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Liban - Liban

Varouj Mavlian, photoreporter à « L’Orient », revient sur ses souvenirs de jeunesse

Varouj Mavlian, ancien photoreporter à « L'Orient », ayant émigré en Australie durant la guerre civile, se raconte, à l'occasion des 90 ans de « L'Orient-Le Jour ».

Varouj Mavlian, à son hôtel à Jal el-Dib. Cet ancien de « L’Orient » envisageait de participer aux 90 ans de « L’Orient-Le Jour », mais il est reparti avant la fête, qui a été reportée à cause du mauvais temps. Photo Anne-Marie el-Hage

C'est depuis Sydney qu'il a appris que L'Orient-Le Jour célébrait ses 90 ans en mai, en grande pompe. Il préparait son voyage annuel pour Beyrouth et se faisait une joie d'assister aux festivités. Il avait bien pris soin, pour cela, de se mettre en contact avec l'administration du quotidien qui l'a convié à l'événement. Varouj Mavlian est un vieux de la vieille, un ancien de l'équipe, qui a fait ses premières armes à L'Orient, au Jour, et au Nahar. Après avoir jeté l'éponge et émigré en Australie durant la guerre civile, le photographe replonge dans ses souvenirs de jeunesse, l'espace d'une rencontre.
À 78 ans, l'homme apparaît un brin fatigué, certes. Mais sa mémoire reste vive. Et s'il cherche ses mots parfois, c'est parce qu'il tient à se raconter en arabe, la langue de son enfance, celle de son passé professionnel au Liban. Il est tellement plus à l'aise en anglais, sa langue d'adoption, mais c'est du fond du cœur qu'il parle libanais, les yeux mouillés d'émotion, avec ce léger accent propre aux Arméniens d'origine.

 

La photo avec le président Chamoun
Au fil de la conversation, l'ancien photographe exhibe ses anciennes cartes de presse, ses laissez-passer, qu'il garde précieusement. Il se remémore les beaux souvenirs, les rencontres inoubliables, les événements marquants. « On m'envoyait souvent chez le président Camille Chamoun, à Saadiyate, se souvient-il. Un jour que j'y étais avec un reporter qui devait l'interviewer, ce dernier m'a demandé de prendre une photo de lui avec le président. Je me suis exécuté. Le président Chamoun a alors insisté pour que mon collègue prenne à son tour une photo de nous deux. Cela m'a beaucoup touché. »


Le photographe évoque en riant comment il a réussi, un jour, à déjouer « les services » qui lui avaient confisqué sa caméra et à cacher son film dans ses chaussettes. « J'étais sur la place du Bourj (centre-ville de Beyrouth) et une explosion a eu lieu. Les gens couraient dans tous les sens. D'autres étaient à terre. J'ai alors pris des photos. C'est alors que l'armée s'est déployée sur les lieux et m'a arrêté pendant trois bonnes heures. Ils n'ont pas vu que j'avais remplacé le film de la scène par un autre. » Le lendemain, la photo faisait la une du journal.


M. Mavlian se rappelle aussi la fameuse journée de panique qui a suivi l'annonce de la faillite de la Banque Intra. « Une foule de gens attendait de pouvoir retirer de l'argent. Je me trouvais là avec mon appareil photo, raconte-t-il. C'est alors que des coups de feu ont été tirés en l'air, provoquant une terrible panique. Moi, je prenais des photos. » De retour au journal, le photographe a réalisé, après avoir montré les clichés à ses collègues, qu'il avait pris en photo, sans le savoir, des proches de l'un de ses collègues.
Le photographe décrit son amour pour son métier. « Je travaillais jusque tard le soir, souligne-t-il. Je ne rentrais jamais chez moi avant l'impression. Il faut dire que l'ambiance s'y prêtait. Ma vie était tellement amusante. » Il se remémore la soirée organisée par Ghassan Tuéni qui avait invité toute l'équipe à dîner un soir, à Hamra, pour célébrer un événement. « Nous étions comme une grande famille », note-t-il, à ce propos, se rappelant les gentilles taquineries de ses collègues.

 

La guerre le pousse à émigrer
Mais la guerre balaie cette ambiance bon enfant. Le reporter s'acharne à continuer dans la photo humanitaire qui le passionne, toujours soucieux d'obtenir la meilleure photo. « J'ai pris la photo d'un combattant qui marchait seul, l'arme en bandoulière, portant un bébé dans les bras, affirme-t-il. C'était une de mes plus belles photos. Elle a été publiée. »
Mais il n'a d'autre choix que de se plier aux nouvelles règles du jeu et de couvrir la guerre. « Je n'avais pas peur. J'ai couvert notamment des opérations armées organisées par telle ou telle autre milice », précise-t-il. C'est après avoir couvert une opération menée par les Mourabitoun que Varouj Mavlian est blessé au genou par un franc-tireur. Ce jour-là, il se demande ce qu'il fait encore sur le champ de bataille, alors que ses parents avaient émigré pour l'Australie depuis un certain temps. « J'avais déjà deux enfants. Je pensais à leur avenir », se souvient-il. Le photographe passe trois mois à l'hôpital. Le massacre des deux fils d'un de ses collègues et ami, et le funeste « samedi noir » qui a suivi, achèvent de le dégoûter. Il est désormais convaincu que cette guerre ne peut que durer.


Il est conforté dans son jugement par des scènes d'horreur auquel il assiste fortuitement. « Dans ce même restaurant où Ghassan Tuéni nous a invités à dîner, des hommes armés sont entrés en hurlant avec leurs fusils, tirant dans tous les sens. La scène s'est passée devant moi », raconte-t-il. Il évoque avec effroi l'image de « cet homme attaché par le pied à une voiture et traîné dans les rues de Beyrouth ». « Nous étions en voiture, mon épouse et moi. Elle a hurlé d'horreur », raconte-t-il. M. Mavlian se souvient aussi du « sang qui dégoulinait d'un camion », après un massacre. Il n'en dit pas plus.


Il part rapidement pour Chypre avec femme et enfants où il attend durant deux mois son visa pour l'Australie. Là-bas, Varouj Mavlian prend un nouveau départ, faute de trouver un emploi comme photoreporter. Il travaille dans un laboratoire de développement de photos en couleur, avant d'ouvrir une, puis deux, puis trois boutiques, comme photographe professionnel.


Regrette-t-il d'avoir émigré ? « Jamais », assure-t-il. Ses trois enfants, dont le plus jeune est né en Australie, ont fait de hautes études et sont heureux. Quant à lui, depuis Sydney, il lit tous les matins L'Orient-Le Jour et an-Nahar et continue de venir chaque année au Liban, où il a vécu une trentaine d'années, à la recherche de ses souvenirs et de ses compagnons de jeunesse.

 

Retrouvez notre page spéciale sur la diaspora libanaise

 

C'est depuis Sydney qu'il a appris que L'Orient-Le Jour célébrait ses 90 ans en mai, en grande pompe. Il préparait son voyage annuel pour Beyrouth et se faisait une joie d'assister aux festivités. Il avait bien pris soin, pour cela, de se mettre en contact avec l'administration du quotidien qui l'a convié à l'événement. Varouj Mavlian est un vieux de la vieille, un ancien de l'équipe,...
commentaires (1)

Comme Varouj Mavlian on veut vivre les bons souvenirs du Liban mais on ne les trouve plus surtout avec cette caste politique actuelle pourrie .

Sabbagha Antoine

13 h 45, le 16 mai 2014

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Commentaires (1)

  • Comme Varouj Mavlian on veut vivre les bons souvenirs du Liban mais on ne les trouve plus surtout avec cette caste politique actuelle pourrie .

    Sabbagha Antoine

    13 h 45, le 16 mai 2014

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