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Liban - Conférence

Turki al-Fayçal : Depuis qu’il est chef du Hezbollah, Nasrallah ne cesse de s’en prendre à l’Arabie saoudite

Le prince saoudien Turki al-Fayçal en 2011. AFP/Mandel Ngan

Avec le début des soulèvements arabes en 2011, la physionomie politique et l'histoire de l'ensemble du Moyen-Orient connaissent un profond bouleversement, mettant fin à des décennies d'hibernation politique au niveau de la société civile. La région a franchi dans la tourmente et la violence – c'est le propre de toutes les révolutions – un point d'inflexion crucial sans qu'on ne sache réellement dans quelle direction, vers quel équilibre sociopolitique évoluent les populations de cette partie du monde. À l'aune de tels enjeux existentiels, il était donc naturel que le Moyen-Orient occupe une bonne place dans les débats sur la gouvernance mondiale qui ont marqué la 6e édition de la « World Policy Conference » qui s'est tenue le week-end dernier à l'hôtel Fairmont de Monaco grâce à l'appui dynamique du prince Albert II de Monaco et aux efforts inlassables du président de la « World Policy Conference », Thierry de Montbrial, par ailleurs directeur général de l'Institut français des relations internationales (IFRI).


Le Liban n'était pas en reste à cette conférence internationale qui a regroupé non moins de 300 faiseurs d'opinion et personnalités prestigieuses de très haut rang du monde politique, diplomatique, économique, académique et de la presse. Sous l'impulsion de M. Riad Tabet, membre de l'IFRI et proche conseiller de M. Thierry de Montbrial, la participation libanaise s'est distinguée par la présence de notre ambassadeur à Berlin, Moustapha Adib, et Mounir Douaydi, directeur général de « Solidere », Samir Nasr, directeur du bureau d'Études et de consultations économiques (ECE), Sélim Zeeni, président de la Chambre de commerce libano-américaine, et Mohammad Sammak, secrétaire général du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien.
L'impact sur le Liban des différentes crises qui ébranlent plusieurs pays de la région a pu ainsi être évoqué et commenté au cours de plusieurs de ces séances de travail qui ont jalonné, trois jours durant, le forum. Le cas libanais, sous l'angle notamment des rapports sunnito-chiites, était plus particulièrement présent lors de la neuvième session plénière, très remarquée, consacrée au prince Turki al-Fayçal, ancien ambassadeur d'Arabie saoudite à Washington et président du Centre du Roi Fayçal pour la recherche et les études islamiques.


Le prince Turki n'a pas caché à cette occasion son amertume face à l'attitude de l'Iran et du Hezbollah à l'égard de l'Arabie saoudite. À une question de Riad Tabet qui lui demandait si l'antagonisme saoudien à l'égard de l'Iran ne risquait pas d'engendrer un vaste conflit sunnito-chiite, l'émir Turki a déclaré : « Il faudrait inverser la question. C'est un antagonisme iranien envers l'Arabie saoudite qui entretient la tension entre les deux pays. Le roi Abdallah a proposé à plusieurs reprises des idées pour bâtir des relations bilatérales amicales. Il a même convoqué une conférence islamique à La Mecque afin de discuter de la divergence entre chiites et sunnites. Le président Ahmadinejad avait participé à cette conférence et on avait convenu de créer un centre pour le dialogue sunnito-chiite. Au niveau libanais, avez-vous entendu les derniers propos tenus par Hassan Nasrallah ? Il s'agit là de l'un des exemples de ce que Nasrallah dit au sujet de l'Arabie saoudite. En revoyant tout ce que Nasrallah a dit de l'Arabie saoudite depuis qu'il est le chef du Hezbollah, vous comprendrez alors qui a une attitude agressive envers l'autre. Il suffit aussi d'écouter les discours des imams chiites en Irak et en Iran contre l'Arabie saoudite. Il ne faut pas oublier en outre que c'est l'Iran qui a des troupes en Syrie, c'est l'Iran qui a engagé le Hezbollah et les milices chiites irakiennes dans l'invasion de la Syrie, et c'est l'Iran qui a fait pression pour obtenir la nomination de Maliki à la tête du gouvernement irakien. Cette attitude hégémonique de l'Iran dans la région est inacceptable. »

 

(Pour mémoire : « Il faut respecter le rôle et le poids du Hezbollah », affirme l'ambassadeur d'Iran en France et à Monaco)

 

Le dossier nucléaire et l'échange avec Meir Sheetrit
Le lourd contentieux avec l'Iran a évidemment amené le prince Turki à aborder le dossier du nucléaire iranien. Il a prôné à cet égard une dénucléarisation du Moyen-Orient, soulignant à ce sujet que le problème du programme nucléaire iranien ne se limite pas uniquement au volet militaire, mais il se pose aussi en termes de sécurité, la population de certaines régions d'Arabie saoudite étant exposée aux conséquences de tout accident qui pourrait survenir dans les installations nucléaires de l'Iran. Le prince Turki a préconisé sur ce plan qu'une dénucléarisation du M-O se fasse avec la garantie des cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui s'engageraient à assurer une « ombrelle de sécurité » pour assurer la neutralisation des armes de destruction massive, cette garantie devant prévoir également des sanctions non seulement économiques mais aussi militaires contre tout État qui ne se conformerait pas à ce plan.


Le député israélien Meir Sheetrit, ancien ministre en charge des Services de renseignements et ancien membre du cabinet retreint de sécurité en Israël, a alors pris la parole pour appuyer la proposition du prince Turki, affirmant au passage, sur un ton très sérieux, qu'Israël a contribué à la dénucléarisation de la région... en bombardant les installations nucléaires en Irak et en Syrie (!). Le prince Turki a répondu sur un ton très courtois et serein, loin de toute passion, en soulignant, avec un brin de plaisanterie, que suite au commentaire de M. Sheetrit sur la contribution d'Israël à la dénucléarisation du M-O, il aimerait voir l'aviation israélienne bombarder un jour les installations nucléaires... israéliennes. « Débarrassez-vous de vos armes nucléaires », a lancé le prince Turki au député israélien, toujours sur un ton calme et courtois.


Allant au-delà du dossier nucléaire, M. Sheetrit a ensuite rendu un hommage marqué à l'initiative arabe de paix lancée en 2002 lors du sommet de Beyrouth, sous l'impulsion du roi Abdallah, exprimant le souhait que l'Arabie saoudite contribue à l'instauration d'une paix globale dans la région en jouant le rôle de catalyseur d'un rapprochement entre Israël et la cinquantaine de pays islamiques, suggérant aussi dans ce cadre que le prince Turki se rende à la Knesseth. Ce à quoi le prince Turki a répondu en relevant que lorsque l'initiative arabe de paix avait été lancée, Israël s'était abstenu de l'appuyer en dépit du fait qu'elle incluait une reconnaissance explicite par les pays arabes de l'existence d'Israël. Le prince Turki a relevé dans ce cadre qu'en 1981 déjà, le royaume wahhabite avait lancé le plan Fahd qui comportait aussi une reconnaissance de l'État d'Israël. « Tous les pays arabes avaient alors appuyé ce plan Fahd, mais il n'y avait eu aucune réaction de la part d'Israël », a déploré Turki al-Fayçal qui a souligné en outre à l'adresse de M. Sheetrit qu'en ce qui concerne une visite à la Knesseth, il faudrait au préalable régler le problème israélo-palestinien. « Après ce règlement, on verra », a-t-il déclaré.

 

(Pour mémoire : Pas de fin en vue au conflit syrien, selon un influent prince saoudien)

 

Itamar Rabinovich
Cet échange franc mais courtois s'est poursuivi lorsque M. Itamar Rabinovich, président de l'Institut d'Israël et professeur émérite à l'Université de Tel-Aviv, a succédé au prince Turki à la tribune, ce qui a donné lieu à une chaleureuse poignée de main entre les deux hommes.


M. Rabinovich a tenu, d'emblée, à rendre hommage à l'intervention de Turki al-Fayçal, « tant au niveau de la forme que du fond », a-t-il précisé, avant de se lancer dans un hommage marqué à la famille royale saoudienne. Abordant ensuite le problème de la guerre syrienne, M. Rabinovich a estimé que le régime n'est plus en mesure de rétablir son autorité sur tout le pays, de même que l'opposition n'a pas les moyens de remporter une victoire militaire. D'où la nécessité d'une solution politique qui devrait être conclue entre l'opposition et une partie du pouvoir en place. Il a relevé à ce propos que le précédent de l'éviction de Saddam Hussein a montré qu'il est préférable de « décapiter un régime plutôt que de le démembrer totalement ».
M. Rabinovich s'est par ailleurs montré très critique à l'égard de la position du président Obama concernant le dossier syrien. « Le secrétaire d'État John Kerry avait déclaré que Bachar el-Assad a perdu toute légitimité et qu'il devait être sanctionné pour l'utilisation des armes chimiques, mais peu de temps plus tard, le président Obama a changé totalement la donne », a-t-il souligné avant de lancer : « Comment dès lors faire confiance aux dirigeants américains lorsqu'ils s'engagent à fournir des garanties de sécurité dans la perspective d'un règlement israélo-palestinien ? »


M. Rabinovich a clôturé son intervention en rendant hommage aux efforts soutenus déployés par John Kerry afin d'aboutir à un accord entre Israël et les Palestiniens, soulignant toutefois, non sans une certaine amertume, que Mahmoud Abbas n'a peut-être pas l'autorité requise pour amener les Palestiniens à avaliser un accord de paix.
Au terme de cette séance plénière, M. Rabinovich s'est dirigé vers le prince Turki, assis au premier rang, qu'il a chaleureusement salué, échangeant avec lui quelques propos de courtoisie.

 

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Nasrallah ou l'Iran? cocher la case ...

FAKHOURI

22 h 23, le 17 décembre 2013

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Commentaires (2)

  • Nasrallah ou l'Iran? cocher la case ...

    FAKHOURI

    22 h 23, le 17 décembre 2013

  • Courtoisement, en souriant , d'un ton calme , poignee de main chaleureuse et puis quoi d'autres encore pour comprendre l'evidence ? cette complicite bensaoudico sioniste se verifie sur le terrain militaire et politique , une connivence qui sent le larguage de la cause palestinienne a plein nez , disons que c'est pas pas grave , les bensaouds entre eux sont libres de se canarder , mais qu'apres avoir vendu ses propres frères de sang palestiniens , comment peut al turki inspirer confiance a ceux qui ne sont pas de son bord confessionnel ? et c'est lui qui dit que le chef du hezb resistant s'en prend a lui , il est malade ce mec pour croire que tout le monde est con autour de lui ! c'est pas a cause de sa reponse sympathique aux usurpateurs sur le bombardement des installations nucleaires israeliennes qu'on trouvera ce gars fin, comme du gros sel dans une poivriere a sucre .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 29, le 17 décembre 2013

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