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Moyen Orient et Monde - Reportage

« Deux d’entre nous ont refusé et ils leur ont coupé la tête devant nous »

Des réfugiés yazidis racontent les tortures que leur ont fait subir les jihadistes.

Un peshmerga chrétien protégeant un enfant yazidi. Photo Joseph Barrak

« Lorsque j'ai rencontré Melhem Khalaf au Liban, il m'a dit qu'il voulait venir en aide aux réfugiés kurdes fuyant les daéchistes. Je lui ai dit que ceux qui étaient le plus dans le besoin étaient les yazidis. Il m'a dit pas de problème, nous sommes prêts à aider tout le monde, quelle que soit leur religion », raconte Bachir, un chrétien.
« En quelques semaines, nous avons réussi à monter un petit campement à Dohouk, où nous venons en aide à environ 650 personnes ayant fui la montagne de Sinjar, à la frontière irako-syrienne, à l'approche des daéchistes », dit-il. Le camp est rudimentaire et assez sale. Il y a seulement deux toilettes et bien sûr pas d'eau chaude, mais au moins ces réfugiés ont des tentes de toile, des abris très précaires, alors que les grands froids de l'hiver approchent et toujours le même spectacle. De la marmaille souvent à moitié nue, des femmes à l'œuvre pour la lessive et la cuisine, et des hommes désœuvrés qui suivent les informations, fumant cigarette sur cigarette et buvant des litres de thé pour se réchauffer. « Ce qui nous manque cruellement, ce sont des écoles pour les enfants. Mais pour cela, nous avons besoin de l'aide du gouvernement irakien, qui, pour l'instant, a d'autres chats à fouetter », affirme Bachir. Il indique que les besoins du camp sont assurés seulement en nourriture par Offre-Joie et les églises chrétiennes de la région. Beaucoup de ces familles ont échappé à une mort certaine, ou pire pour les femmes, d'être utilisées comme esclaves sexuelles ou d'être vendues comme esclaves par les daéchistes. Sur ce chapitre, le récit Tahsin Khalaf est édifiant. « Quand on a su que les daéchistes arrivaient sur des véhicules sur Sinjar, nous avons fui vers la montagne. Là nous avons rencontré des Arabes sunnites qui ont tenté de nous rassurer. Sur ce, sont arrivés des daéchistes qui nous ont demandé pourquoi on fuyait. Retournez dans vos villages, il ne vous arrivera rien », poursuit-il.

« Ils nous ont demandé si nous étions yazidis ou musulmans »
« Nous sommes donc retournés. Mais à un barrage, les intégristes sunnites nous ont arrêtés. Ils nous ont demandé si nous étions yazidis ou musulmans. Ils ont laissé passer les musulmans et ont regroupé les yazidis, puis ils ont séparé les hommes des femmes, et lorsque l'un des maris a protesté, ils lui ont tranché la tête devant tout le monde après lui avoir tiré deux balles, raconte-t-il. C'est alors qu'on a commencé à avoir peur. Au début, on ne leur a pas menti parce qu'ils nous avaient assuré qu'on était en sécurité. »
« Ils m'ont alors mis dans une voiture avec une autre famille yazidie et nous ont ramenés à Sinjar où ils nous ont introduits dans un bâtiment public avant de me prendre les 4 600 dollars et des bijoux à ma femme que j'avais sur moi. Puis ils ont mis les hommes au premier étage et les femmes et les enfants au rez-de-chaussé. Et le soir, ils ont pris les femmes et les enfants dans un immeuble en face qui était le siège du Parti démocratique du Kurdistan. Le second jour, on a entendu des cris et des pleurs et on a vu qu'ils faisaient monter les femmes dans des bus. Ils ont pris environ 300 femmes. Puis ils ont rassemblé les hommes sur la place publique et leur on bandé les yeux. À leurs accents, j'ai remarqué que beaucoup d'entre eux appartenaient aux tribus arabes sunnites de la région avec lesquelles nous vivions jusqu'à présent en paix. Il y avait également avec eux des étrangers à la région que nous reconnaissions à leur accent en arabe. Le lendemain est arrivé un égorgeur muni d'une longue épée. Il nous a dit que nous avions le choix soit de nous convertir, soit de mourir. Si vous le faites, vous serez nos frères et vous vivrez en sécurité. Sinon, nous vous traiterons en mécréants et nous vous couperons la tête. Deux d'entre nous ont refusé et ils leur ont coupé la tête devant nous. Nous avons été 200 à nous convertir, puis un cheikh est venu nous donner des cours de religion islamique », poursuit-il.

Les femmes qui s'étaient converties à l'islam n'ont pas échappé au viol
Puis ils nous ont installés dans les maisons d'un village chiite que les habitants avaient fui, mais un jour, un homme âgé est entré dans la maison de l'un de mes voisins qui avait une jolie petite fille de 10 ans. Il l'a prise par les cheveux, malgré les pleurs de sa mère. Puis ils l'ont ramenée complètement épuisée. Comme j'étais « devenu musulman, je me suis permis de leur dire qu'aucune religion n'acceptait un tel comportement, particulièrement l'islam. Ils m'ont rétorqué qu'en islam cela était permis, puisque le prophète Mohammad avait épousé Aïcha alors qu'elle n'avait que neuf ans ».
Ainsi, même les femmes des familles qui s'étaient converties à l'islam n'ont pas échappé au viol. Un autre soir, ils ont pris quatre jeunes filles et les ont ramenées le sexe ensanglanté. Les jeunes filles nous ont raconté qu'ils les endormaient avec une sorte de chloroforme pour empêcher toute résistance ou bien ils les accrochaient aux pales des ventilateurs pour les étourdir.
Une de nos femmes s'est coupé les veines, mais ils l'ont soignée et l'ont ensuite violée. Et lorsque trois femmes se sont suicidées en se pendant avec leur voile, ils ont interdit aux autres femmes de porter le voile. J'ai alors compris que le fait de nous être convertis ne nous protégeait pas et j'ai alors décidé de fuir avec trois autres camarades. Après plusieurs péripéties, nous avons rencontré des peshmergas qui nous ont amenés dans ce campement à Dohouk. Pour eux, nous sommes pires que des animaux, nous sommes des mécréants et nos femmes sont des butins de guerre. Ces daéchistes sont des obsédés sexuels », conclut-il.

« Lorsque j'ai rencontré Melhem Khalaf au Liban, il m'a dit qu'il voulait venir en aide aux réfugiés kurdes fuyant les daéchistes. Je lui ai dit que ceux qui étaient le plus dans le besoin étaient les yazidis. Il m'a dit pas de problème, nous sommes prêts à aider tout le monde, quelle que soit leur religion », raconte Bachir, un chrétien.« En quelques semaines, nous avons réussi...

commentaires (3)

"Et ils leur ont coupé la tête." ! C'est tout ? !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

13 h 47, le 15 décembre 2014

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Commentaires (3)

  • "Et ils leur ont coupé la tête." ! C'est tout ? !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 47, le 15 décembre 2014

  • DES HUMANOÏDES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 49, le 15 décembre 2014

  • C'est glorifiant... Vive la démocratie... Il n’y a plus de mots pour exprimer l’horreur qu’on ressent devant tous ces récits… Où va donc le monde ? Jusqu’où va donc la barbarie de l’être humain ?

    Nadine Naccache

    09 h 44, le 15 décembre 2014

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