Ce que l'on craignait est arrivé et, une fois de plus, l'armée a payé le prix fort pour la défense du pays et la mise en échec des plans jihadistes pour mettre le Liban à feu et à sang. Ce n'était donc pas par hasard que l'ambassade des États-Unis à Beyrouth avait conseillé à ceux qui travaillent dans les médias américains d'éviter le Nord.
Mais le plus curieux dans la bataille qui a eu lieu dans certains quartiers de Tripoli et à Bhanine était menée côté islamiste par le Libanais Chadi Mawlaoui, devenu désormais officiellement le chef du Front al-Nosra à Tripoli, puisque selon les rapports de sécurité, il reçoit directement ses instructions d'Abou Malek al-Tallé, responsable du front dans le Qalamoun (Syrie). Le point mérite d'être relevé car on se souvient du tollé provoqué par l'arrestation par une unité spéciale de la Sûreté générale du même Chadi Mawlaoui en mai 2012. Ayant reçu des informations de la part des services occidentaux sur l'existence d'une cellule d'el-Qaëda agissant entre Tripoli et Aïn el-Héloué, la Sûreté générale avait alors mené son enquête et arrêté un Jordanien (qui est toujours en prison) et un Qatari (qui a été rapatrié pour cause de maladie). Ces deux détenus avaient à l'époque évoqué le rôle de Chadi Mawlaoui dans le recrutement des jeunes et dans le transport des fonds.
Pour éviter une confrontation directe coûteuse en vies humaines, la Sûreté générale avait mis au point un plan pour attirer Mawlaoui dans le siège de l'association humanitaire financée par l'ancien ministre Mohammad Safadi et l'avait arrêté devant ce siège pour ne pas mettre en cause l'association.
Malgré cela, il y a eu un énorme tollé contre la Sûreté générale et, finalement, Mawlaoui avait été déféré devant la justice et celle-ci s'était chargée de le remettre en liberté, cédant pratiquement à la pression d'une certaine rue tripolitaine. On se souvient qu'à cette époque, le courant du Futur faisait feu de tout bois pour mettre le Premier ministre d'alors, Nagib Mikati, en difficulté et ce dernier avait donc dû s'incliner. Chadi Mawlaoui avait alors reçu un accueil de héros et il a poursuivi ses activités à Tripoli. Entre-temps, il a proclamé son allégeance au front al-Nosra, mais cela semblait alors un détail inintéressant. On l'a retrouvé en chef de milice lors des affrontements qui avaient fait rage à Tripoli avant la formation de l'actuel gouvernement et l'application du plan de sécurité dans la ville. Pendant toute cette période, Chadi Mawlaoui bénéficiait d'appuis divers, sachant que chaque partie cherchait à tirer la couverture de son côté et croyait pouvoir utiliser tous les moyens possibles pour affaiblir l'autre.
Une fois le gouvernement Salam formé et le plan de sécurité mis en place à Tripoli, Chadi Mawlaoui et son complice Oussama Mansour commençaient à déranger. Le ministre de la Justice Achraf Rifi avait alors proposé un compromis pour résoudre ce problème qui prévoyait le départ de Mawlaoui et de Mansour en dehors du Liban. De fait, les deux jeunes gens avaient disparu pendant quelques jours. Selon les informations sécuritaires, ils avaient bel et bien essayé de quitter le Liban en prenant le chemin du jurd, mais ils n'ont pas pu atteindre « des régions sûres » et ils sont revenus à Tripoli. C'est comme cela qu'on les retrouve menant les combats contre l'armée libanaise et même allant jusqu'à annoncer l'enlèvement d'un soldat...
L'armée a eu certes beau se battre avec courage et héroïsme, perdant dans les affrontements onze de ses militaires et malgré cela, Mawlaoui et son compagnon, qui étaient coincés dans un des quartiers de Tripoli, ont réussi à s'enfuir. Tout comme avant eux le chef des combattants de Fateh el-islam à Nahr el-Bared, Chaker el-Absi, avait réussi à s'enfuir ainsi que, plus récemment, le cheikh salafiste de Abra, Ahmad el-Assir... Et quand ils ne s'enfuient pas, ils meurent, comme Abdel Ghani Jawhar, tué lors d'une perquisition du service de renseignements des FSI ou encore Majed al-Majed, mort à l'hôpital des suites de sa maladie. Quelle est donc cette malédiction qui poursuit l'armée et l'empêche d'arrêter ceux qui l'attaquent pour les déférer devant la justice pour qu'ils soient jugés ?
Hier, comme elle l'avait fait aussi à Abra, l'armée a annoncé sa détermination à poursuivre les combattants jusqu'au bout et à faire preuve de fermeté avec eux, mais chez les parties politiques, nul n'a trouvé curieux que Mawlaoui et les autres chefs soient parvenus à s'enfuir. C'est comme si à chaque fois, il fallait se contenter de déjouer les complots contre le Liban, mais de laisser filer leurs auteurs. Dans un communiqué, l'armée a donc déclaré qu'elle a réussi, à Tripoli et au Nord en général, à déjouer le plan qui visait à instaurer un émirat salafiste affilié à al-Nosra ou à Daech. Tout comme elle avait déjoué un plan qui devait permettre aux jihadistes de s'emparer de Ersal pour assurer leur survie pendant l'hiver.
Et demain, où aura lieu le nouvel épisode ? C'est la question qui se pose aujourd'hui, car là aussi il ne faut pas se faire trop d'illusions, le Liban est bel et bien entré dans un cycle dangereux, en devenant une cible et une terre de combat pour les combattants islamistes. Mais heureusement, l'armée veille... et attend les armes promises.
Pour mémoire
À Tripoli sous le feu, la vraie bataille est à venir, l'article de Jeanine Jalkh
Solidaires de l'armée à Tripoli, les sunnites chargent le Hezbollah
Mais le plus curieux dans la bataille...
commentaires (13)
On dirait que ce monsieur ou terrorriste a le même genre de parcours qu un certain Michel AOUN ? IL change de camp et d'allié et de valeurs selon les intérêts personnels... et c est toujours l'armée qui paie le prix!!
CBG
11 h 08, le 30 octobre 2014