Plusieurs sujets d'actualité locale et régionale ont été abordés par le chef du courant du Futur, Saad Hariri, au cours de son interview hier soir à la LBCI. D'emblée, il a adressé un message d'espoir aux Libanais, en affirmant « rêver qu'un jour le Liban sera comme Paris ». « Et pour arriver à ce rêve, nous ne baisserons pas les bras. Nous sommes capables de remettre ce pays sur pied en dépit de tous les dangers qui nous entourent. Je ne veux pas que les gens perdent espoir », a-t-il dit, en assurant qu'il compte revenir au Liban « très bientôt ». Il a nié avoir quitté Beyrouth, en août dernier, pour des raisons sécuritaires, au terme des trois jours passés pour faire le suivi du don saoudien de trois milliards de dollars à l'armée et aux services de sécurité. « Je devais poursuivre le travail en ce qui concerne ce don qui permettra aux services de sécurité de combattre le terrorisme », a-t-il précisé, en assurant que « l'armée libanaise sera moderne et développée suite à ce don ». « Une première ligne de crédit de 400 millions de dollars a été débloquée », a dit Saad Hariri, en précisant que d'ici à un an et demi, l'armée sera équipée d'une trentaine d'avions militaires.
Saluant l'initiative saoudienne « qui bénéficie au Liban dans son ensemble », il a exprimé le souhait que l'Iran en fera de même, mais à cette nuance près : « Le meilleur don que Téhéran pourra faire aux Libanais est de retirer le Hezbollah de Syrie. » Il a vivement critiqué l'intervention hezbollahie dans ce pays, la désignant comme « une folle expédition ». Y a-t-il une différence entre folie et terrorisme ? C'est en souriant qu'il a répondu à cette question par un : « Pas trop. » M. Hariri a critiqué en outre le comportement du Hezbollah dans l'affaire des otages détenus dans le jurd de Ersal, dénonçant la politique de deux poids, deux mesures qu'il applique sur ce plan. « Il agit en se permettant ce qu'il refuse à d'autres », a ajouté M. Hariri, qui a invité le gouvernement à « prendre une décision courageuse » à cet égard.
Évoquant l'éventualité d'une relance du dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah, Saad Hariri a confirmé que ce dialogue aura bel et bien lieu, en expliquant que la situation dans le pays impose une telle ouverture. « L'intérêt du Liban dépasse les intérêts personnels de Saad Hariri, a-t-il souligné. Mes reproches au parti chiite n'ont pas changé, mais le dialogue est essentiel en cette étape. » Et de poursuivre : « Je veux un dialogue sérieux pour l'intérêt du pays, je veux un dialogue fondé sur un agenda précis qui est actuellement établi avec Nabih Berry et Walid Joumblatt, je veux un dialogue susceptible de déboucher sur des résultats concrets. » M. Hariri a expliqué dans ce contexte que le dialogue, dont la date n'a pas encore été définie, devrait évoquer les dossiers cruciaux pour sauver le pays, comme l'élection présidentielle et la nouvelle loi électorale. Il doit également servir à détendre les rapports sunnito-chiites. « Le président de la Chambre œuvre à préparer ce dialogue. L'ordre du jour est en voie d'élaboration. Lorsqu'il sera prêt, nous nous mettrons à table. Pour le moment, le dialogue se fait à travers certains émissaires. Il est trop tôt pour un dialogue entre (le secrétaire général du Hezbollah), sayyed Nasrallah et moi », a affirmé le chef du courant du Futur.
Le Hezbollah en Syrie
Et d'ajouter : « Il n'est pas question pour moi d'assurer une couverture à la présence du Hezbollah en Syrie. Ce que ce parti est en train de faire n'est pas dans l'intérêt du Liban. » Il a reproché au parti pro-iranien d'avoir importé le terrorisme au Liban. « La Jordanie et la Turquie accueillent chacun près d'un million de réfugiés. Sont-ils attaqués par Daech ou al-Nosra ? Ont-ils des militaires pris en otage par ces groupuscules ? » s'est-il interrogé, tout en rejetant dans le même temps toute possibilité de dialogue avec le régime syrien, condamné, selon lui, à disparaître. « Bachar el-Assad ne fera pas partie du paysage politique de la Syrie de demain, a déclaré M. Hariri. Il essaye de gagner du temps. Il a approuvé Genène 1 et Genève 2, et n'a rien appliqué de leur résolution. Sans Bachar el-Assad et sans Maliki en Irak, il n'y aurait pas eu de Daech. Je sais que Bachar el-Assad est un menteur et sa fin sera pareille à celle de tous les présidents contre qui les peuples se sont élevés. »
(Pour mémoire : L'ouverture de Nasrallah en direction du courant du Futur, lectures et interprétations..., le décryptage de Scarlett Haddad)
Non à une Constituante
Le chef du courant du Futur a réaffirmé son attachement à l'accord de Taëf et rejeté l'idée d'une Constituante proposée par le Hezbollah. « Nous avons dès le début affirmé être contre ce projet et avec la parité et non pas la répartition du pouvoir sur base des trois tiers. Pourquoi faut-il nous diriger vers une Constituante alors que nous avons une Constitution », s'est-il interrogé.
Si la Loi fondamentale n'est pas aujourd'hui appliquée, « c'est parce que des parties politiques s'en abstiennent », a-t-il accusé, en mettant en garde contre un saut dans l'inconnu qui compromettrait Taëf.
Le chef du courant du Futur a de nouveau défendu son appui à une prorogation du mandat de la Chambre, soulignant la gravité d'un vide institutionnel. « Nous n'avons de veto contre aucun candidat à la présidence. Nous voulons un président consensuel », a-t-il précisé, ajoutant que le dialogue avec le parti chiite ne portera pas sur des noms. Il a insisté sur le fait que ni Michel Aoun ni Samir Geagea ne peuvent être considérés comme étant consensuels et qu'il est nécessaire de parvenir à une entente sur un candidat qui sera agréé de toutes les parties, reprochant vivement à Michel Aoun de « bloquer le pays pour garantir son élection à la tête de l'État ».
Dialogue avec Aoun
Mais dans le même temps, il a reconnu « avoir commis une erreur en n'ayant pas essayé de prendre langue au cours de la période passée avec Michel Aoun ». « Un dialogue avec lui aurait ouvert des horizons différents et cette relation aurait été dans l'intérêt du Liban », a assuré Saad Hariri, qui a dit entretenir de très bonnes relations avec le leader du CPL, « au plan personnel ». « Ne dit-il pas lui-même qu'il est prêt à dialoguer avec le courant du Futur ? Nous estimons que cette relation, si jamais elle se développe, sera dans l'intérêt du pays », a-t-il ajouté. L'ancien Premier ministre a cependant laissé entendre qu'un rapprochement avec ce dernier est aujourd'hui difficile, compte tenu de son alignement sur la politique du Hezbollah. « Le problème de Michel Aoun est qu'il s'est lié organiquement au Hezbollah. Je ne peux pas le suivre. Je ne peux vraiment pas », a-t-il insisté, en rappelant que le 14 Mars a pris l'initiative de se rendre auprès de Aoun pour discuter avec lui. « Mais est-ce que quelqu'un du 8 Mars a pris la peine de venir discuter avec Samir Geagea ? » s'est-il interrogé. « Nous sommes avec toute personnalité du 14 Mars qui peut assurer une majorité de voix et un quorum parlementaire », a encore dit Saad Hariri.
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Un parapluie sécuritaire, mais pas encore politique..., le décryptage de Scarlett Haddad
commentaires (10)
Wallâh yâ äamméh Classe, ce Président Sääd !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
08 h 05, le 29 novembre 2014