitures étaient obligées hier de se garer à droite des voies rapides, le temps de prendre un appel téléphonique important avant de reprendre la route, ce qui a convaincu les derniers sceptiques à opter pour l'oreillette. Des automobilistes étaient perplexes face à ces feux de signalisation qui clignotaient inutilement en insistant sur la couleur orange ne sachant pas quoi faire ! D'autres conducteurs jouaient aux éclaireurs, en essayant de repérer l'emplacement des barrages des agents des FSI pour éviter à leurs camarades, voisins ou cousins de se faire piéger à leur tour. Plusieurs personnes avaient même collé la liste des contraventions sur le tableau de bord à côté de la prière de leur saint patron pour se souvenir des directives à suivre et essayer tant bien que mal d'éviter les pénalités « dures à avaler et injustes ».

 

 


En attendant, le triangle de signalisation était en rupture de stock hier, et aucun magasin d'accessoires de voitures n'a pu s'en procurer en fin de soirée, même à des prix exorbitants. Ce triangle, très important afin de signaler à l'avance un accident ou une panne au milieu de la chaussée et qui ne coûte pas plus de 10 000 LL, a atteint le double de son prix mardi soir dans certaines grandes surfaces.
Les extincteurs également ont permis à beaucoup de commerçants véreux d'engranger des profits : profitant de la panique des citoyens, ils ont discrètement augmenté, au fur et à mesure qu'on s'avançait dans la journée de mardi, leur prix. Les conducteurs cédant à la panique de dernière minute et la peur de devoir payer une amende d'une centaine de milliers de livres à une semaine de la fin du mois étaient prêts à payer plus cher l'extincteur. Certains marchands ont affirmé avoir vendu 1 200 extincteurs en une seule journée pour une valeur variant entre 20 et 30 dollars. La trousse de secours, ridicule avec son contenu pittoresque : un sac de coton, un flacon de mercurochrome, des pansements adhésifs, un tube en plastique, un bandage et un flacon d'antiseptique... s'élève, elle, à 20 000 livres libanaises.

 

(Lire aussi : Le nouveau code de la route sera mis en œuvre dès aujourd'hui : vraiment ?)


D'autres automobilistes, peu nombreux cependant, ne semblaient cependant guère affectés par la date du 22 avril. Ils roulaient à grande vitesse en toute assurance, dépassant fièrement les voitures qui respectaient la vitesse limite fixée sur le bord de la route. Dans une voiture à bord de laquelle le nombre de passagers dépasse clairement et de loin le nombre autorisé par le nouveau code, les enfants semblaient bien amusés, installés librement près du chauffeur qui faisait sortir une fumée opaque de l'échappement de sa voiture multicolore.
Les autobus scolaires dans certaines régions violaient explicitement les règles de sécurité basiques, bien antérieures au nouveau code de la route, en entassant des dizaines d'élèves comme dans une boîte de sardines avec la portière arrière ou latérale grande ouverte. Les ouvriers et réfugiés syriens qui ne se sentent pas plus concernés par cette agitation nationale se déplaçaient à mobylette tranquillement en fin d'après-midi avec bébés et enfants, devant des gendarmes qui essayaient d'expliquer aux contrevenants l'importance de l'application du nouveau code pour leur propre sécurité et pas seulement par peur des amendes.

 

(Lire aussi : Le nouveau code de la route angoisse une population qui reste quand même sceptique)

 

Entrée en vigueur, jour 1

Le nouveau code de la route est enfin entré en vigueur hier, limitant dans une certaine mesure l'usage du téléphone par les automobilistes, l'utilisation du service de messagerie instantanée et freinant la vitesse de ceux qui sont terrorisés à l'idée de devoir payer des amendes. Cette première journée était plutôt consacrée à la sensibilisation des citoyens et à une prise de conscience générale. Les agents des Forces de sécurité intérieure (FSI) ont dressé des barrages sur plusieurs routes et dans toutes les régions, ce qui a occasionné des bouchons monstres qui ont retardé les citoyens.


Parallèlement, des patrouilles mobiles ont poursuivi les fourgonnettes, les petits 4 x 4 et les motos qui circulaient à contresens. À Baalbeck, des agents de la circulation ont dressé des amendes pour les bus qui circulaient sans respecter le sens indiqué sur les panneaux de signalisation. Au Nord, les forces de sécurité ont pris plusieurs mesures de prévention et mis en place des points de contrôle à Tripoli et sur les routes principales et les entrées de la ville.


À Saïda, les chauffeurs de taxi libanais et palestiniens ont organisé un sit-in pour protester contre l'arrêt de travail dont ils sont frappés en vertu de l'application du nouveau code de la route. Les chauffeurs de taxi palestiniens qui travaillent sans permis ont demandé en outre une solution à leur état « lamentable » sur le plan économique.
Les centres d'inspection mécanique, de leur côté, ont témoigné d'un trafic exceptionnel provoqué par les citoyens qui ont afflué afin de régulariser leur véhicule.


Cette première phase de l'application du code de la route a donc pris effet hier et durera jusqu'à la fin du mois. Elle concerne les excès de vitesse, la conduite sous l'influence de l'alcool ou de la drogue, en plus de la conduite imprudente des mobylettes, ainsi que la violation de la décision administrative fixant un horaire spécifique pour la circulation des poids lourds et des motos.
La deuxième phase de l'application de la loi débutera en mai et se poursuivra jusqu'à la fin du mois. Elle comprendra, entre autres, les violations liées à l'attachement de la ceinture de sécurité, le respect des feux de signalisation, la circulation à contresens et l'usage du téléphone portable.

 

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Nul n'est censé ignorer la loi. Une loi, en particulier, que toutes les générations libanaises ne connaissent toujours pas, malgré une campagne de sensibilisation intensive, programmée depuis plusieurs mois par les Forces de sécurité intérieure.
Hier, avec l'entrée en vigueur du nouveau code de la route, les Libanais se sont réveillés avec l'angoisse d'être interpellés pour excès...

commentaires (2)

ET QU'EN EST-IL DU RESPECT DU CODE DE LA ROUTE PAR LES LIBANAIS ??? 3ALA ALLAH...

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 05, le 23 avril 2015

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Commentaires (2)

  • ET QU'EN EST-IL DU RESPECT DU CODE DE LA ROUTE PAR LES LIBANAIS ??? 3ALA ALLAH...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 05, le 23 avril 2015

  • Premier bon point pour les agents et les Libanais! Faites durer ce plaisir! Les Libanais n'aiment sans doute pas les lois, mais ils s'y conforment sans problème ailleurs! Pourquoi est-ce si difficile de le faire chez soi? Si nous ne respectons pas les lois de notre propre pays, ce n'est pas les étrangers qui vont le faire pour nous! Le respect par les autres s'impose! Prouvons-leur que nous respectons notre pays, ça réduira peut-être les abus... Et ça commence par de petits gestes, comme s'arrêter au feu dès qu'il passe au rouge!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 36, le 23 avril 2015

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