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Liban - Drame

Aux quatre coins du Liban, les mêmes larmes, la même douleur...

À bord du vol Air Algérie AH 5017, 19 tragédies libanaises. Le Liban officiel se rend de ce fait aujourd'hui au Mali, et un comité accompagné des précieux relevés d'ADN des proches des victimes y restera jusqu'au rapatriement des dépouilles mortelles.

Le Liban-Sud en deuil. Photo Mahmoud Zayat AFP

Ils étaient 19 Libanais à bord du vol Air Algérie AH 5017, et ils ont tous péri dans la nuit de mercredi à jeudi lors du crash de l'avion retrouvé jeudi soir. Il y a Randa Bassma Daher et ses trois enfants, Ali, Shayma et Salah, habitants la ville sudiste de Srifa, qui ne reverront pas leur père Fayez resté au Burkina Faso, et qui a perdu l'ensemble de sa famille en quelques secondes. À Srifa, la sœur du papa, Randa, crie à qui veut l'entendre : « Ils sont tous partis ! Tous ! » Il y a Mounji Hassan (35 ans) et sa femme Najwa (28 ans), qui retournaient également au Liban-Sud avec leurs quatre enfants Mohammad, Hussein, Hassan et Roukiya. À leur village de Hariss, les parents et amis affluent à la maison des victimes, et se transmettent par téléphone le dernier message publié sur WhatsApp par Mounji qui a écrit : « Gardez vos cœurs blancs. Un jour vous ne ferez plus partie de cette vie. »

 


Le dernier message publié sur WhatsApp par Mounji Hassan qui a écrit : « Gardez vos cœurs blancs. Un jour vous ne ferez plus partie de cette vie. »

 


Dans le village d'à côté, à moins de cinq kilomètres, Zrariyé pleure le jeune Mohammad Akhdar (23 ans), qui a décidé de surprendre ses parents et qui les a appelés quelques minutes avant le décollage du McDonnell 83 pour leur annoncer la nouvelle de son arrivée à Beyrouth. Son frère étreint un portrait de lui le jour de sa promo et sa maman gémit en silence, en murmurant : « Il s'apprêtait à se fiancer... ».

Un peu plus loin, les proches de Bilal Duheini, qui a péri dans l'accident avec son épouse allemande et ses trois enfants, Rayan (11 ans), Olivia (8 ans) et Malek (4 ans), peinent à assimiler le choc. Bilal et sa famille ne seront pas là pour les vacances, encore moins pour le mariage collectif de 4 de ses neveux. Au domicile de son frère, les habitants du village de Kharayib qui a également perdu 17 de ses fils lors des crashs des avions de Cotonou et d'Éthiopie, en 2003 et 2010, viennent soutenir les proches de la famille. Ibtissam, la sœur de Bilal, raconte, effondrée : « Nous lui demandions de nous envoyer des photos des enfants. Il refusait et nous disait que nous allions les voir bientôt... ».

 

(Repère : Quatre causes qui peuvent expliquer le crash du vol d'Air Algérie)

 

Et il y a aussi Omar Ballan, fils de Ghosta et propriétaire d'un restaurant au Burkina Faso venu participer au mariage de son cousin prévu aujourd'hui samedi. Son épouse Marianne, qui n'a pas d'enfants, l'a devancé à Beyrouth quelques jours auparavant. Elle y restera pour toujours.

Au Sud et aussi à Aïntoura
Si la plupart des victimes libanaises du crash de l'avion, dont l'épave désintégrée a été localisée dans la région de Gossi au Mali à proximité de la frontière du Burkina Faso, sont originaires du Liban-Sud, un village de la région du Metn a également payé le prix fort lors de cette catastrophe aérienne. À Aïntoura el-Metn, deux amis ont trouvé la mort côte à côte dans ce funeste avion : Joseph el-Hage et Fadi Rustom. Originaires de ce village comptant 8 000 habitants dont plus de 4 000 émigrés, ces deux hommes liés par une amitié forgée par l'émigration ont quitté leur village natal il y a plus de 25 ans.

À L'Orient-Le Jour, le président du conseil municipal de Aïntoura, Georges el-Hage, raconte comment leurs familles, qui les ont devancés à Beyrouth pour les vacances, n'ont pas encore assimilé la nouvelle. « C'est maintenant que leurs deux femmes et leurs six enfants commencent vraiment à comprendre qu'ils ne les reverront plus, dit-il, car les informations ont mis du temps à parvenir. C'est la deuxième fois que Aïntoura reçoit son lot de catastrophes aériennes. En 2003, plus d'un fils de la localité a péri dans l'avion de Cotonou. La tristesse est palpable aujourd'hui au village, même si Fadi vivait en fait à Chnaniir et Joseph à Zalka. »

À Zalka, le cousin de Joseph, perturbé par les incidents et par un trop-plein d'émotions, préfère ne pas répondre aux questions. Il laisse à Joe Abou Jaoudé, un ami et voisin de la famille, le soin de relater les douloureux événements de la veille. « Peu de personnes ont directement compris que l'avion dont il était question dans les médias était celui qu'empruntait Joseph, explique-t-il à L'Orient-Le Jour. Nous étions en train de suivre les nouvelles à la télévision sur les chaînes françaises et libanaises et certains ont été surpris d'entendre le nom de Joseph parmi les passagers de l'avion disparu. » « Comme nous n'avons jusque-là pas reçu de façon officielle l'attestation de sa mort, nous avons gardé espoir jusqu'à vendredi, et nous sommes encore en état de choc, dit-il. Nous croyons aux miracles et l'on y croyait. » Et d'ajouter : « Nous sommes dans une situation difficile et bizarre. Nous sommes incapables de publier un faire-part à l'heure actuelle. Les gens viennent exprimer leur soutien en ne sachant s'ils doivent présenter leurs condoléances ou pas. Aujourd'hui, un médecin est venu prélever des échantillons d'ADN et nous savons que les résultats devront attendre. Nous acceptons la volonté de Dieu, mais c'est l'attente qui est dure, même si nous sommes conscients des procédures. Nous ne pouvons que prier... ».

 

(Reportage :"Trois crashs en une semaine, ça commence à faire beaucoup")


Ayant perdu son père lorsqu'il était enfant, Joseph el-Hage s'était réfugié en 1988 au Burkina Faso pour pouvoir soutenir sa famille financièrement. Il y a 17 ans, raconte son voisin Joe, il a survécu « par miracle » à un accident de la route mortel. À 46 ans, il laisse derrière lui une famille formée de sa femme et de trois enfants, âgés entre 3 et 9 ans. « Nous ne saurons pas quoi leur dire quand ils grandiront, s'inquiète Joe. Ils l'attendaient cette fois comme chaque année. Il aimait le Liban et faisait d'incessants allers-retours en répétant qu'il viendra s'installer définitivement à Beyrouth à la première occasion... ».

Prélèvements d'ADN et contacts intensifs
Sur un autre plan, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil avait affirmé hier lors d'une conférence de presse qu'il y avait 19 victimes libanaises à bord de l'avion d'Air Algérie. Selon M. Bassil, Paris a offert au Liban sa coopération pour faciliter la restitution des dépouilles mortelles des victimes libanaises.

Le directeur général du département des Émigrés au ministère des Affaires étrangères, Haytham Jomaa, a appelé pour sa part les parents des victimes à fournir au ministère des échantillons d'ADN afin de faciliter l'identification des victimes libanaises. M. Jomaa a en outre assuré qu'il se rendra en Afrique au plus vite une fois les questions logistiques mises en place, notamment les relevés d'ADN. Un comité du ministère des AE, du Haut Comité de secours et de la Sûreté générale accompagnera la livraison de ces relevés jusqu'au rapatriement des corps.

De son côté, le Premier ministre Tammam Salam est entré en contact avec le ministre Bassil pour s'informer des efforts réalisés par son ministère, concernant l'identification des victimes et les procédures précédant leur rapatriement. Le chef du gouvernement a ensuite respectivement appelé l'ambassadeur de France, Patrice Paoli (Paris dispose d'une force militaire au Mali), et le chef du législatif Nabih Berry pour lui présenter ses condoléances. Il a enfin suivi les préparations de la délégation officielle qui se rendra au Mali dans les prochaines heures.

Une journée de deuil national devrait par ailleurs être décrétée dès l'arrivée des corps des victimes au Liban. Le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, a pour sa part exhorté les mohafez du Liban-Sud, de Nabatiyé et du Mont-Liban à visiter les familles des victimes dans ces régions et à suivre les mesures qui seront décidées par la délégation officielle qui s'est rendue à Mali. Le ministre a également appelé le chef de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, à faciliter les procédures requises pour les familles des victimes désireuses de se rendre au Mali. Séparément, le ministre a publié une annonce regrettant de ne pas pouvoir recevoir des félicitations à l'occasion de la fête du Fitr, vu les développements locaux et régionaux. Enfin, le député Yassine Jaber a estimé que « la diaspora libanaise paye encore une fois le prix fort ». « Des Libanais ont quitté leur pays pour l'étranger, à la suite des tensions sécuritaires et politiques et en raison de la détérioration de la situation socio-économique », a-t-il déploré.

L'épave désintégrée de l'avion avait été localisée dans la nuit de jeudi à vendredi dans la région de Gossi à proximité de la frontière du Burkina Faso, selon les autorités françaises. 118 personnes étaient à bord du vol. Le président français François Hollande a déclaré vendredi qu'il n'y a « aucun survivant » dans l'épave de l'avion, en précisant qu'une boîte noire avait été retrouvée.

 

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commentaires (2)

ALLAH YIR7AMON.

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 57, le 26 juillet 2014

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Commentaires (2)

  • ALLAH YIR7AMON.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 57, le 26 juillet 2014

  • Paix pour leurs âmes . Le tribu est lourd .

    Sabbagha Antoine

    10 h 28, le 26 juillet 2014

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