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Liban - Assassinat Hariri

La défense passe au crible devant le TSL les « failles » de l’accusation

 « Festival coûteux de scientifiques », « batailles d'experts » : pour la défense, c'est à ces formules que se résume l'exposé de l'accusation.

La défense est passée hier à l'action pour contrer « la puissance de feu » mise à contribution par l'accusation à l'inauguration du procès. Lors d'une audience qui leur était exclusivement consacrée, les conseils de la défense ont procédé l'un après l'autre à une déconstruction systématique de la thèse avancée, la semaine dernière, par le bureau du procureur.


S'exprimant sur le fond comme sur la forme, la défense a critiqué avec virulence « un simulacre de procédure », dénonçant le peu de temps et de moyens qui lui ont été alloués pour préparer son dossier. Elle a également relevé à plusieurs reprises l'absence au prétoire des conseils du cinquième accusé, Hassan Merhi, « dont le nom a pourtant été prononcé 124 fois par l'accusation », dira le chef du bureau de la défense, François Roux. En chœur, les conseils de la défense ont tenu, au cours de leurs déclarations respectives, à exprimer leur compassion pour les victimes « qui ne sont pas des adversaires », ont-ils répété à l'envi et dont le respect des droits prend, « paradoxalement », tout son sens « dans le respect des droits des accusés à qui l'on impute des faits aussi graves », rappelle M. Roux.


« La formule du "mieux vaut tard que jamais" ne tient pas en matière de justice criminelle », a assuré le chef du bureau de la défense, en référence aux « lacunes procédurales » qui entachent l'affaire de Hassan Merhi, dont l'acte d'accusation a été publié deux ans et cinq mois après la publication de l'acte d'accusation contre les quatre premiers accusés. Il était dès lors impossible que le dossier Merhi soit prêt à l'ouverture du procès Hariri, un retard dont la défense n'est pas responsable, a-t-il noté en substance. « Il manque une équipe de défense dans cette salle, celle de M. Merhi », a asséné M. Roux. « Un avocat muet, cela n'existe pas », dit-il, dénonçant une « violation manifeste », avant de demander de faire cesser ce type de violation. Un point sur lequel le président de la chambre de première instance ne s'est pas privé d'intervenir, rappelant que les conseils de Merhi auraient pu s'exprimer s'ils le voulaient.
Auparavant, le juge David Re avait pris soin de noter que « la chambre de première instance n'a jamais reçu de demande de reporter le procès de la part de la défense, ni des conseils de M. Merhi ».

 

(Repère : TSL : Le tribunal, les accusés, l'acte d'accusation)

 

Pas de terrorisme
Une affirmation que contestera le conseil principal de l'accusé Moustapha Badreddine, maître Antoine Korkmaz, qui rappelle, lors d'un entretien express accordé à L'Orient-Le Jour en marge des audiences, avoir lui-même demandé lors d'une audience de mise en état un tel report. « C'est la légitimité de la justice pénale internationale qui est aujourd'hui mise en cause », prévient, d'emblée, Antoine Korkmaz.


Enchaînant par ailleurs sur l'intervention de M. Roux, Me Korkmaz égrène devant le tribunal les problèmes qui entachent le processus judiciaire, notamment l'absence des accusés, la « double absence de Merhi », le fait que le dossier ne comprend « ni les exécutants ni les commanditaires », mais simplement les « intermédiaires », qu'il ne fait aucune mention des « mobiles qui auraient animé les accusés », etc.
Bref, autant de « failles » qui ont fini par « faire primer l'apparence sur l'équité », en déduit l'avocat qui dénonce un « simulacre de poursuites » avant de sommer la chambre de se garder de « tomber dans le piège », « le politique devant s'arrêter aux portes de cette chambre », a-t-il préconisé.


Le conseil de l'accusé Badreddine a critiqué en amont la multitude d'amendements apportés à l'acte d'accusation qui a donné lieu à plusieurs versions, ce qui l'amène à constater « l'évidence que le procureur ne maîtrise pas son enquête qui d'ailleurs se poursuit à jour », relève-t-il, une aberration en la matière, puisque le procès a déjà commencé, commente-t-il. « La défense n'a pas eu la possibilité d'analyser et d'apprécier les moyens dont dispose l'accusation. Elle n'a pas été non plus en mesure de conduire des investigations approfondies », dénonce l'intervenant.


Revenant sur le fond et sur le contenu du dossier, tel que présenté par le bureau du procureur, Me Korkmaz a évoqué « le foisonnement des hypothèses qui sont par ailleurs entourées d'incertitudes ». Il dénonce les images montrées du véhicule concerné, « qui n'apportent pas la preuve qu'il s'agit effectivement du véhicule piégé ». Rien non plus sur la présence du kamikaze. Avant d'évoquer la possibilité de retenir la thèse, rejetée par l'accusation, d'une « charge explosive souterraine ». « Le bureau du procureur a avancé des preuves circonstancielles, qui ne sont pas à proprement parler des preuves irréfutables », a déclaré Me Antoine Korkmaz. Pour le conseil, nous sommes en présence de pièces qui ont été collées a posteriori à la théorie que le procureur « a choisi de soutenir ».


Me Korkmaz a enfin rejeté le qualificatif de crime terroriste retenu par le tribunal et par le bureau du procureur en particulier, lui préférant le choix du terme « assassinat ». « Les accusations de terrorisme devraient être retirées parce que le bureau du procureur a démontré que l'explosion visait seulement Rafic Hariri. L'explosion n'avait pas pour but de semer la terreur », a-t-il dit.

 

 

L'accusé Oneissi « mort ou vivant » ?
Le conseil principal de l'accusé Hussein Hassan Oneissi, Vincent Courcelle-Labrousse, a choisi pour sa part de faire l'apologie de « l'indépendance absolue » de la défense qui n'a sollicité « l'aide d'aucun service de police étranger ni de services de renseignements ». « Nous ne sommes liés à aucune partie » et « ne recevons d'instructions de personne » a-t-il dit, dans une allusion claire aux moyens de travail mis aux mains du bureau du procureur.


Rappelant qu'il n'a jamais rencontré M. Oneissi, qu'il ne sait même pas « s'il est déjà mort ou encore vivant », le conseil de ce dernier s'est plaint du fait que la défense n'a pas pu effectuer de contre-enquête notamment parce que l'accusé, absent, n'a pas pu dire dans quelle direction il fallait mener celle-ci. Aussi, parce que la « situation au Liban ne le permet pas », a-t-il ajouté, sans oublier de mentionner la non-coopération du gouvernement libanais à ce niveau. Et de dénoncer enfin « la résistance systématique du procureur à toute demande de documents » formulée par la défense. « L'accusation a eu des années pour établir l'acte d'accusation alors que la défense n'a eu que deux ans pour préparer la défense de ses clients », a-t-il ajouté.
Il a en outre demandé un accès total à tous les documents à la disposition de l'accusation et s'est interrogé sur la teneur des conversations téléphoniques entre les suspects et non seulement sur le mouvement de ces appels.

 

(Repère : Les acteurs du TSL et leur rôle)


« Nous sommes victimes de l'obscurité dans laquelle nous entretient le procureur », a-t-il dit, critiquant un peu plus loin le mouvement des communications effectuées par les accusés présumés, qui n'en disent pas plus, selon lui, ni sur le contenu des conversations ni sur l'identité réelle de leur utilisateur, autant de « blancs inexplicables dans la théorie de l'accusation ». Et de prévenir les juges en leur disant : « Le procureur va faire appel à votre imagination. »


L'avocat Yasser Hassan, qui défend aussi l'accusé Oneissi, est revenu à la charge concernant la remise de l'acte d'accusation à la défense, l'absence de preuves matérielles et l'impossibilité pour l'accusation de déterminer « d'où proviennent les explosifs ».
À sa manière, il a également dénoncé la stratégie dilatoire de l'accusation, notamment la « modification chronologique des documents », la réception tardive des données électroniques qui « n'ont pu être digérées électroniquement par la défense » et la sélectivité de cette justice.
Pourquoi pas un tribunal pour Abbas Moussaoui, Wissam el-Hassan, Kamal Joumblatt, Rachid Karamé, Mohammad Chatah et Hassan Lakkis, et pour examiner les dernières explosions de Tripoli ou devant l'ambassade iranienne ? s'est-il demandé pour dénoncer, un peu plus loin, un éventuel gaspillage d'argent, « si l'accusation décide d'ajouter de nouveaux numéros de téléphone et de les attribuer à de nouveaux accusés ».

 

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La défense est passée hier à l'action pour contrer « la puissance de feu » mise à contribution par l'accusation à l'inauguration du procès. Lors d'une audience qui leur était exclusivement consacrée, les conseils de la défense ont procédé l'un après l'autre à une déconstruction systématique de la thèse avancée, la semaine dernière, par le bureau du procureur.
S'exprimant...
commentaires (1)

Très faible argumentation que le procureur démantèlera le plus facilement du monde!

Pierre Hadjigeorgiou

09 h 59, le 21 janvier 2014

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Commentaires (1)

  • Très faible argumentation que le procureur démantèlera le plus facilement du monde!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 59, le 21 janvier 2014

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