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Le rébus de Gaza

Elles feront date dans l'historique du conflit, ces roquettes qui viennent réduire, un tant soit peu, le déséquilibre des forces, par trop considérable, entre Palestiniens et Israéliens. Un peu comme la célébrissime fronde de David affrontant Goliath, voilà bien en effet des engins relativement faciles à fabriquer et à lancer, pas très précis certes, mais qui, en revanche, peuvent faire grand mal quand ils atteignent leur cible.


Par-delà l'effroyable et fort inégal bilan de cette énième bataille de Gaza entrée dans sa deuxième semaine, un double constat s'impose. À défaut de faire véritablement pièce à la formidable machine de guerre et aux gadgets électroniques ultramodernes dont dispose Israël, cette arme du pauvre a, du moins, réussi à généraliser la peur : celle-ci n'est plus le triste apanage de la population de Gaza écrasée sous les bombes, elle habite aussi désormais la population d'Israël, dont toutes les agglomérations se trouvent à portée en effet des artilleurs palestiniens. En deuxième lieu, et non contente de bousculer le contexte purement militaire et psychologique, la fruste roquette plonge dans l'embarras plus d'une autorité ou partie politique, malgré le honteux et assourdissant silence qu'observent, dans leur quasi-totalité, les pays arabes.


Acceptée sur-le-champ par Israël, saluée par l'Amérique mais rejetée par le Hamas qui exige rien moins qu'un règlement global, la proposition de trêve avancée par l'Égypte traduit ainsi les affres d'un maréchal Sissi persécutant allègrement les Frères musulmans chez lui et néanmoins tenu de faire quelque chose pour leurs camarades de Palestine. Plus difficile encore à trancher est, pour Benjamin Netanyahu, le dilemme. Céder aux exigences du Hamas, lever le blocus de son territoire, libérer des prisonniers ? Ce serait seulement paver la voie à une nouvelle crise de Gaza, fait valoir la droite israélienne. Ne resterait plus, dès lors, que la solution globale telle que l'entend l'État hébreu, c'est-à-dire une expédition terrestre visant à désarmer une fois pour toutes les Palestiniens. Or, du fait même de la donne qui a changé, une telle opération serait forcément coûteuse en vies israéliennes, dans les rangs des civils tout autant que des militaires. Est-on bien sûr, par ailleurs, que c'en serait vraiment fini ?


Non moins inconfortable est, à l'autre bout de l'éventail, la position d'un Hezbollah qui se pose en fer de lance de la résistance à Israël, qui fait figure de pionnier et même de spécialiste incontesté en matière de tirs de roquettes, mais qui se trouve bien en peine, aujourd'hui, d'épauler concrètement les défenseurs de Gaza. Faire la sourde oreille, s'en tenir à son engagement militaire en Syrie, c'est, pour la milice, reconnaître publiquement que la priorité absolue va à la survie du régime baassiste : laquelle survie, piquant détail, est vraisemblablement souhaitée aussi, ne serait-ce que comme un moindre mal, par l'ennemi israélien. Quant à ouvrir un front de diversion à partir du Liban-Sud, ce serait porter deux grosses pastèques d'une seule main ; s'ajoutant à la triste ronde des cercueils ramenés de Syrie, la perspective d'une guerre totale n'a certes pas de quoi séduire même les milieux les plus acquis au Hezbollah. Surtout si la victoire divine n'est pas, cette fois, au rendez-vous.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Elles feront date dans l'historique du conflit, ces roquettes qui viennent réduire, un tant soit peu, le déséquilibre des forces, par trop considérable, entre Palestiniens et Israéliens. Un peu comme la célébrissime fronde de David affrontant Goliath, voilà bien en effet des engins relativement faciles à fabriquer et à lancer, pas très précis certes, mais qui, en revanche,...