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À La Une - Éclairage

Entre le CPL et le 8 Mars, divergences sur les méthodes, accord sur le fond

Au lendemain de l’annonce par le président Nabih Berry du « divorce entre les composantes du 8 Mars », le général Michel Aoun a envoyé deux députés membres du bloc du Changement et de la Réforme à la réunion parlementaire traditionnelle du mercredi à Aïn el-Tiné. Le message était clair et il consistait en une volonté affichée de minimiser les divergences entre les partenaires. En même temps, et toujours dans la même tendance, les membres du CPL ont multiplié les explications pour préciser que cette formation n’a jamais en réalité fait partie du 8 Mars, puisque lors de la manifestation du 8 mars 2005, qui a donné son nom au bloc, elle était alors avec le 14 Mars... Mais toutes ces justifications ne parviennent pas à cacher l’essentiel, qui consiste dans l’existence d’un conflit réel entre ceux qui depuis 2006 sont présentés comme une seule équipe de travail.


Certains veulent limiter ce conflit à un seul sujet et présentent ainsi la situation : entre Michel Aoun et le Hezbollah, il y a... Nabih Berry. Mais cette formulation n’est pas exacte, même si le président de la Chambre et le chef du CPL ont souvent des approches différentes sur de nombreux dossiers. La réalité est que le Hezbollah a toujours réussi à se concilier ses deux alliés... jusqu’à la question de la prorogation du mandat du Parlement. Le général Michel Aoun, qui prônait la tenue des élections législatives d’abord sur la base du projet orthodoxe puis même sur la base de la loi de 1960 s’il n’est pas possible de s’entendre sur une autre, n’a pas vraiment compris le refus du président de la Chambre de convoquer une séance plénière consacrée au vote du projet orthodoxe. Et finalement, lorsque la séance a été convoquée et que les Forces libanaises ont refusé d’y assister empêchant ainsi le quorum, Michel Aoun n’a pas compris pourquoi Berry préférait la prorogation du mandat du Parlement plutôt que la tenue des élections sur la base de la loi de 1960. Aoun reste convaincu que ses alliés ont raté une chance d’une part de respecter les échéances constitutionnelles et d’autre part de remporter les élections en se dotant ainsi d’une nouvelle légitimité légale pour les quatre prochaines années. Le duo chiite Hezbollah-Amal n’a jamais été vraiment convaincu de cette argumentation, estimant que quelles que soient les circonstances, en raison de l’instabilité sécuritaire et de la complication des développements en Syrie, la tenue des élections est d’abord risquée. Ensuite, même si elles ont lieu, rien ne dit que le 8 mars et le CPL peuvent les remporter, d’autant qu’il faut s’attendre à une radicalisation des discours à cause de la campagne électorale. Or une telle radicalisation est particulièrement délicate dans de telles circonstances. Enfin, si les élections ont lieu sur la base de la loi de 1960, elles devraient produire un Parlement pratiquement similaire à l’actuel, avec quelques députés de plus peut-être pour le 8 Mars et ses alliés sans pour autant renverser les équilibres actuels qui restent tributaires de la position de Walid Joumblatt. Dans ce cas, pourquoi procéder à des élections coûteuses et risquées si c’est pour avoir le même Parlement à quelques différences près ?


Alors que ce dossier n’a pas été refermé, chaque partie campant sur ses positions, l’affaire de la prorogation du mandat du commandant en chef de l’armée est venue augmenter encore les divergences. Sur ce point précis, le général Michel Aoun est convaincu qu’une telle prorogation est de nature à bloquer le système de promotions au sein de l’armée et elle est injustifiée puisque pendant les longues années de guerre civile, le mandat d’aucun commandant en chef n’a été prorogé. Pour le Hezbollah et Amal, ce qu’il faut éviter, c’est une vacance à la tête de l’armée, d’autant que cette institution est la seule qui réunit encore les Libanais et assure un minimum de stabilité. Or, vu la division au sein de la classe politique, Amal et le Hezbollah sont convaincus que les parties chrétiennes (puisque le commandant en chef est maronite) ne parviendront pas à s’entendre sur un nom et par conséquent, même si le 8 Mars et le CPL avancent un candidat, il ne sera pas possible de lui assurer une majorité parlementaire. Pourquoi prendre un tel risque qui pourrait aboutir à une vacance à la tête de l’armée et donc à la paralysie de cette institution alors qu’il est possible d’éviter ce cas de figure en prorogeant le mandat du général Jean Kahwagi ? Amal et le Hezbollah craignent aussi que, sans le dire, le courant du Futur et ses alliés souhaitent aboutir à une vacance à la tête de l’armée pour pouvoir mettre au même plan le « retour » du général Achraf Rifi à la tête des FSI et la désignation d’un nouveau commandant en chef de l’armée au même plan. Amal et le Hezbollah veulent éviter d’en arriver là et refusent d’être contraints d’accepter ce genre d’équation. C’est pourquoi les deux formations préfèrent régler la question du commandement de l’armée avant d’évoquer les autres dossiers en suspens.


En d’autres termes, sur les dossiers litigieux, le général Michel Aoun a raison sur les principes, alors que le tandem chiite privilégie le pragmatisme. En fait, les deux positions se complètent, d’autant que dans la réalité, le CPL, Amal et le Hezbollah ne peuvent plus se détacher les uns des autres. Ce qui les lie est plus important que ce qui les sépare. Ils partagent une même vision stratégique et des intérêts communs, alors que leurs divergences portent en réalité sur les méthodes et les procédures, non sur la finalité.

 

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