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À La Une - Liban

« Héritages » de Philippe Aractingi, ou l’histoire en marche

Après quelques années d’absence et des allers-retours. Après « Bosta » (2005) et « Sous les Bombes » (2006), Philippe Aractingi revient dans son troisième long métrage pour parler d’exil, de mémoire et d’« Héritages ».

Une histoire de famille qui s’étale sur 100 ans.

 

« J’ai toujours filmé la vie des autres, celle de ces êtres exceptionnels qui ont eu un parcours hors normes, commence par dire Philippe Aractingi. Lorsqu’en 2006 une énième guerre a eu des résonnances extraordinaires dans ma vie et que j’ai repris pour la énième fois le chemin de l’exil, je me suis rendu compte que je vivais moi-même quelque chose d’exceptionnel. Par ailleurs, aucun de mes parents, de mes grands-parents ou de mes ascendants sur cinq générations n’était né et mort au même endroit. Tous ont dû fuir, au moins une fois dans leur vie, une guerre ou un massacre, poursuit-il. Hasard ou destinée familiale ? Notre famille était-elle condamnée à l’exil ou était-ce le Levant qui portait en lui ces mêmes histoires de guerres et de fuites ? »


Tous ces questionnements allaient finalement aboutir au projet d’Héritages. Le synopsis, écrit en 2009 et le premier pilote réalisé en 2010, il a fallu deux ans pour pouvoir en assurer le financement. « Ce film a été dix-huit fois refusé bien qu’on assurât sa distribution, affirme Philippe Aractingi. J’ai commencé à tourner avec très peu d’argent. Malgré le succès de mon dernier film, les organismes français avaient du mal à comprendre mon projet. Quant au Liban, aucune commission, aucune télévision n’étaient présentes au tableau. Diane, ma femme, m’a donc aidé à produire ce film et nous avons récolté de l’argent en montrant le premier chapitre à différents amis et financiers. Sans eux nous n’aurions jamais pu faire Héritages, qui, aujourd’hui, est en phase de finition. »

 

 

Philippe Aractingi sur le tournage.

 


 Un besoin de parler...
Cent ans d’histoire, de 1913 à 2013, avec un travail d’archives et la pellicule de ces archives est narrée par ce hakawati du cinéma. Des histoires personnelles, mais aussi universelles qui touchent la plupart des habitants de cette région du globe. « Avec l’aide de l’INA, du ministère français du Tourisme, et l’aide des médias ainsi que celle de trois conseillers historiques et même un psy à titre personnel, pourquoi ? » demande-t-il tout en précédant la question. « Parce que l’histoire implique des enfants et évoque la transmission. Je sens, poursuit-il, que j’ai la responsabilité de transmettre et que je fais ce film par devoir vis-à-vis des miens et des autres. »


Il faut écouter le passé semble nous dire Héritages, qui loin d’être un film autobiographique prend une dimension universelle. Tel un album de photos (des images éparses glanées d’anciens home-movies, des photos d’archives), l’œuvre relie en boucle le passé et le présent. Et Philippe Aractingi de rappeler ce dicton si significatif : « Le présent sans passé est un futur sans avenir. » « Pourquoi l’histoire se répète, interroge-t-il encore. Parce qu’on reprend l’histoire de ses parents. Il est donc essentiel de parler de la mémoire. »


« Le besoin de réaliser Héritages s’est imposé lorsqu’un jour j’ai dû, bien embarrassé, répondre aux questions de mes enfants. Ils voulaient savoir pourquoi nous avions déménagé en catastrophe. Que dire ? Comment raconter la guerre, l’exil, à des enfants ? Faut-il juste parler de l’événement qui a précédé notre départ ou aller plus loin ? C’est le psychiatre Boris Cyrulnik qui m’a encouragé à continuer, poursuit le cinéaste et l’expérience a été cathartique (j’espère qu’elle le sera pour le spectateur, ajoute-t-il, car j’offre ce film en partage). Cyrulnik m’a rappelé l’importance de dire les plaies du passé en soulignant la nécessité de les raconter par l’intermédiaire du “tiers”. Parce que nos histoires tellement chargées d’émotions sont parfois traumatiques, il est préférable de les raconter de façon indirecte. C’est le (je) jeu du cinéma qui devient l’autre. Héritages est pour moi un film sur la mémoire, une mosaïque, des “mezzés d’images” qui mélangent passé et présent (les enfants, ceux de Aractingi) devenant à leur tour des ancêtres. » Comme un carrousel mêlant réalité et fiction.

 

 

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