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Liban - Liban

Parlement : 39 lois votées au total, et priorité mercredi prochain à la grille des salaires

Abbas Hachem serrant la main à Nawaf Moussaoui avant l’entrée au Parlement. Photo Nasser Traboulsi

La troisième journée des réunions en séance plénière de la Chambre s'est caractérisée par des débats, tendus par moments, sur certains textes de loi, relatifs par exemple à l'indemnisation des militaires radiés le 13 octobre 1990, l'indemnisation des victimes civiles des attentats politiques depuis 1989, ou encore le retrait des plaques d'immatriculation bleues des députés... Ces débats se sont achevés en grande partie sur la décision de renvoyer les textes devant les commissions concernées. D'autres projets, comme celui qui consacre la proportionnelle comme mode de scrutin pour la nouvelle loi électorale, a été retiré de l'ordre du jour, à défaut de votes suffisants pour le frapper du caractère de double urgence.


D'abord, la proposition de loi portant sur l'indemnisation des officiers et soldats qui ont été radiés de l'armée le 13 octobre 1990 (date de l'offensive syrienne contre les forces du général Michel Aoun, retranchées au palais de Baabda, au ministère de la Défense et dans certaines régions de la Montagne) a été déféré devant les commissions conjointes en vue de son réexamen en séance plénière dans un délai d'un mois.
Présenté par le chef du Courant patriotique libre, le général Michel Aoun, ce projet a été défendu hier avec acharnement par les députés du bloc aouniste, relayés par le député Kataëb Samy Gemayel. Le député Ibrahim Kanaan a expliqué la valeur morale de cette proposition de loi, avec toute la rhétorique de solidarité avec l'armée. Après le député Nicolas Fattouche qui a relevé que la prescription devait jouer à l'encontre de l'adoption de ce texte, Assem Kanso (Baas) s'est opposé au principe même de cette indemnisation.

 

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Si le député Ghassan Moukheiber a estimé que « le droit d'accès à la justice est un principe à valeur constitutionnelle que n'affecte pas la prescription », Samy Gemayel a avancé un argument de bon sens, à caractère politique, revenant sur « la période de 1990 à 2005, celle de l'hégémonie syrienne sur le territoire et les institutions libanaises ». « Aucun recours devant la justice, ni le vote d'une loi en la matière n'était possible », a-t-il donc précisé, sans manquer de signaler que « plusieurs d'entre nous, qui réclamions l'indemnisation de ces officiers et soldats, avaient boycotté les législatives sous la tutelle syrienne ». « Aujourd'hui, nous sommes en mesure de prendre une mesure équitable en faveur de ceux qui ont honoré le devoir de défendre le Liban face à l'occupation syrienne », a-t-il lancé.

 

« Pas une occupation syrienne »
Cette dernière phrase n'a pas manqué de susciter le mécontentement de Assem Kanso. « Ce n'était pas une occupation », a-t-il vivement déclaré, ajoutant que « nombre de ceux qui, aujourd'hui, parlent d'occupation avaient été les premiers à défendre la Syrie ». « Vous étiez partenaires au pouvoir à l'époque de ce que vous appelez occupation », a-t-il encore lancé, avant de se voir répondre, de la part de Samy Gemayel : « Partenaires comment ? À partir de Paris ? (lieu d'exil du président Amine Gemayel, NDLR) ». Le président Berry est alors intervenu en demandant de rayer la mention « occupation syrienne » du procès-verbal de la réunion, puisque « la qualification d'occupation ne fait pas l'unanimité ». Samy Gemayel lui a alors répondu : « Vous devez prendre en compte qu'une grande partie des Libanais perçoivent cette période comme une période d'occupation. » « Pour nous, elle ne l'est pas », a alors rétorqué Nabih Berry, mettant ainsi fin à ce débat de principe.


S'agissant du projet de loi en question, le député Mohammad Kabbani s'est enquis des raisons pour lesquelles cette indemnisation se limiterait uniquement aux officiers radiés en 1989, et n'inclurait pas tous les officiers lésés, ce qui a conduit à renvoyer le texte à la commission de la Défense présidée par M. Kabbani lui-même.
C'est dans le même esprit que Fouad Siniora a émis une réserve sur la proposition de loi – élaborée par les Kataëb – visant à verser des indemnités et une pension de retraite aux civils tués lors des assassinats politiques depuis le 22 octobre 1989 (date de la signature de l'accord de Taëf). « Humainement, je ne peux que soutenir cette proposition de loi. Toutefois, comment peut-on justifier cette indemnisation aux victimes d'avant 89 ? Il s'agit d'une question substantielle à ne pas négliger », a relevé Fouad Siniora. À cela, le député du Hezbollah, Ali Fayad, a ajouté : « Que dire des victimes des attentats à la voiture piégée ? Qu'est-ce qui justifie une distinction entre ces attentats et les assassinats politiques ? » Fadi Aour a évoqué les victimes des agressions israéliennes. Le député du même bloc, Nawaf Moussaoui, s'est interrogé sur les moyens de financer cette indemnisation.


Alors que le député Marwan Hamadé valorisait « l'excellente intention motivant le texte proposé », tout en laissant entendre la difficulté de sa mise en œuvre puisque « tout le peuple est quasiment victime d'attentats et de tous les actes accompagnant la guerre », Samy Gemayel était monté à la tribune pour un aparté avec le président de la Chambre, qui a annoncé ensuite que cette proposition sera déférée devant les commissions conjointes. Le député Khaled Zahraman a tenu après coup à appeler à inclure « les victimes de Tripoli ». Un appel prononcé avec une gravité accentuée, et salué par des applaudissements...

 

« Favoriser les martyrs de l'armée »
Le souci d'égalité et d'équité a motivé une grande partie des interventions, y compris celles portant sur la proposition de loi visant à exempter des taxes sur les successions les ayants-droit des militaires tués dans le cadre de l'accomplissement de leur devoir. Cette proposition, soumise par des députés aounistes, a été approuvée après un amendement suggéré par le ministre des Finances Ali Hassan Khalil. La loi s'appliquerait aux « successions des martyrs de l'armée et des autres forces de sécurité tués depuis le 12-7-2006, si les frais de succession n'ont toujours pas été versés ». Un débat a eu lieu sur « la définition des forces de sécurité, aussitôt tranché par Nabih Berry, qui a rappelé les quatre grands appareils sécuritaires, ironisant au passage sur les propos de Hikmat Dib qui appelait à y inclure la Défense civile. Le député aouniste a voulu ainsi insister encore une fois sur la volonté de son bloc d'obtenir l'approbation de l'intégration au cadre des éléments de la Défense civile. Le député Ibrahim Kanaan avait d'ailleurs tenu une conférence de presse avant l'ouverture de la séance, déclarant que » la non-approbation de cette proposition lors de la séance de la veille ne passera pas « et appelant à tenir une nouvelle séance à cette fin ».


Un autre débat, quelque peu comique, a entouré la proposition d'amender l'article 154 du nouveau code de la route du 22 octobre 2012. La problématique posée était de savoir si l'article relatif à la production de nouvelles plaques d'immatriculation numérisées devrait faire exception des plaques bleues des députés et des plaques rouges des taxis. Un débat a été déclenché sur l'abandon ou pas des plaques bleues. « Il est temps que le député soit comme le reste des citoyens, même si je sais que certains des députés, que j'apprécie, souhaitent maintenir la plaque bleue », a déclaré Simon Abiramia. Cette observation a été mal prise par les députés du 14 Mars. « Nomme-les ces députés », lui a lancé Nabil de Freige, tandis que Serge Tor Sarkissian a affirmé, « pour mémoire, ce sont les députés du 14 Mars qui s'abstiennent de placer la plaque bleue sur leur véhicule, contrairement à ceux du 8 Mars, qui y affichent leur enthousiasme ». Ce à quoi le président Berry a rétorqué, avec humour : « Je ne mets pas la plaque bleue, suis-je du 14 Mars ? » « Oui vous l'êtes », lui a répondu Samy Gemayel. Toutefois le député Nicolas Fattouche a émis des réserves sur « cette modestie exagérée » de renoncer aux plaques bleues. « Il m'arrive de voir des plaques bleues sur des vans et des camions de légumes, ce qui est inadmissible », a déclaré le président Berry.
Le Premier ministre Tammam Salam, qui a demandé à connaître les détails de cet amendement, a persuadé le président de la Chambre de renvoyer le texte devant les commissions concernées, alors qu'il venait d'être approuvé.

 

Digressions politiques
Notons que ce débat a été marqué par une parenthèse ouverte par le député du Hezbollah, Ali Ammar. Critiquant d'abord « la simple circulaire par laquelle l'ancien ministre de l'Intérieur avait suspendu la mise en œuvre du code de la route », il s'est ensuite adressé au Premier ministre... sur la nécessité de nommer deux mohafez pour le Akkar et la Békaa. « J'exhorte le Premier ministre, dans le cadre du plan sécuritaire, de procéder à ces nominations. » Une demande favorablement accueillie par Tammam Salam, qui est revenu sur « la percée au niveau des nominations » approuvées la veille en Conseil des ministres.

 

(Lire aussi : Un président gestionnaire de crise, la meilleure formule pour la phase en cours, le commentaire d'Émile Khoury)

 

L'intervention de Ali Ammar, soutenue par le député Mouïn Merhebi, a amené des propos sur une solidarité entre les habitants du Akkar et de la Békaa pour obtenir cette nomination. Mais cette intervention hors contexte a également conduit le député Ahmad Fatfat à critiquer le président de la Chambre pour sa politique des deux poids, deux mesures en ce qui concerne les prises de parole, leur durée et leur sujet. Ce à quoi le président Berry lui a répondu avec virulence : « Je ne te permets pas de dire cela. » Il a en tout cas veillé, sur un ton amusé, à interpeler avec un « que faites-vous là-bas, sortez donc », les deux députés Hassan Fadlallah et Ali Ammar, qui s'étaient retirés tout au fond de l'hémicycle pour un aparté.


Des 39 projets et propositions de loi approuvés au cours des trois derniers jours, une loi visant à abaisser les pénalités du retard de versement des frais municipaux a été votée hier. Un autre projet de loi, proposé par Mohammad Raad, sur un amendement de la loi sur l'impôt sur le revenu, a été approuvé.
Par ailleurs, la proposition de loi relative à l'exemption des festivals internationaux de certaines taxes, défendue par les députés Akram Chehayeb et Michel Pharaon, a été déférée devant les commissions. Cela a été aussi le cas de la proposition de loi sur l'instauration d'une carte d'étudiant.


La séance d'hier s'est achevée sur l'examen furtif de la proposition de loi, avancée par le député Ghassan Moukheiber, sur la proportionnelle comme mode de scrutin à adopter par l'éventuelle loi électorale. Le plaidoyer de M. Moukheiber n'a toutefois pas trouvé d'échos. Encore moins ses rappels des circonstances de l'autoprorogation du mandat parlementaire et « la paralysie du Conseil constitutionnel pour les raisons qu'on connaît » – une expression qualifiée de « hors contexte » par Nicolas Fattouche et Robert Ghanem. « Tu te lances à chaque fois dans des digressions », lui a encore lancé Nabih Berry avant d'appeler au vote. Celui-ci a conduit au retrait de la proposition de loi de l'ordre du jour.


Avant la clôture de la séance, et après l'appel des députés Kataëb à étudier une nouvelle loi électorale avant la fin de la période de prorogation de la législature, le président de la Chambre a reconnu cette nécessité, en mettant l'accent toutefois sur « la primauté de l'approbation de la nouvelle échelle des avancements et des salaires ».

 

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