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À La Une - La situation

L’attentat de Bir el-Abed honteusement exploité pour aiguiser la discorde

L'explosion souligne la nécessité d’intensifier les contacts pour la formation d’un nouveau gouvernement.

Des habitants de Bir el-Abed brandissant le portrait du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Khalil Hassan/Reuters

Si l’attentat de Bir el-Abed, commis au premier jour du jeûne de ramadan chez certains chiites, a manqué son but militairement parlant en ne faisant pas de tués, ses commanditaires ont quand même réussi à chauffer à blanc l’animosité que se portent le Hezbollah et le courant du Futur, et à travers eux les communautés chiite et sunnite au Liban.

Ce qui est certain, c’est que les maladroites déclarations de certains chefs politiques ont jeté de l’huile sur le feu et ont aidé les commanditaires de l’attentat à atteindre, au moins, ce but. On ne peut, à cet égard, que déplorer le manque étonnant de maturité politique de certains députés, et non des moindres, qui font ainsi gratuitement le jeu de la discorde confessionnelle, à travers des médias audiovisuels qui se croient tout permis.

C’est en effet aveuglément que l’attentat a été « exploité » médiatiquement pour attaquer Fouad Siniora et Bahia Hariri, pointés du doigt comme politiquement ou encore moralement responsables de l’attentat, alors que les condamnations – très langue de bois quand même – fusaient de toutes parts.

 

(Reportage : « Il y avait du feu et de la fumée... mais nous sommes habitués à cela »)


 

Le conflit syrien déborde
D’un autre côté, Israël s’est empressé d’affirmer, par la voix de son chef d’état-major, que l’attentat est la preuve que le conflit syrien, dont l’un des volets est certainement sunnito-chiite, déborde sur le Liban. Le mutisme total des capitales arabes, qui n’ont pas daigné condamner l’attentat, est venu, indirectement, confirmer cet avis. Il ne peut signifier qu’une chose, c’est que l’attentat a été considéré comme un coup porté au Hezbollah et jugé donc de bonne guerre. Ce faisant, ces capitales muettes se discréditent elles-mêmes. Et, suprême lâcheté, c’est la population civile qui paie le prix de ce projet de discorde.

On ne sait quel crédit accorder aux avis contradictoires émis par des personnalités s’exprimant au nom de l’Armée syrienne libre, dont l’un des chefs, Bassam Dada, a revendiqué l’attentat, tandis que son porte-parole attitré, Lou’ay Mokdad, démentait tout lien de la révolution syrienne avec l’attentat et l’attribuait, « directement ou indirectement », au régime syrien et à son allié chiite libanais.

 

(Diaporama : Les images du drame ici)



Zones d’ombre
Des zones d’ombre entourent l’attentat, que certains n’ont pas manqué de relever. La chasse au ministre de l’Intérieur a semblé moins « spontanée » qu’elle n’en avait l’air de prime abord. Les photos montrent qu’un trop grand nombre de chemises noires étaient infiltrés dans la foule qui l’a pourchassé. En tout état de cause, le député Ali Ammar (Hezbollah) a remercié, en soirée, le ministre de l’Intérieur pour « sa visite de solidarité ». Il reste que pour beaucoup d’habitants de la banlieue sud, Marwan Charbel est perçu comme un ami d’un Ahmad el-Assir violemment hostile au Hezbollah et auquel on n’a pas pardonné de s’être montré trop souple avec le chef salafiste.

 


Le ministre de l'Intérieur lors de sa visite mouvementée sur les lieux de l'attentat. Reportage MTV

 

Contre toute évidence, M. Charbel a démenti en soirée, dans une information de presse, avoir été pourchassé. Il a affirmé que le mouvement de foule s’est produit quand un homme, un déséquilibré qui n’appartient ni au Hezbollah ni à Amal, a lancé une bouteille de boisson gazeuse sur l’un des agents des FSI qui l’escortaient ainsi que le juge Sakr Sakr durant l’inspection des lieux. L’agent ayant répondu par deux tirs en l’air, un mouvement de panique s’est créé, et les agents ont redouté que la foule ne reflue vers eux. Entraînant le ministre avec eux, ils ont donc entrepris de battre en retraite vers un immeuble, où ils se sont mis à l’abri en compagnie de partisans du Hezbollah. Toujours redoutant la colère de la foule, l’escouade d’agents qui protégeait le ministre a entrepris de sortir de l’entrée de l’immeuble, s’ouvrant un chemin à coups de tirs de semonce et se prévalant de la protection du Hezbollah.
M. Charbel a affirmé qu’il ne reprochait rien à personne, qu’il avait accompli sa mission, quand l’incident a eu lieu, et qu’il comprend la colère de la foule qui avait échappé à une catastrophe.



Détails
Par ailleurs, les milieux de l’enquête, cités par notre correspondante Hoda Chédid, ont précisé que la charge explosive était de 35 kg de C4 et qu’elle était placée dans une KIA vert olive dont il ne reste rien, sinon le moteur, et dont le numéro de châssis n’a pas été identifié. Selon les enquêteurs, qui se baseraient sur l’analyse de caméras de surveillance installées par une grande surface, la charge a explosé deux minutes à peine après le garage du véhicule. Nul doute que les images ainsi analysées ne fournissent à la police plus de détails sur l’identité des poseurs de bombe.

 

(Chronologie : Les répercussions du conflit syrien sur le Liban)

 


Le gouvernement
Il reste que, selon Hoda Chédid, l’attentat de Bir el-Abed est venu souligner aux yeux de tous la nécessité d’intensifier les contacts pour la formation d’un nouveau gouvernement, que le Premier ministre désigné, Tammam Salam, s’est promis de former d’ici à la fête du Fitr. En fait, l’attentat pourrait être utilisé comme argument, par les uns et les autres, pour parvenir à leurs fins. Ainsi, le président de la Chambre en prendrait prétexte pour obtenir, dès lundi prochain, la tenue de la fameuse séance parlementaire devant conduire à la prorogation du mandat du général Jean Kahwagi, commandant en chef de l’armée, dont le mandat expire normalement en septembre 2013. On ignore toutefois quelle pourrait être la réaction de Michel Aoun à cette manœuvre, sachant qu’il est hostile à la reconduction dans ses fonctions du général Kahwagi.

Sur le plan gouvernemental, certains parlent d’une possible « surprise » la semaine prochaine. Mais à entendre Nabih Berry exiger cinq ministres et Michel Aoun cinq autres, il y a fort à parier qu’il faudra encore plusieurs Bir el-Abed pour amener les camps politiques en présence à se ressaisir et à sauver le pays des jours sombres qui l’attendent.

 

 

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