Les membres de la Défense civile se jettent à l’eau pour leurs droits

Belle image que celle retransmise par les télés hier vers 14h30, de la plage de Ramlet el-Baïda à Beyrouth : une vingtaine d'hommes sortant de l'eau, levant leurs mains jointes vers le ciel, et face à eux, des hommes et des femmes dans le même uniforme leur rendant le geste de victoire.

Ces membres de la Défense civile, qui manifestent depuis plusieurs jours pour obtenir le vote de cette loi tant attendue, avaient décidé hier, en parallèle avec la séance du Parlement consacrée entre autres à l'examen de ce texte, de recourir à cette action spectaculaire et mettre leur vie en jeu pour faire pression sur les députés. En effet, peu après dix heures, un premier groupe de quelque quinze hommes est descendu dans une eau de mer assez houleuse et encore froide, menaçant de n'en sortir que quand la loi sera votée. Il est clair que dans ces conditions, ils mettaient leur vie en danger, trois d'entre eux ayant en effet dû être hospitalisés. Mais le reste a refusé toute intervention et toute aide, demandant aux bateaux de secours de ne pas s'approcher d'eux en mer, comme on a pu le voir sur les images de la chaîne al-Jadeed.

Sur le rivage, des proches inquiets avaient fait le déplacement, les yeux rivés sur la mer où l'on ne distinguait plus les têtes des nageurs, qui s'étaient déplacés très loin dans l'eau. Des hommes et des femmes sont également venus exprimer leur solidarité avec ces volontaires, qui interviennent dans toutes les situations de crise : incendies, accidents de la route, attentats... Pour cela, non seulement il ne sont pas rémunérés, mais ceux d'entre eux qui ont été blessés n'ont eu droit à aucune indemnité ni aide du gouvernement, comme le faisaient remarquer des manifestants ces derniers jours.

L'aventure d'hier s'est cependant bien terminée. À l'arrivée du groupe d'irréductibles volontaires devenus héros, un homme était à l'honneur : Youssef el-Mallah, qui a mené les manifestants vers la victoire, et qui a encouragé les hommes à entamer cet acte de protestation hors du commun. Visiblement épuisé, il a remercié tous les responsables, notamment les présidents de la République, du Parlement et du Conseil des ministres, d'avoir trouvé une solution à ce problème qui dure. Il a également salué le soutien apporté par les citoyens et les médias. Très ému, il a confié « avoir écouté ce que la mer avait à nous dire ».
De leur côté, ses compagnons, pour mieux exprimer leur joie et la légitimité de leurs demandes, ont effectué des manœuvres de sauvetage sur la plage et en mer, afin de mieux sensibiliser le public au rôle qu'ils jouent dans la société.

La loi qui a été enfin votée hier au Parlement porte sur la réorganisation de toute la direction de la Défense civile, une institution qui compte quelque 770 fonctionnaires, des contractuels et plus de 2 400 bénévoles. Ces derniers constituent l'essentiel de son personnel. Le texte stipule qu'un concours d'entrée sera mis à la disposition des bénévoles, mais aussi du reste du personnel, en vue de les cadrer définitivement. Malgré la joie qui était perceptible hier sur la plage de Ramlet el-Baïda, l'inquiétude planait toujours sur les manifestants, qui craignent de ne pas tous bénéficier de cette nouvelle aubaine.
À noter qu'une partie des manifestants de la Défense civile avait rejoint le sit-in du Comité de coordination syndicale à la place de l'Étoile, devant le Parlement, pour revendiquer l'adoption d'une nouvelle grille de salaires.

Lire aussi

« Une loi injuste au service des grandes compagnies immobilières », dénoncent les anciens locataires

L'intifada populaire suspendue, mais jusqu'à quand ?

Pour mémoire

Elle gronde, écoutez-la !, la chronique de Nagib Aoun