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Liban - Liberté de la presse

Agression de journalistes à Beyrouth : de l’urgence d’une sanction

Les reporters d'al-Jadeed voulaient interviewer le directeur par intérim des douanes Chafic Merhi, qui refusait de les recevoir. Ils ont été battus sans autre forme de procès devant le bâtiment officiel.

Le journaliste Riyad Kobeissi à sa sortie du palais de Justice à Beyrouth. Photo Marwan Assaf

Le Liban était hier sous le choc face à des images en direct d'un passage à tabac de quatre journalistes par des agents des douanes, armés jusqu'aux dents, devant le bâtiment de la Direction des douanes, en plein Beyrouth. D'autres journalistes et des membres de la société civile, qui se sont rués à la rue des Banques pour organiser un sit-in de solidarité avec les quatre hommes, ont également été victimes de violences... sous l'œil des caméras.


Le journaliste Riyad Kobeissi et ses collaborateurs Ali Chraim, Ali Khalifé et Adib Farhat, du programme Tahta Ta'ilat al-Mas'ouliya (« Sous votre entière responsabilité »), étaient en train de préparer un documentaire sur la corruption à l'aéroport de Beyrouth. Ils ont été arrêtés quelques heures pour les besoins de l'enquête. Ils ont été libérés peu avant 21 heures du palais de Justice à Beyrouth et accueillis en héros par les journalistes et la société civile, qui se trouvaient sur les lieux en masse. Les manifestants scandaient des slogans condamnant la violence contre leurs pairs et demandant que justice soit faite. L'événement a été couvert de façon extensive par les médias.
Interrogés par les correspondants sur place, les journalistes libérés ont déclaré avoir été battus une seconde fois à l'intérieur du bâtiment des douanes, où ils ont été retenus contre leur gré, et avoir été transportés vers le siège du ministère de la Justice dans une voiture des douanes. Ils ont également assuré avoir reçu des menaces. Au ministère, ils ont simplement fait une déposition.

 

Images transmises à L'Orient-Le Jour par un témoin.

 

« Levez la couverture sur les contrebandiers »
À sa sortie, le journaliste Riyad Kobeissi, des marques de contusions apparentes sur son visage, a adressé ces mots à une partie qu'il n'a pas nommée : « Levez la couverture sur les contrebandiers, il n'y a aucune raison qui vous contraint à les protéger. » À Chafic Merhi, il lui a conseillé de « démissionner ». Il a relaté le récit des insultes qui lui ont été adressées par des haut gradés des douanes. Le journaliste a par ailleurs assuré qu'il avait beaucoup de choses à révéler. « Aucune partie politique n'est innocente de la contrebande », a-t-il lancé.


La chaîne al-Jadeed, par la voix de sa directrice des informations Mariam el-Bassam, a assuré qu'elle porterait plainte contre ceux qui ont violenté les journalistes. Mais les agresseurs n'auraient toujours pas été inquiétés hier. Le ministre de la Justice Chakib Cortbaoui, qui se trouve hors du pays pour participer à un congrès sur la lutte contre la corruption (ironie du sort !), a déclaré à la chaîne al-Jadeed que « l'enquête sera complète ». Il a expliqué que les journalistes ont été simplement entendus par la justice pour qu'ils présentent leur version des faits. Interrogé sur les agresseurs, dont les visages sont bien visibles sur les photos et les images vidéo, il a assuré que « ceux qui sont désormais connus seront convoqués dans le cadre de l'enquête, et les autres seront identifiés bientôt ». Auparavant, M. Cortbaoui avait affirmé avoir demandé au procureur général par intérim près la Cour de cassation, le juge Samir Hammoud, d'ouvrir une enquête.

 


Pour sa part, la Direction générale des douanes a diffusé dans la soirée un communiqué dans lequel elle défend les agissements de ses agents. « Des journalistes de la chaîne al-Jadeed ont tenté de prendre d'assaut le bâtiment du siège central des douanes, ce qui a poussé les agents de sécurité à agir pour protéger les lieux, indique le texte. Les douanes libanaises se réservent le droit de prendre les mesures juridiques nécessaires à l'encontre des personnes impliquées dans cet incident », conclut le communiqué.

 

Chronique d'une agression en direct
L'incident lui-même a été retransmis par al-Jadeed : on y voit des agents des douanes, en uniforme, frapper avec la crosse de leur fusil des journalistes et des civils. Certains parmi ces derniers s'écroulent sous la violence des coups.


Toute l'affaire est liée à un reportage qu'al-Jadeed réalise sur la corruption à l'aéroport de Beyrouth. Dans le cadre de leur enquête, les journalistes de la chaîne on demandé un entretien avec le directeur par intérim des douanes Chafic Merhi, qui aurait refusé. La chaîne précise avoir toutefois obtenu, conformément à la loi, une autorisation préalable du ministre des Finances, Mohammad Safadi, pour avoir cette entrevue. Face au refus de M. Merhi de les recevoir, les reporters se sont rendus devant le siège de la Direction générale des douanes et ont diffusé par haut-parleurs leur demande d'interviewer le responsable. Ils avaient placé un grand portrait du directeur sur leur van blanc. Et c'est à ce moment que la confrontation avec les agents des douanes a été déclenchée, entraînant tout le reste.


L'incident a provoqué de nombreuses réactions politiques. Le ministre du Travail, Sélim Jreissati, a appelé au respect total des libertés. « C'est un incident inhabituel, a-t-il dit. La justice militaire devrait se saisir de l'affaire. Toute atteinte aux journalistes et aux civils est rejetée. »
Le ministre de l'Information Walid Daouk a fermement dénoncé « toute agression contre les journalistes ». Il s'est déclaré « solidaire des journalistes et a demandé l'ouverture d'une enquête totale sur la question ». M. Daouk s'est rendu au bâtiment d'al-Jadeed en soirée pour exprimer sa solidarité avec les journalistes, saluant leur courage dans leur mission. Riyad Kobeissi lui a fait remarquer que le service qui les a agressés fait partie de l'État qu'il représente.
Le député du Courant patriotique libre (CPL) Simon Abi Ramia a vivement condamné l'agression. « Il s'agit d'images catastrophiques. Quelles que soient les causes de l'incident, la justice ne se fait pas dans la rue mais au tribunal », a martelé M. Abi Ramia, qui s'est rendu devant le siège des douanes pour participer au sit-in.
Enfin, l'armée a bouclé le secteur autour du bâtiment des douanes à Saïda. Plus tôt dans la soirée, des manifestants avaient organisé un sit-in devant ce bâtiment et placardé sur ses portes des slogans contre la corruption.

 

 

Le Liban était hier sous le choc face à des images en direct d'un passage à tabac de quatre journalistes par des agents des douanes, armés jusqu'aux dents, devant le bâtiment de la Direction des douanes, en plein Beyrouth. D'autres journalistes et des membres de la société civile, qui se sont rués à la rue des Banques pour organiser un sit-in de solidarité avec les quatre hommes, ont...

commentaires (6)

HEUREUSEMENT QU'IL Y A EU DES INTERVENTIONS EN LEUR FAVEUR EN HAUT LIEU, SINON ILS AURAIENT ÉTÉ ARRÊTÉS POUR BIEN PLUS LONGTEMPS QUE "QUELQUES HEURES".... !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

13 h 12, le 27 novembre 2013

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Commentaires (6)

  • HEUREUSEMENT QU'IL Y A EU DES INTERVENTIONS EN LEUR FAVEUR EN HAUT LIEU, SINON ILS AURAIENT ÉTÉ ARRÊTÉS POUR BIEN PLUS LONGTEMPS QUE "QUELQUES HEURES".... !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 12, le 27 novembre 2013

  • C'EST LA NOUVELLE RÈGLE DU JEU : L'AGRESSÉ DEVRAIT ÊTRE ARRÊTÉ, ET PEUT-ÊTRE PUNI, POUR S'ÊTRE LAISSÉ AGRESSER ! QUOI DE PLUS LOGIQUE !!!!!!!

    LA LIBRE EXPRESSION, CENSUREE PARTI PRIS/ INTERET

    12 h 46, le 27 novembre 2013

  • Les journalistes, de quelque média ou organe de presse auxquels ils appartiennent, sont intouchables. Ce sont eux qui nous fournissent l'information, parfois au risque de leurs vies. Rien ni personne ne doit entraver leur travail. Nous ne sommes (heureusement !) ni en Russie, ni en Chine, ni en Corée du Nord, ni en Iran, ni en Syrie, ni..., ni..., merci donc à tous les journalistes libanais de continuer à se battre pour conserver la libre expression dans notre pays.

    Robert Malek

    12 h 06, le 27 novembre 2013

  • Un pays pourri jusqu'a la moelle des os....

    Michele Aoun

    10 h 46, le 27 novembre 2013

  • HÂMÎHA HARAMÎHA CES CHABBÎHAS DES FRONTIÈRES ! "DIGNES" HÉRITIERS DE CEUX D’À COTÉ....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 14, le 27 novembre 2013

  • Avec la loi de la jungle et un pays sans gouvernement on peut s 'attendre encore au pire

    Sabbagha Antoine

    09 h 27, le 27 novembre 2013

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