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Économie - Liban - Tendances

Nightlife : innover pour résister

Envers et contre tout, les professionnels de la vie nocturne continuent de déployer toute leur créativité pour ne pas faillir à la réputation des Libanais au plan de la vie nocturne. Si le succès est toujours au rendez-vous, pour beaucoup de professionnels, l'exportation de leurs projets et idées devient impératif dans le contexte politico-sécuritaire ambiant.

Selon les chiffres du syndicat des restaurateurs, le chiffre d’affaires du secteur de la vie nocturne au Liban aurait accusé une perte de 40 % depuis le début de la crise syrienne.

Alors que l'armée libanaise est en guerre contre les jihadistes depuis une semaine, l'atmosphère est totalement différente à Mar Mikhael, le quartier noctambule de la capitale, où les valets parking ne savent plus où donner de la tête. Devant l'ancienne gare désaffectée, c'est l'effervescence depuis deux mois. Le ballet de voitures n'en finit pas de défiler, les noctambules se pressant pour passer la soirée dans le tout dernier endroit branché de la capitale : « Train Station ».

Le projet, lancé en juin dernier pour un investissement initial de 400 000 dollars, a été rentabilisé en 19 jours seulement. Le concept est simple : récupérer une ancienne station de train dans le quartier le plus branché de Beyrouth pour en faire un bar/lounge en plein air aux allures rétro, définitivement « the place to be » cet été.
Le pari est réussi pour les concepteurs du projet : Alain Hadifé, designer, en collaboration avec Suzy Nasser, l'entreprise Chin-Chin pour les cocktails et le B018 Management à la gestion.

« Je suis très attaché à mon pays et à ce qui en reste, explique Alain Hadifé. Je n'ai jamais connu le train au Liban, sans doute comme la plupart des clients de Train Station. Pour moi, ce projet est une manière de faire revivre l'un des endroits les plus beaux de la capitale. »

Le lieu attire tous les soirs plus de 1 000 noctambules au milieu des locomotives, hangars et barils. La clientèle est composée essentiellement de Libanais, les expatriés et touristes ayant déserté le pays.
« On ne peut pas attendre que le calme sécuritaire revienne au Liban pour investir, insiste Alain Hadifé. Je ne veux pas quitter le pays. Je veux rester ici, investir ici. Avec le minimum de sécurité, d'électricité, le minimum de tout, nous montrons que nous pouvons toujours être créatifs, telle est la marque de fabrique du Liban. »

 

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Dans ce contexte politico-économique difficile, les professionnels de la vie nocturne n'ont ainsi d'autres choix que la créativité et l'innovation. Au Skybar, le nouvel événement qui fait mouche est le « Sun.days ».
« Nous voulions proposer quelque chose de différent à nos clients, explique Abraham Helal, responsable marketing au Sky Management. Les dimanches soirs, au coucher du soleil, nous offrons ainsi une atmosphère plus tranquille, nous remplaçons les tables par des lits, posons du gazon au sol et proposons un style de musique différent. »
Si les autres années, le Skybar parvenait à faire venir des grands noms tels que 50 Cent ou encore Pitbull, « par les temps qui courent, il devient plus difficile de convaincre les artistes internationaux de se rendre au Liban, reconnait Abraham Helal, alors on innove ».

Outre les « Sun.days » du dimanche, le vendredi soir, le Skybar organise ses soirées « signature » en collaboration avec la plate-forme Cotton Candy pour la conception et la création. Il s'agit de nuits à thèmes comme les soirées spéciales Rio pendant la Coupe du monde.
Ces initiatives portent leurs fruits, le week-end dernier le Skybar a encore attiré quelque 7 000 noctambules pour un ticket moyen de 50 dollars par personne.

Malgré les innovations et la créativité à toute épreuve des Libanais, la nightlife n'est pas épargnée par le marasme ambiant, comme l'explique Naji Gebran, un des propriétaires du B018. « Il y a trois ans nous ouvrions tous les soirs, explique-t-il, mais depuis que les problèmes ont commencé en Syrie, nous avons été obligés de réduire nos ouvertures à 3 soirs par semaine. »
Selon l'homme d'affaires, si les Libanais ont toujours le goût de la fête et continuent de sortir, leurs dépenses ont nettement été revues à la baisse. « La clientèle est aujourd'hui essentiellement locale et le ticket moyen dépensé a été réduit de moitié depuis le début de la crise syrienne », précise Naji Gebran.
En réponse à la crise ambiante, le B018 organise également des soirées privées, anniversaires et mariages les soirs de fermeture. « Cela nous permet d'amortir les pertes, même si cela ne compense pas l'absence d'expatriés et de touristes », ajoute le propriétaire.

 

(Lire aussi: L'insécurité ambiante plombe le tourisme)

 

Rois de la vie nocturne, mais plus au Liban...
Selon les chiffres du syndicat des restaurateurs, le chiffre d'affaires du secteur des activités nocturnes au Liban aurait accusé une perte de 40 % depuis le début de la crise syrienne. « Nous avons perdu la clientèle turque et arabe qui constituait une part majeure des dépenses noturnes », indique Tony Ramy, homme d'affaires et président du B018 Management.

Autre phénomène émergent depuis le début des événements en Syrie : l'exportation de la nightlife libanaise dans les pays du Golfe.
« Autrefois, un artiste comme Ragheb Alama se produisait exclusivement au Liban et attirait ainsi toute une masse de touristes arabes venus spécialement pour le voir, explique Tony Ramy. Aujourd'hui, les artistes s'exportent et se produisent dans les pays du Golfe en réponse à la crise sécuritaire et l'absence de touristes. Il en est de même pour les investisseurs, poursuit l'homme d'affaires. Vous trouvez aujourd'hui toutes les grandes enseignes de la nuit beyrouthine dans le Golfe, Iris est à Dubaï, One à Abou Dhabi... »

Tony Ramy lui-même élabore actuellement de nouveaux projets dans les pays arabes, notamment l'ouverture de Falamanki à Dubaï et de Sultan Brahim. « Même si l'on conserve Beyrouth comme pied-à-terre, s'exporter à l'étranger devient un impératif dans ces circonstances », explique Tony Ramy.
C'est également ce que confirme Olivier Gasnier Duparc, un des propriétaires du Behind The Green Door et organisateur des soirées « Decks on the Beach » les vendredis soirs au Sporting.
« Nous avons lancé le concept en 2012, explique-t-il. Le modèle économique est souple et nécessite peu d'investissements. Cela nous permet d'annuler facilement une soirée en cas d'incidents sécuritaires après un attentat par exemple, puis de reprendre quand les choses se sont tassées. »

Même si le concept connaît un beau succès, l'homme d'affaires envisage lui aussi d'exporter son concept à l'étranger. « Cela fait plus de deux ans que nous subissons l'instabilité ambiante et les choses ne sont pas près de s'améliorer, alors oui nous pensons nous développer à Dubaï cet hiver ou l'hiver suivant, mais pour les affaires, nous ne pouvons plus nous limiter au Liban. »

 

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