Depuis samedi, de violents affrontements opposent l'armée libanaise à des jihadistes dans la région de Ersal, frontalière de la Syrie. Les combats, qui ont fait 16 morts dans les rangs de l'armée et plusieurs dizaines de tués dans ceux des jihadistes, ont éclaté après l'arrestation d'Imad Ahmad Jomaa.
Romain Caillet, chercheur et consultant sur les questions islamistes, revient sur ce débordement du conflit syrien au Liban.
Qui est Imad Ahmad Jomaa ?
Ahmad Jomaa est un Syrien qui a sa propre brigade, Liwa' fajr al-Islam, et a fait récemment allégeance à l'État islamique (EI, ex-Daech) (voir la vidéo ici). A priori, cette brigade était basée à Homs, mais elle n'est pas très connue dans les milieux jihadistes et elle est peu documentée.
Il est possible que par le passé, cette brigade ait fait allégeance au Front al-Nosra, ce qui expliquerait pourquoi l'armée libanaise présente Jomaa comme un homme de Nosra.
Avant l'offensive irakienne de l'État islamique en Irak, ce groupe, à l'époque l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL, ou Daech), était perçu par certains comme un complot monté par Bachar el-Assad. Tout a changé avec l'offensive irakienne. Avec cette offensive sont arrivés de nouveaux fonds. À partir de là, l'EI pouvait paraître, pour certains groupes jihadistes, comme un bailleur de fonds plus stable que certains pays du Golfe, qui soutiennent les groupes jihadistes, mais dont le financement varie en fonction des intérêts politiques.
L'État islamique a peut-être aussi fourni des hommes à la brigade de Jomaa, qui peut comprendre des jihadistes syriens, des jihadistes libanais et des réfugiés syriens adhérant à ce type d'idéologie.
Certains ont avancé comme cause de la bataille de Ersal l'arrestation de Jomaa, alors que le commandant en chef de l'armée libanaise a indiqué que l'opération était planifiée. Quelle est votre analyse ?
On sait que l'État islamique a envoyé des renforts dans le Qalamoun (région syrienne à la frontière avec le Liban où ont lieu des combats entre le Hezbollah et les rebelles syriens). Avant, le Qalamoun était le terrain du Front al-Nosra. Ce groupe y avait pris le commandement de la quasi-totalité des forces rebelles.
Là, quelque chose a changé, et l'EI y est présent (au moins 50 jihadistes de l'EI et du Front al-Nosra ont été tués dans des combats avec les troupes syriennes et le Hezbollah dans le Qalamoun, a indiqué samedi l'Observatoire syrien des droits de l'homme, NDLR).
Ensuite, il y a eu l'arrestation de Jomaa par l'armée libanaise, samedi. Il me semble que les deux versions sur l'origine de la bataille de Ersal ne sont pas incompatibles. Il est possible qu'une opération ait effectivement été préparée, comme l'indique le général Kahwaji, et que l'arrestation de Jomaa, peut-être en reconnaissance sur le terrain, ait accéléré le lancement de l'opération.
Comment envisagez-vous la suite des événements ?
Il est difficile de prévoir la suite des événements, mais je pense que pour les jihadistes, l'objectif de cette offensive est de s'implanter au Liban. Quant au réveil d'autres foyers jihadistes dans le pays, il y a eu un regain de violence à Tripoli ce week-end et des rassemblements d'hommes armés dans certains quartiers de Beyrouth, mais ils ont été contenus quand une trêve a été instaurée dimanche soir. Il va falloir voir comment la situation évolue dans les jours à venir.
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commentaires (5)
Ils peuvent s'implanter du jus de carottes en piquouzes divines...ils n'ont aucune chance que cela pousse...car les jaazars sont cuites..
M.V.
20 h 09, le 05 août 2014