Rechercher
Rechercher

Liban - Tournée pastorale

Pour Raï, les chrétiens finissent toujours par payer le prix de l’instabilité régionale

Le patriarche achève sa visite en Argentine sur la nouvelle de l’enlèvement des deux évêques orthodoxes, Boulos Yazigi et Youhanna Ibrahim, en Syrie.

Pause café sur une place de Buenos Aires avec (de gauche à droite) Mme Rose Choueiri, Mgr Gregory Mansour, évêque de New York, et Mme Hyam Boustany, de la Fondation maronite dans le monde.

C’est partout la même question. Un Orient est-il pensable sans les chrétiens ? Cette question rhétorique, dont la réponse évidente est « non », a été de nouveau soulevée lundi soir dans l’église grecque-orthodoxe Saint-Georges de Buenos Aires, où le patriarche Béchara Raï a prononcé une conférence sur les chrétiens en Orient, en présence du métropolite Selouan, du métropolite russe Juan, d’un évêque syriaque-orthodoxe, du nonce apostolique et, côté laïc, de l’ambassadeur du Liban Antonio Andari, du consul de Syrie, Adnan Assaad, de notables des communautés syrienne et libanaise à Buenos Aires et d’une foule de fidèles.


La visite a coïncidé avec la nouvelle de l’enlèvement des deux évêques grec-orthodoxe et syriaque-orthodoxe d’Alep, et l’apparition d’une « piste tchétchène », comme pour l’attentat de Boston. Le double enlèvement que le patriarche a dénoncé illustre à ses yeux combien les chrétiens, quelles que soient les précautions qu’ils prennent, ou la neutralité positive qu’ils souhaitent assumer, finissent pas payer le prix de l’instabilité régionale, sans qu’il n’y ait la moindre provocation de leur part ; et combien, à cause de guerre en Syrie, ils font l’objet d’une prise d’otages virtuelle qui peut à tout moment devenir réelle.

 

(Pour mémoire : Réunis à Tucuman, les évêques maronites déplorent le recul de la démocratie au Liban)


L’opinion du patriarche sur la guerre en Syrie est connue. Elle rejoint celle de tous les chefs religieux chrétiens d’Orient catholiques, orthodoxes et protestants. Il est hostile à un prolongement du conflit militaire – puisque c’est d’abord de cela qu’il s’agit dans l’immédiat – et à l’afflux d’armes à toutes les parties. Il plaide au contraire pour une solution négociée qui épargnerait au peuple syrien un surcroît de morts, d’exodes et de destructions. Et aux chrétiens un surcroît de départs.

Sacrifier la démocratie ?
En privé, le patriarche rapporte, pour en nuancer la portée, une proposition de Nicolas Sarkozy faite en septembre 2011, lors de la première visite officielle en France du chef de l’Église maronite : « Il ne faut pas sacrifier la démocratie pour la stabilité », avait dit le président français. Mais le patriarche rappelle que la guerre d’Irak, livrée au nom de la démocratie, s’est soldée par l’exode d’un million de chrétiens, soit les deux tiers de la population chrétienne d’origine. Il rappelle que seul Jean-Paul II s’était élevé, en vain, contre l’expédition américaine, lançant son célèbre slogan prémonitoire : « La guerre est une défaite pour l’humanité. » Des attentats presque quotidiens prouvent aujourd’hui que la guerre civile en Irak n’est pas finie et que la démocratie ne peut être greffée sur un pays, qu’elle doit être le fruit d’un processus et d’une maturité interne des peuples qui y aspirent, épilogue en substance le patriarche, qui confie avoir eu un entretien en tête à tête avec le président François Hollande, lors de son récent passage à l’Élysée, et lui avoir parlé de la situation régionale sans précautions de langage.

 

(Pour mémoire : Raï et Kirchner discutent en Argentine du problème des réfugiés syriens)

Un débat insoluble
Ce débat insoluble qui résurgit à chaque rencontre avec un groupe d’émigrés, le patriarche le recentre toujours sur ce mal en soi qu’est la guerre, source de tous les malheurs. « Le chaos encourage les agressions contre les chrétiens, comme cela s’est produit en Irak et en Égypte, ainsi que l’émigration », répète le patriarche.
Profitant d’une question posée par le consul du Liban, il encourage les Argentins d’ascendance libanaise à renouer avec le Liban, à retrouver leur nationalité si la loi le leur permet, à revivre, au Liban et non plus en Argentine, la joie des retrouvailles, et à cette fin, à prendre contact avec la Fondation maronite dans le monde, qui œuvre inlassablement à cette fin et l’accompagne dans tous ses déplacements.

Absence de courage
Au passage, Mgr Raï redit combien « la présence chrétienne en Orient est une garantie pour l’islam modéré », une proposition qui devrait faire bouger moins l’opinion publique que ces forces modérées elles-mêmes, ainsi que les chancelleries occidentales, qui sont aux prises aujourd’hui, de Boston à Londres et Paris, avec une résurgence de la menace jihadiste.


Le patriarche maronite insiste aussi sur le fait que bien des musulmans modérés comptent sur les chrétiens pour dire ce qu’ils n’ont pas toujours le courage d’exprimer à haute voix. « C’est ainsi, confie-t-il dans une digression, comme se parlant à lui-même, que l’on finit par ne plus oser défendre l’opprimé contre l’oppresseur. » Ou comme l’affirme un documentaire visionné durant le long vol Paris-Buenos Aires, « c’est ainsi qu’il arrive que les choses qu’on ne peut plus dire, on finit par ne plus pouvoir les penser ».


Le chef de l’Église maronite insiste enfin sur la volonté des Églises d’Orient de parler « d’une seule voix », sans attendre d’être en communion ecclésiale, afin de continuer à marquer de leur apport original et unique ce berceau des civilisations qu’est le Moyen-Orient. Il souligne que cette tendance est encouragée par le Saint-Siège et le Conseil des Églises du Moyen-Orient, qui souhaitent, avec des interlocuteurs musulmans comme al-Azhar, définir les valeurs communes d’un « vivre en commun » islamo-chrétien à la fois stable et démocratique.


Le patriarche clôture aujourd’hui son séjour prolongé en Argentine, où s’est tenue notamment la troisième conférence épiscopale des évêques maronites d’Amérique, en assistant à un grand dîner offert par l’ambassadeur du Liban, Antonio Andari. Il prendra demain l’avion pour le Paraguay, deuxième étape de sa tournée pastorale en Amérique latine, qui le conduira aussi au Brésil, en Uruguay, en Colombie, au Costa-Rica et au Venezuela.

 

 

Lire aussi

L’émigration maronite, entre aventure et nécessité 

 

À Tucuman, un avenir qui se cherche...

C’est partout la même question. Un Orient est-il pensable sans les chrétiens ? Cette question rhétorique, dont la réponse évidente est « non », a été de nouveau soulevée lundi soir dans l’église grecque-orthodoxe Saint-Georges de Buenos Aires, où le patriarche Béchara Raï a prononcé une conférence sur les chrétiens en Orient, en présence du métropolite Selouan, du...

commentaires (5)

Bon Réveil ? car les DIVAGATIONS montrent qu'on vogue au gré des flots d'un mauvais océan...

SAKR LOUBNAN

13 h 55, le 24 avril 2013

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Bon Réveil ? car les DIVAGATIONS montrent qu'on vogue au gré des flots d'un mauvais océan...

    SAKR LOUBNAN

    13 h 55, le 24 avril 2013

  • A chaque fois tout cela se retourne contre les chrétiens. ne pas faire confiance aux salafistes . ne pas croire aux paroles de certains , qui se retournent vers riad, et qui croient que rien ne va leur arrivé une seule solution, que les chrétiens se débrouillent seul et ne compte sur personnes (c'est qu'ils leur arrivent toujours), mais qu'ils s'arment et qu'ils puissent se défendre les belles paroles, et les prières n'ont jamais rien fait au contraire

    Talaat Dominique

    10 h 42, le 24 avril 2013

  • "Sacré" Râëéh va !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 05, le 24 avril 2013

  • Et ils paient aussi pour les paroles et les déclarations IRRESPONSABLES de certain PATRIARCHE qui marginalise les autres communautés Chrétiennes et se fait de faux amis...

    SAKR LOUBNAN

    09 h 07, le 24 avril 2013

  • Le plus important à la lumière de cet article-reportage de M Noun : 1-Il est plus que jamais nécessaire "que les Eglises d'Orient parlent d'une seule voix, sans attendre d'être en communion ecclésiale" et dans toutes les situations. 2-Il est également plus que jamais nécessaire et selon "l'encouragement du Saint-Siège et du Conseil des Eglises du Moyen-Orient", que les Eglises d'Orient entreprennent des contacts avec l'institution au grand prestige, al-Azhar, dans le but que "soit définies les valeurs communes d'un "vivre en commun" islamo-chrétien à la fois stable et démocratique".

    Halim Abou Chacra

    05 h 16, le 24 avril 2013

Retour en haut