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Liban - Liban

Employées de maison le jour, mannequins un soir

À l'occasion du 1er mai, l'association Insan a organisé un défilé de mode qui a vu la participation d'employées de maison étrangères. L'événement avait pour objectif de sensibiliser les Libanais aux droits de la main-d'œuvre domestique et de montrer que ces travailleuses sont aussi femmes et belles.

La tête haute, le regard fier, le sourire éclatant, elles ont défilé avec naturel et détermination, jeudi, à l'occasion de la fête du Travail, affichant leur bonheur d'être les stars du Yukunkun Club, à Gemmayzé. Mannequins et stars d'un soir, Micheline (du RDCongo), Pâquerette (de Madagascar), Champi, sa fille Sewwandi (du Sri Lanka) et leur compatriote Anupama sont dans la vraie vie employées de maison ou femmes de ménage au Liban. Mais elles ont voulu montrer au monde, et plus particulièrement à la société libanaise, qu'elles n'ont rien à envier aux top-modèles. Et ce grâce à l'initiative de l'association Insan, ayant pour thème « Célébrant les couleurs de 2014 ». Elles ont voulu montrer qu'elles aussi sont femmes et belles, certes, mais surtout qu'au-delà du statut de travailleuses domestiques dans lequel elles sont confinées et des tâches qu'elles doivent accomplir, elles ont des occupations, des passions, des rêves à réaliser, et méritent le respect auquel a droit tout être humain.

 

 

Pour organiser la profession
Dans la petite salle du pub, où se côtoient des gens de tout âge et de diverses nationalités, les applaudissements montent crescendo. Le public, une soixantaine de personnes, est conquis d'avance. Non seulement par l'audace du concept qui entend sensibiliser la société aux droits de la main-d'œuvre domestique migrante, mais aussi par la grâce avec laquelle les mannequins d'un soir, femmes migrantes rejointes par de jeunes bénévoles libanaises, portent et présentent les créations originales et toutes en couleurs de quatre designers du Liban : The Creative Space, Emmanuelle Calamy, Sana' by Sana' Ayoub et Randa Dirani, également présentatrice de l'événement.

(Pour mémoire : Le responsable d'un bureau de recrutement au Koura arrêté pour le viol d'une Ethiopienne)

« Les employées de maison sont des femmes, comme toutes les femmes du Liban », souligne à ce propos Charles Nasrallah, directeur et fondateur d'Insan. Cette soirée, explique-t-il, a pour objectif de « lutter contre la violence faite aux employées de maison, mais aussi d'organiser leur profession, en fixant un horaire de travail, en améliorant leur salaire, en leur donnant une liberté de circulation et en annulant le système du garant ».

 

Pâquerette, 34 ans, ne donne sa joie à personne. Pour elle, ce défilé est synonyme de liberté. Un mot qu'elle prononce avec délectation avant d'entrer en scène car elle en connaît le prix. « J'ai travaillé pendant un an auprès d'une famille qui m'enfermait comme en prison », souligne-t-elle. Aujourd'hui, avec l'accord et les encouragements de ses employeurs, non seulement la jeune femme participe au défilé de mode, mais elle est aussi affiliée au syndicat des employées de maison migrantes.

Espoirs et rêves
Dans les coulisses où elles finissent de s'apprêter, Champi et Sewwandi sont fébriles. Mère et fille partagent ensemble ce moment unique pour elles. « Au Liban, où j'ai rejoint ma mère depuis juste dix mois, je suis considérée comme une employée de maison ; ici, ce soir, je suis mannequin », dit la jeune fille d'à peine 22 ans dans un anglais parfait. Mais dans ses rêves les plus fous, cette infirmière diplômée espère un jour exercer sa profession au pays du Cèdre avec l'aide de son employeuse. Champi, elle, avoue ressentir une certaine excitation. « J'aime la mode, et pour la première fois depuis 12 ans, je serai vue autrement que comme une employée de maison », observe-t-elle. De son côté, leur compatriote Anupama, qui pratique la danse, rend hommage au programme mis en place par l'association Insan. « C'est une marque de respect pour nous, les employées de maison étrangères », assure-t-elle.

(Lire aussi : Employées de maison : les tromperies commencent dans le pays d'origine)

Sur scène, les femmes passent et repassent, d'abord timides et hésitantes, puis avec plus d'assurance. Micheline est applaudie à tout rompre. Elle porte une de ses propres créations, cousue dans un tissu africain. « Je suis designer et crée sans cesse de nouvelles choses », raconte cette mère d'un petit Libanais, qui travaille occasionnellement comme femme de ménage. « Je suis là pour soutenir les employées de maison qui souffrent et pour montrer qu'une femme de ménage, après son travail, peut être belle », souligne-t-elle.
Dans l'assistance, outre un public libanais assez nombreux, des employées de maison migrantes éthiopiennes, philippines ou malgaches bombardent leurs compatriotes de leurs flashs. Ce soir, elles n'ont pas osé se mettre en valeur. L'une à cause d'employeurs récalcitrants, l'autre par timidité, la troisième à cause d'une crise d'allergie. Mais leur joie est indicible car leurs consœurs sont bien les reines de la fête.


Pour mémoire

Guide (de survie) pour travailleuses domestiques au Liban, le clic de Rania Massoud

La tête haute, le regard fier, le sourire éclatant, elles ont défilé avec naturel et détermination, jeudi, à l'occasion de la fête du Travail, affichant leur bonheur d'être les stars du Yukunkun Club, à Gemmayzé. Mannequins et stars d'un soir, Micheline (du RDCongo), Pâquerette (de Madagascar), Champi, sa fille Sewwandi (du Sri Lanka) et leur compatriote Anupama sont dans la vraie vie...

commentaires (4)

Excellente initiative! En plus, elles sont tres sympas!

Michele Aoun

14 h 49, le 03 mai 2014

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Commentaires (4)

  • Excellente initiative! En plus, elles sont tres sympas!

    Michele Aoun

    14 h 49, le 03 mai 2014

  • Et elles sont plus belles en sus.... que les Libanaises !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 51, le 03 mai 2014

  • IL FAUT ARRACHER LA RACINE RACISTE ET LA MANIE DE CONSIDÉRER COMME ESCLAVES LES EMPLOYÉES DE MAISON, ANCRÉES DANS LES COEURS IMPITOYABLES D'UNE GRANDE PART DES FEMMES LIBANAISES, ET MÊME DES HOMMES LIBANAIS ! OU : QUE LA LOI TRANCHE IMPITOYABLEMENT !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 45, le 03 mai 2014

  • Chapeau et bravo à l'association INSAN !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 45, le 03 mai 2014

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