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À La Une - Rencontre

Le cri d’alarme de Mansour : Bientôt un habitant sur deux ne sera pas libanais...

Le ministre des Affaires étrangères Adnane Mansour a des nerfs d’acier. Les critiques souvent virulentes qui pleuvent contre lui – venant parfois de responsables de l’État – ne lui font pas perdre son calme... ni changer d’avis. Trente-cinq ans de carrière diplomatique lui ont appris à ne pas se laisser démonter. Devant une délégation de l’ordre des rédacteurs menée par Élias Aoun, il explique les motifs de ses prises de position, assurant qu’il a toujours suivi la politique de distanciation parce qu’il y voit l’intérêt du pays.

Le ministre Mansour entouré d’une délégation de l’ordre des journalistes. Photo Dalati et Nohra

Adnane Mansour entre très vite dans le vif du sujet. Il rappelle qu’il y a deux ans et trois mois, au moment où les incidents ont commencé en Syrie, il avait déclaré que ce qui se passe en Syrie aura forcément des répercussions sur les pays voisins, dont le Liban. C’est pourquoi la priorité pour le Liban devra être de se protéger de ces conséquences en n’intervenant pas dans ce conflit. D’autant que depuis la création de la Ligue arabe, le Liban a toujours refusé d’intervenir en faveur d’un pays arabe contre l’autre, tout en respectant les peuples. En même temps, dans le cas syrien, le Liban a signé un traité de fraternité, de coopération et de défense en mai 1991, et un autre de défense en septembre de la même année, avec la Syrie, qui, jusqu’à présent, n’ont pas été remis en cause. « Malheureusement, précise le ministre, les parties libanaises se sont impliquées dans ce dossier, alors que nous avions dit que nous ne voulons pas que le Liban abrite un nouveau camp Achraf (celui de l’opposition iranienne Moujahidine Khalq en Irak) et nous ne voulons pas que le jurd de Ersal devienne un nouveau Tora Bora (les régions montagneuses qui ont abrité les talibans chassés d’Afghanistan). Nous n’avons pas été entendus. Le Liban a commencé par faire passer des armes et des combattants vers la Syrie. Il y a eu la fameuse affaire du bateau Loutfallah 2, dont on n’a jamais connu les dessous, alors que c’est le droit de tout citoyen de savoir à qui étaient destinées ces armes et qui les envoyait. Ensuite, les déplacés syriens ont commencé à affluer vers le Liban... »

 

(Lire aussi: « Garder le Liban à l’écart des crises régionales est crucial pour l’Europe »)


Au début, selon le ministre des Affaires étrangères, l’État libanais n’a pas vraiment pris au sérieux ce dossier, comme s’il croyait que le nombre resterait limité. Pourtant, dans tous les coins du monde, les déplacés sont toujours une source de problèmes pour les pays d’accueil. Aujourd’hui, le Liban compte 570 000 réfugiés syriens enregistrés auprès du UNHCR, mais le nombre total de Syriens présents au Liban s’élève à un million deux cent mille. Le 6 mars 2013, les réfugiés syriens enregistrés étaient encore 130 000 et le Liban avait demandé une réunion urgente de la Ligue arabe pour traiter ce dossier. Elle a eu lieu le 30 mars à Koweït et déjà, le nombre de réfugiés syriens avait augmenté de 50 000 en 24 jours seulement ! De plus, il a fallu leur ajouter les Palestiniens ayant fui le camp de Yarmouk en Syrie et dont le nombre est estimé à 50 000. En plus des 430 000 réfugiés palestiniens enregistrés auprès de l’Unrwa en tant que résidents au Liban, cela signifie que sur le territoire libanais, 40 % des résidents ne sont pas libanais, sans oublier les travailleurs étrangers d’autres nationalités. Ces chiffres inquiètent grandement le ministre Mansour qui estime que le problème des non-Libanais au Liban est dangereux, en raison notamment du manque de moyens disponibles et des capacités limitées de l’État, ainsi que des aides internationales insuffisantes. Il rappelle à cet égard que seul le Koweït a versé toute sa part de l’aide aux réfugiés décidée au sommet du 30 mars. Le ministre se demande d’ailleurs comment le Liban peut traiter ce dossier, surtout dans cette atmosphère particulièrement sensible. Il ajoute que la politique de distanciation ne signifie pas que le Liban doit devenir le flanc faible de la Syrie, et il rappelle que le Liban est avec les revendications des peuples et les réformes démocratiques, mais il ne peut pas intervenir directement.

 

(Lire aussi: Abbas aux Palestiniens du Liban : préservez ce pays-hôte...)


Mansour dément être en conflit avec le président de la République, précisant que la relation est excellente avec lui. Il affirme ainsi que le chef de l’État n’a pas adressé une plainte au Conseil de sécurité contre la Syrie, mais simplement une notification. Il n’y a donc pas lieu, selon lui, de parler de plainte, « d’autant qu’on ne peut pas se plaindre contre un frère avec lequel on a en plus signé des traités, et alors qu’il y a des commissions de contact et de coordination qui travaillent en permanence entre les deux pays », dit-il.
Mansour sourit lorsqu’on l’accuse d’être le ministre des Affaires étrangères de la Syrie ou celui d’Amal. Il se contente de déclarer que concernant le dossier syrien, il agit selon sa conscience, en refusant que le Liban penche d’un côté ou de l’autre, et il affirme qu’il ne consulte aucun leader, qu’il soit d’Amal ou de toute autre formation, avant de prendre ses positions qui s’inscrivent dans l’application stricte du principe de distanciation. Il ajoute que le problème au Liban, « c’est que tout le monde veut faire de la politique étrangère et se comporte sans garde-fous ».


Au sujet de la situation des Libanais dans les pays du Golfe, Mansour déclare que « les frères dans le Golfe sont trop nobles pour se livrer à des opérations d’expulsion des Libanais, d’autant qu’ils apprécient en général les Libanais, qui, s’ils sont très politisés dans leur pays, respectent quand ils sont à l’étranger les lois en vigueur et restent à l’écart de la politique ». Il précise avoir obtenu des assurances de la part des pays du Golfe sur le fait que s’il y a des mesures, elles n’ont aucune arrière-pensée politique. « S’il y a une infraction, elle sera punie. Sinon, il y a des mesures de protection et de surveillance des étrangers qui touchent à la sécurité du pays. »


Au sujet de ce qui se passe en Égypte, Mansour précise que le Liban respecte la volonté du peuple et n’intervient pas dans les affaires internes du pays. Il ajoute que l’Égypte est la boussole du monde arabe et ce qui s’y passe concerne tous les pays de la région, dont le Liban qui a une importante communauté dans ce pays.
Au sujet de la situation en Syrie, Mansour pense que la conférence de Genève aura forcément lieu un jour, mais probablement pas avant le mois de septembre. « Toutefois, cette conférence ne supportera pas un nouvel échec. C’est pourquoi toutes les parties concernées par le dossier syrien devraient y participer, notamment les États-Unis, l’Union européenne, la Russie et l’Iran... »

 

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