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Moyen Orient et Monde - Le point

Guerre, vérités et contrevérités

Pressés de questions, ils finissent par avouer : « Nous avons droit à de belles paroles, des promesses d'aide qui ne se concrétisent presque jamais. Des armes ? Oui, mais tout juste de quoi nous permettre de garder la tête hors de l'eau. » Un général rallié à la révolte révèle : « Les deux derniers mois, j'ai obtenu à chaque fois 25 000 dollars, soit 50 dollars par combattant. » Le père d'un rebelle : « Je conduisais ma voiture quand mon portable a sonné. Mon interlocuteur voulait m'annoncer le décès de mon fils, mort au combat. Je suis descendu de mon véhicule pour me prosterner et remercier le Seigneur d'avoir fait de lui un martyr. »
Les guerres civiles sont comme les icebergs dont on voit seulement la partie émergée, soit dix pour cent de leur volume. Quatre-vingt-dix pour cent de non-dits donc, une proportion à laquelle il convient d'ajouter la part de contrevérités dont on connaît, surtout depuis un certain Joseph Goebbels et son « ministère de la Propagande », l'importance pour le moral des troupes. Et les gobe-tout avalent, sans crainte de s'étouffer, l'horrible mixture qui leur est servie – « la soupe est bonne, mon général » –, comme si « plus c'est gros et mieux ça passe », ignorant cette réalité que Justin Brooks Atkinson devait codifier en une pensée admirable : « Après chaque guerre, il y a un peu moins de démocratie à sauvegarder. »


Entrée dans sa quatrième année, la (ô combien) douloureuse épreuve syrienne commence à dicter une approche moins ponctuelle qui se traduit par une recherche plus sérieuse et approfondie de la vérité, que l'on n'hésite plus à présenter sous son aspect le plus cruel. D'Irbid, en Jordanie, l'envoyé spécial du New York Times offre à ses lecteurs quelques images d'une saisissante crudité. Celle-ci par exemple : lorsque les rebelles veulent retourner au combat, les services secrets du royaume hachémite leur fixent un horaire précis ; quant à leurs demandes d'armes, ils doivent les adresser à une chambre d'opérations où grouillent agents jordaniens, saoudiens et américains, quand d'autres frontières sont de véritables passoires...
L'aide fournie se mesure au compte-gouttes, en tenant compte des intérêts de chaque pays donateur : armes non létales les rares fois où la démarche a été agréée, solde misérable de 50 dollars pour chaque combattant, sessions de formation élémentaire et donc inutiles s'agissant d'hommes aguerris, etc.


Après des mois d'un silence embarrassé qui en a étonné plus d'un, ou encore d'explications très peu convaincantes, John Kerry a fini par lâcher devant le Sénat, un peu gêné tout de même : « Une frappe US (telle que prévue l'été dernier) n'aurait pas changé le cours de la guerre. »


Dans sa dernière édition, la London Review of books* publie un article du journaliste Seymour M. Hersh, fruit d'une passionnante enquête sur l'utilisation dans la guerre syrienne de gaz sarin, intitulée « The red line and the rat line ». Des conclusions entérinées quelques jours plus tard par un autre reporter d'investigation, Robert Fisk, dans The Independent, ce qui a eu le don d'irriter une certaine presse turque – on comprend pourquoi turque à la lecture de l'article – , dont le Daily Sabah qui tire à boulets rouges sur les deux hommes, également accusés d'affabulation et de collusion.


On le sait, à l'heure qu'il est, on compte grosso modo deux millions et demi de réfugiés syriens, inégalement répartis entre le Liban, la Jordanie, la Turquie et l'Irak. Certains s'interrogent sur les raisons pour lesquelles d'autres États, très généreux dès qu'il s'agit de sortir le chéquier et en tout cas prodigues en conseils sur la manière de traiter ces invités malgré eux (et malgré leurs hôtes), préfèrent pour leur part s'abstenir d'en recevoir.


Au contraire de certains pays qui font étalage de leur générosité parcimonieusement octroyée, le Pakistan, lui, a opté pour le silence ou même pour le déni. Les médias locaux et étrangers évoquent de plus en plus souvent des cas où jihadistes d'el-Qaëda et talibans sont convoyés en Syrie. Le pouvoir en place multiplie les démentis, faisant dire à Sartaj Aziz, conseiller du Premier ministre Nawaz Sharif pour la sécurité et les Affaires étrangères : « Nous rejetons avec force les spéculations sur notre engagement dans la guerre en Syrie ainsi que sur la livraison, directement ou indirectement, d'armes aux rebelles. » De part et d'autre, on a préféré, après cette brève joute, en rester là, ce qui s'appelle écouter la voix de la raison.


Aimez-vous les citations ? Alors, en voici une qui pourrait servir de sujet de réflexion :
« Avez-vous oublié cette grande maxime :
La guerre civile est le règne du crime. »
Elle est de Pierre Corneille (« Sertorius ») et remonte à l'an 1662.

* Vol. 36, n° 17 – avril 2014.

Pressés de questions, ils finissent par avouer : « Nous avons droit à de belles paroles, des promesses d'aide qui ne se concrétisent presque jamais. Des armes ? Oui, mais tout juste de quoi nous permettre de garder la tête hors de l'eau. » Un général rallié à la révolte révèle : « Les deux derniers mois, j'ai obtenu à chaque fois 25 000 dollars, soit 50 dollars par...

commentaires (2)

IL N'Y A QU'UNE VÉRITÉ : C'EST ABJECT !!!

LA LIBRE EXPRESSION

21 h 30, le 15 avril 2014

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Commentaires (2)

  • IL N'Y A QU'UNE VÉRITÉ : C'EST ABJECT !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    21 h 30, le 15 avril 2014

  • L'administration d'Obama le lâche a inventé "les armes non létales" et, tenez-vous bien, à accorder "au compte-gouttes" aux révolutionnaires syriens. La guerre syrienne se prolongeant indéfiniment, on peut présumer qu'elle inventera encore les armes caressant le sexe des troupes et des chabbiha de Bachar le chimique et voudra convaince le monde qu'elles seront encore plus "efficaces" ! Effectivement en termes de "vérités, contrevérités" et sottises des uns et des autres, on aura tout vu et entendu, à propos de la guerre de la tyrannie nazie contre son peuple.

    Halim Abou Chacra

    10 h 47, le 15 avril 2014

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