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À La Une - Liban - exposition

Au BEC, le pouvoir dans tous ses paradoxes sous les flashs des photographes

Soixante-douze photographies de dimensions diverses (40 cm x 60 cm à 3 m x 1 m), de douze excellents photographes, sont présentées par le Prix Pictet sur les cimaises du Beirut Exhibition Center*. Un regard panaché et sans concession sur le pouvoir et ses paradoxes.

Les personnalités du monde au Sommet de la terre.

En noir et blanc, en couleurs, en images d’une netteté hyperréaliste, en sfumato vaporeux, en compositions modernes ou architecture telle une toile de la Renaissance, la photographie, vigie des temps modernes, a ici plus d’un atout dans ses manches. Bien retroussées, amples et longues !


Créé en 2008 par la banque genevoise Pictet & Cie, le Prix Pictet a pour mission d’utiliser le pouvoir de la photographie pour attirer l’attention d’un public international sur les défis sociaux et environnementaux du nouveau millénaire. En l’espace de quelques années, c’est devenu un prix de photographie majeur.
Cette quatrième édition, après des sujets tels que l’eau, la terre et la croissance dans toutes leurs variantes, s’inscrivant dans une tradition faite de continuité et de stabilité loin des tractations commerciales, a aujourd’hui pour thème le pouvoir. Le pouvoir en tant qu’énergie, puissance, paradoxe. Vaste sujet, porteur à la fois d’un message d’espoir et de désespoir.


Originaires au départ de 76 pays, 650 photographes nominés ont présenté des images terrifiantes, dérangeantes, sereines dans leur angoisse ou déroute même... Parmi ces photographies, le jury indépendant, présidé par sir David King, a sélectionné douze finalistes originaires de dix pays différents. Et c’est cette exposition, partie en tournée internationale, qu’actuellement le public libanais côtoie et regarde.
Dans l’espace blanc habité de silence du BEC, les photographies sur les murs, enserrées dans leur cadre en verre transparent, ont chacune une éloquence, une tonalité, une teinte, une résonance, un timbre, une densité, une réflexion, une méditation, une accusation, une charge, une dénonciation, un procès, un témoignage particuliers et uniques.


Longue flânerie et déambulation, par l’image, aux quatre points cardinaux du monde. Images qui interpellent, insolites et saisissantes. Au degré de force, d’émotion, d’acuité et d’intensité divers. Pour une prise de conscience sur l’homme, la nature, l’environnement, les espaces solitaires, l’écologie, la cupidité, la décoration, la guerre, la violence, la politique...


On commence par une halte forestière avec les contours faussement poétiques et surréalistes de Robert Adams. Violence cachée et dévoilée d’un coup de hache, décapitant un arbre. Cruauté et indifférence du cœur des hommes...
Philippe Chancel prend le relais avec un ahurissant cimetière de voitures dans la poignante série de clichés tirés du drame de Fukushima. Le pouvoir irrésistible de la nature dans un Japon brusquement bien loin du charme de ses cerisiers en fleurs. Telle une pellicule de film, les images de désolation se succèdent, faisant face au cataclysme. Jusqu’à cet album de famille souillé par la boue, mais gardant précieusement des souvenirs battus par le vent et baignés de soleil.


La caméra de Luc Delahaye saisit des scènes de vol, la main dans le sac. Pillages à Port-au-Prince et en Libye, mais aussi un fabuleux arrêt sur images: un char en Irak, dans le piège de brumes meurtrières, sur fond de paysage d’apocalypse. Le meilleur c’est encore cette confusion au cœur de l’OPEC dont le meeting agité (à l’allure d’une cène christique !) n’a aucune réponse à la cacophonie d’une terre au mal de vivre endémique. La guerre, toujours la guerre et ses tam-tams. En préparatifs, avec reconstitution réelle, telle une hallucinante maquette, An-My-Lê reproduit les sites se transformant en zone de combats. La Californie est brusquement lieu de manœuvre pour l’Irak.
Ondes bleues infinies striées d’ocre, comme des veines éclatées, pour les désastres marins de Daniel Beltra’, captées à partir de 1000 m d’altitude au large des côtes de Louisiane. Résidus de pétrole et de dispersants échappés à une foreuse qui a explosé, polluant ainsi en couches épaisses surface et fond des océans. Cette obsessionnelle quête du pétrole.


Tchernobyl sous une chape noire. C’est la caméra de Rena Effendi qui la fixe en toute intrépidité. Un épervier crucifié sur un fil électrique, des poissons hideux au ventre gonflé, la cuisine sinistre de Galina, un cochon transformé en bouillie ensanglantée sur la neige, tout cela c’est le dérapage de l’homme pour maîtriser l’atome.
Le silence avant la tempête avec Carl de Keyzer. Réchauffement climatique et danger de la montée des eaux avec l’incapacité à déterminer le degré de réalité du danger à venir. Comme un film de fiction échappé à Underworld sont ces fortifications lunaires et inutiles.
Presque dans le même sillage, mais avec une virulence atténuée, Joel Sternfeld se penche sur les relations vitales Homme-Terre qui risquent de changer à jamais les destinées humaines... Le visage effaré de Clinton en dit long sur l’inquiétude et l’angoisse de ces perspectives dangereuses.
Urbanisme troublé et conflits latents sous le clic de Mohammad Bourouissa. Une révolution française aux apparences lisses, mais où gronde sourdement la colère.
Accaparement du pouvoir en terre africaine, notamment le Congo avec Guy Tillim qui fait parler les visages, les expressions humaines, les crânes rasés et la carrure des épaules.
Sous des allures de lieux désertés, Guantanamo et ses horreurs avec l’impitoyable caméra d’Edmund Clark. Instantanés du quotidien carcéral incarnant le déséquilibre du pouvoir dans la guerre contre le terrorisme.


Pour parler des femmes arabes influentes (groupant en tout dix pays, dont l’Algérie, Bahreïn, l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, la Syrie...), Jacqueline Hassink a choisi pour son projet, «Domaines arabes», l’intérieur de leurs demeures. Bureaux et salles à manger. Une décoration cossue de tous crins. Images bien faibles et inutilement léchées à côté des situations alarmantes de ce qui fait le chaos et le danger dans une planète menacée et guère suffisamment protégée.


Après ce déballage et la dénonciation de « l’insoutenable légèreté de l’être », le Prix Pictet a déjà mis sur rail un autre sujet d’une brûlante actualité. Et on nomme la consommation. Gageons que pour la saison prochaine, en dépit d’une période annoncée en crise et en récession, il y a certainement là matière à une juteuse inspiration...

*L’exposition « Power » (pouvoir) au Beirut Exhibition Center, au BIEL, se prolongera jusqu’au 30 juin courant.



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