Faut-il ou non concéder une nouvelle autoprorogation du mandat parlementaire ? Cette question est censée être close, en temps normal, par un non intangible. Si elle a intégré le débat politique actuel, c'est qu'elle est étroitement liée au bocage qui persiste au niveau de la présidentielle, cette autre échéance, tout aussi importante .
Le 8 Mars tient pour l'instant un discours fondé sur un refus catégorique de la prorogation et un appel insistant à la tenue des législatives.
Pour Amal et le Hezbollah, l'enjeu de la tenue des législatives est de relancer le travail de législation, suspendu depuis la vacance présidentielle, « le souci premier étant d'honorer les doléances citoyennes », comme devait le souligner mercredi, depuis Aïn el-Tiné, le député Ali Ammar. L'urgence de voter une nouvelle grille des salaires alimente cet argument, quand bien même le chef du bloc du Futur, Fouad Siniora, avait exprimé sa disposition à se rendre au Parlement pour l'approuver si les recettes adéquates sont assurées.
Le bloc du Changement et de la Réforme appuie le refus de ses alliés chiites, mais pour des motifs différents. « Nous percevons la tenue des législatives comme un moyen de débloquer la présidentielle, et non de prolonger une situation de blocage », souligne le député Alain Aoun à L'Orient-Le Jour. En effet, les élections devraient permettre, selon lui, de légitimer le soutien à un éventuel candidat consensuel sur la base de sa popularité effective. Cette approche pourrait expliquer peut-être la déclaration du député Hikmat Dib à l'agence al-Markaziya sur « le choc positif que nous avons voulu provoquer en nous abstenant de participer à l'élection d'un président qui déroge à la Constitution et au pacte national »...
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Le leader du courant du Futur, Saad Hariri, ne demande pas mieux que de soutenir un candidat fort d'une légitimité chrétienne incontestée – si encore l'on concède que pareille légitimité puisse émaner seulement des législatives. Ce qu'il refuse toutefois est la tenue de ces législatives si c'est avant l'élection d'un président de la République. Il devait accorder d'ailleurs à cette position une valeur de principe en l'intégrant parmi les points de sa dernière feuille de route pour le pays. La prorogation du mandat parlementaire ne serait qu'une solution subsidiaire et peu souhaitable.
Les milieux du Futur expliquent en effet à L'OLJ le scénario redouté par leur courant : la tenue des législatives avant la présidentielle conduirait à la démission du cabinet. Sans président de la République, la désignation d'un nouveau Premier ministre serait impossible. Le Parlement se trouverait comme seule institution exerçant son pouvoir et se transformerait alors en Assemblée constituante.
Les aounistes tendent à minimiser ce scénario. Le député Alain Aoun précise qu'un « gouvernement démissionnaire continue d'expédier les affaires courantes, ce qui veut dire que la menace d'un vide intégral comme se plaît à l'invoquer le 14 Mars ne tient pas ».
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Il existe néanmoins un autre argument, à portée surtout symbolique, invoqué par les milieux du Futur.
« Si les législatives ont lieu, les députés chrétiens seront-ils prêts à élire un nouveau président de la Chambre, quand bien même ils n'auraient pas réussi à s'entendre sur un président de la République ? » demandent ces milieux, tout en assurant que les députés sunnites boycotteraient cette élection.
À cette question, le député Alain Aoun apporte une réponse claire à L'OLJ : « Oui, nous serons prêts à élire un président de la Chambre sans problème, tout le but étant de tirer de cette démarche des conséquences positives sur la présidentielle »...
Entre les lignes du débat, des propos sur un début de compromis concernant la présidentielle ont commencé à poindre récemment. Les grands traits de ce soi-disant compromis seraient de proroger le mandat parlementaire, à condition de dissoudre la Chambre immédiatement avec l'élection éventuelle d'un nouveau chef de l'État. Cette dissolution devrait être suivie alors de législatives sur la base d'une nouvelle loi, qui pourrait être proche de la loi du « Rassemblement orthodoxe ».
Pour l'instant, toutes les sources interrogées démentent l'existence de pareille proposition. Les milieux du Futur rappellent que la loi dite orthodoxe « contredit tout ce que représente le courant du Futur ». Les milieux aounistes estiment que cette idée aurait été concoctée par « ceux-là mêmes qui défendent l'autoprorogation ».
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Quoi qu'il en soit, les rapports semblaient « tièdes » hier entre les ministres du Courant patriotique libre et les ministres du Futur, selon une source ministérielle. Une rencontre avait eu lieu à Djeddah mercredi, croit-on savoir, entre l'ancien Premier ministre Saad Hariri, rentré ce jour-là en Arabie, et le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, qui a fait le déplacement à partir de Amman. Mais aussi bien le Futur que le CPL restent discrets sur cette réunion, allant même jusqu'à la démentir. Seul le député Hikmat Dib l'a commentée, allant jusqu'à affirmer que « les bonnes intentions de Saad Hariri devraient se traduire dans les prochains jours ».
Il n'y a pourtant rien de nouveau, semble-t-il, dans les rapports Aoun-Hariri, qui restent néanmoins « ininterrompus » et bien accueillis par les deux parties. Même si le chef du bloc du Changement et de la Réforme ne s'est pas rendu à la Maison du Centre, ne serait-ce que pour le féliciter de son retour après trois ans d'absence, « rien ne presse »...affirment les milieux du Futur. Le général Michel Aoun avait en tout cas contacté par téléphone Saad Hariri à Beyrouth et la conversation s'était achevée sur un ton de convivialité courante : « À bientôt, inchallah »...
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commentaires (7)
IL NE MANQUE QUE LES EMBRASSADES ! DES RETROUVAILLES ? OU DES ADIEUX ???
LA LIBRE EXPRESSION
15 h 25, le 17 août 2014