Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Décryptage

Discuter avec le PKK, un pari risqué pour Ankara ?

La reprise des négociations de paix avec les Kurdes arriverait à point nommé pour la Turquie, visiblement décrédibilisée par ses alliés et empêtrée dans ses contradictions.

« Le chef du PKK soutient depuis longtemps le processus de réconciliation entre ses combattants et le gouvernement turc », selon Barah Mikail. Kadir Baris/Reuters

L'appel qualifié d'« historique » du chef du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) pour le désarmement du parti et la reprise des discussions au printemps pourraient constituer une aubaine pour le gouvernement turc qui a assoupli ses positions envers les Kurdes dans le contexte régional actuel. En effet, la Turquie est confrontée à des problèmes d'ordre intérieur liés à d'importants déséquilibres politiques et l'écart entre les discours flamboyants et l'action concrète. Mais Ankara semble encore plus en difficulté pour ce qui est de sa politique extérieure centrée sur ses intérêts exclusifs qui entament un peu plus ses relations stratégiques avec ses alliés et pourrait faire le jeu de la partie kurde.
Revenant sur l'intervention d'Abdullah Ocalan pour le désarmement du PKK, Barah Mikail, directeur de recherche au Fride (Think tank européen pour les questions stratégiques), rappelle que « le chef du parti soutient depuis longtemps le processus de réconciliation entre ses combattants et le gouvernement turc, et dans le fond c'est une opportunité pour les Kurdes de montrer leur bonne volonté ». Selon lui, « bien qu'il n'y ait pas eu de pleine intégration de la condition citoyenne des Kurdes de Turquie, l'ouverture de l'AKP (le parti au pouvoir à Ankara) sur le plan linguistique et culturel a été perçue de manière positive par une partie importante des Kurdes ». Cependant, il semble bien que les raisons d'une plus grande complaisance turque à l'égard des Kurdes se trouvent ailleurs.

 

Tourmente géopolitique
Sur le plan régional, Ankara, qui aurait été un soutien du Front al-Nosra en Syrie, s'apprêterait à s'engager dans une intervention à Mossoul contre l'État islamique (EI). Selon Daniel Meier, chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) français, les contradictions de la politique régionale turque s'expliqueraient d'une part par « la pression des États-Unis afin que la Turquie s'active sur le terrain de la lutte contre l'EI après avoir trop longtemps fait preuve de laxisme dans ses positions ». D'autre part, un engagement turc permettrait de tenir en échec les objectifs de l'Iran dans la mesure où « l'armée irakienne est déjà dans le projet de reprise de Mossoul. Le marchandage qui se joue est lié à une lutte d'influence entre la Turquie et l'Iran et l'Irak sous influence iranienne », affirme-t-il.


Au cours des derniers mois, la relation d'Ankara avec ses alliés traditionnels s'est quelque peu dégradée. On a toujours attendu de la Turquie qu'elle fasse le ménage à ses frontières, or son refus de s'engager activement contre les troupes de l'EI explique le changement d'attitude de ses alliés. « L'accusation est aujourd'hui inversée : ce n'est plus l'Arabie saoudite qui est pointée du doigt mais bien Ankara », précise M. Meier. Cette mise à distance pourrait profiter à la partie kurde dans la mesure où l'Europe a accepté de renouer le dialogue avec le PKK et semble de moins en moins hostile au projet d'autonomie porté par les Kurdes. Un rapprochement qu'Ankara verrait d'un très mauvais œil. Dans ce contexte, la conclusion d'une paix durable avec les Kurdes apaiserait la Turquie qui craint aujourd'hui de se faire déborder et de payer un lourd tribut en cas d'évolution contraire. Du côté kurde, l'efficacité des négociations trouverait ses limites dans « les divisions entre Kurdes et l'absence de bloc homogène faisant transparaître une entité autonome renforcée dans le nord de l'Irak et en Syrie », estime Barah Mikail.
On peut néanmoins se demander si, dans une dynamique récupérée par les Kurdes eux-mêmes, jouer la carte des divisions ne serait pas une position tactique des négociateurs pour obtenir davantage de concessions des Turcs qui n'ont aujourd'hui plus le contrôle exclusif sur ce terrain.

 

Lire aussi
Après la déroute de l'EI à Kobané, Erdogan affirme ne pas vouloir d'un Kurdistan en Syrie


Pour mémoire
Quand la crise de Kobané risque de faire dérailler le processus de paix turco-kurde

L'appel qualifié d'« historique » du chef du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) pour le désarmement du parti et la reprise des discussions au printemps pourraient constituer une aubaine pour le gouvernement turc qui a assoupli ses positions envers les Kurdes dans le contexte régional actuel. En effet, la Turquie est confrontée à des problèmes d'ordre intérieur liés à...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut