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Liban - La diplomatie au féminin

L’ambassadrice de Belgique, une travailleuse qui aime la randonnée et le yoga

Colette Taquet a été nommée ambassadrice de Belgique à Beyrouth il y a un an et demi. Discrète et dynamique, elle expose dans un entretien avec « L’Orient-Le Jour » les activités entreprises pour la promotion de son pays au Liban, évoquant quelques-unes de ses impressions sur son quotidien à Beyrouth. Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série portant sur les femmes diplomates en poste au Liban.

L’ambassadrice de Belgique est entrée dans la carrière diplomatique pour lutter contre les injustices.

Embrasser la carrière diplomatique pour Colette Taquet était une évidence. « Cela coulait de source ; j’ai toujours manifesté beaucoup d’intérêt pour les questions de la paix dans le monde, de liberté, de lutte contre la pauvreté. Je ne me suis pas posé de question à la fin de mes études (de sciences politiques et de droit international) et j’ai passé l’examen du corps diplomatique à 24 ans », souligne-t-elle.
Elle a travaillé à Strasbourg auprès du Conseil de l’Europe, à Rome auprès des institutions onusiennes, à Londres ensuite. Après avoir occupé le poste d’ambassadrice à Chypre, elle est rentrée à l’administration centrale à Bruxelles avant d’être nommée ambassadrice à Beyrouth.
Mme Taquet connaissait Beyrouth bien avant d’y être nommée ambassadrice. Portant de l’intérêt pour le Moyen-Orient, elle avait effectué sa première visite au Liban en 1999. Elle s’est ensuite rendue à plusieurs reprises au Liban, en Syrie, en Égypte, en Jordanie, et en Israël, alors qu’elle était en poste à Chypre.
« Le pays montrait chaque fois un autre visage », dit-elle. À la question de savoir si sa perception du Liban a changé depuis qu’elle y a entamé sa mission, elle indique : « Oui, c’est tout à fait autre chose. Quand on vit quotidiennement dans un pays, l’expérience est différente. »
Elle cite en premier lieu « les embouteillages dans lesquels l’on perd beaucoup de temps. Il n’y a pas beaucoup de place pour le piéton non plus. Beyrouth est une ville assez stressante ».
Alors qu’elle venait d’entamer sa mission au Liban en 2011, avec l’aide de Beyrouth by Bike, Mme Taquet avait pris l’initiative d’offrir cinq vélos, par tirage au sort, à des cinéphiles ayant assisté à un film belge lors du Festival du cinéma européen.
« Le vélo est plus qu’un sport en Belgique, c’est un moyen de locomotion, précise-t-elle. Le pays s’y prête bien et on fait de la place aux cyclistes. Des bicyclettes sont mises à la disposition des personnes en ville dans le cadre de véloville (comme c’est le cas du vélib à Paris). À Beyrouth, c’est dangereux de faire du vélo », dit-elle, tout en soulignant qu’elle fait de la bicyclette le week-end en ville. « Je porte mon casque et je me promène à vélo. En week-end, les matins, Beyrouth est très tranquille et les gens dorment encore. On peut aussi faire de la bicyclette ailleurs, mais au Liban, contrairement à la Belgique, il y a le défi du relief. »
L’ambassadrice belge pratique le yoga et aime la musique, la littérature et la randonnée. C’est grâce à la marche en montagne qu’elle a découvert le Liban, à part bien sûr le Liban-Sud. Mme Taquet énumère les endroits qu’elle a visités à pied : « Les Cèdres de Jej, de Bécharré et de Barouk, Bkassine, Jezzine, la réserve d’Ehden, Laklouk, Qadisha, le lac Qaraoun... J’aime le contact avec les gens. C’est en marchant en montagne et en s’arrêtant dans les petites tavernes qu’on retrouve la vie libanaise authentique », dit-elle.
Interrogée sur d’éventuels points communs entre la Belgique et le Liban, Mme Taquet souligne que la Belgique est une porte vers l’Europe tout comme le Liban joue ce rôle par rapport aux pays du Levant. Elle relève aussi que la Belgique a été le théâtre de tiraillements entre diverses forces comme c’est le cas du Liban, qui a été à plusieurs étapes de son histoire convoité par d’autres pays. Les deux pays sont également de taille moyenne, avec une diversité culturelle.
À la question de savoir qu’est-ce qui est vraiment particulier à la Belgique, Mme Taquet met l’accent sur les villes belges avec leur architecture très particulière : « Ce sont des centres commerciaux et d’échanges à échelle humaine. Même la plus grande ville, Anvers, qui compte un peu plus d’un million d’habitants, reste une ville à dimension humaine, notamment quand on la compare aux mégalopoles comme Londres ou Paris, avec leur côté écrasant et esquintant. »
Ce qui lui manque le plus ? « Mes amis. Parfois j’aimerais les transporter et les retrouver ici, mais mes amis sont aussi dispersés ailleurs », dit-elle.

Batailles politiques, stéréotypes et quota
Colette Taquet est une femme discrète, ou du moins elle ne se livre pas facilement aux journalistes. Au Liban, elle est avant tout au service de son pays. Elle ne s’épanche pas sur son expérience personnelle au sein du corps diplomatique belge, mais l’on devine que c’est une bûcheuse qui n’a pas épargné ses efforts pour faire carrière.
Pour elle, même si beaucoup de progrès a été réalisé sur le plan de l’accès des femmes à des postes de responsabilité, et même si en Europe certaines batailles ont déjà été livrées et gagnées, il faut rester vigilant, surtout en temps de crise économique.
À la question de savoir s’il est nécessaire pour une femme de travailler plus qu’un homme pour accéder à un poste, elle note qu’il « existe des stéréotypes liés au genre » (homme/femme). Et d’ajouter : « Tous ne sont pas offensants ou injustes. Le problème est parfois que sur ces stéréotypes naissent des préjugés, qui peuvent limiter la liberté d’action des femmes. Ce sont à la fois des femmes qui ont des préjugés sur leur propre potentiel et des hommes qui ont des préjugés sur le potentiel des femmes. Les préjugés forment le terrain idéal pour mettre en place des discriminations. Des batailles politiques ou juridiques sont toujours à mener dans chaque pays, pour combattre ces discriminations. Il est injuste d’empêcher des femmes capables d’accéder à des postes importants. C’est aussi une grande perte en termes de ressources humaines, au plan de la matière grise, et des capacités d’une société à relever les défis de son développement. En Belgique, nous avons déjà livré ces combats, mais les stéréotypes et les préjugés existent toujours. »
« Dans la carrière diplomatique belge, il y a moins de 20 % de femmes, et si l’on regarde les postes de chef de mission, ce pourcentage chute à moins de 15 %, indique Mme Taquet. Il reste aussi dans le tissu social des mécanismes qui font que les petites filles rêvent plus de métiers où il y a une tradition d’occupation féminine. Beaucoup de progrès ont été effectués, mais il faut toujours rester vigilant parce que durant les périodes de crise économique, on laisse les faibles payer le prix des sacrifices et on trouve donc plus de femmes qui travaillent à mi-temps ou qui sont dans des situations d’emploi précaire. »
Et de poursuivre : « La Belgique ne fait ni plus ni moins que les autres, nous avons encore des combats à mener dans la représentation politique. Pour les élections, nous avons adopté un système de quota d’un tiers sur les listes. Mais il faut aussi un changement des mentalités, il faut avoir plus de femmes ayant des ambitions citoyennes, politiques. La balle est dans le camp des femmes aussi. Le monde de la politique est assez dur, il faut pouvoir livrer bataille, endurer et subir des coups, et toutes les femmes ne sont pas disposées à cela. »
Pour l’ambassadrice de Belgique, tout est une question de respect : « Une femme à un poste important devrait inspirer le respect de la fonction. Il faut qu’elle soit compétente et capable de remplir son rôle d’une manière aussi efficace et aussi performante qu’un homme. Je pense que nous pouvons faire aussi bien qu’eux car il y a des femmes intelligentes, talentueuses, volontaires et prêtes à faire des sacrifices. C’est aussi essentiellement une question de personnalité », indique-t-elle.
Priée, enfin, d’évoquer le regard qu’elle porte sur la femme libanaise, Mme Taquet s’exclame : « C’est un peu déroutant pour moi la femme libanaise. Il y a beaucoup de femmes très différentes au Liban. Est-ce qu’elles ont en commun des choses qui les transcendent et qui font qu’il y a une seule femme libanaise ? Je ne suis pas encore au clair là-dessus. Mais je pense qu’il y a quand même une préséance du rôle de mère et d’épouse. »
Et elle n’a pas vraiment tort.
Embrasser la carrière diplomatique pour Colette Taquet était une évidence. « Cela coulait de source ; j’ai toujours manifesté beaucoup d’intérêt pour les questions de la paix dans le monde, de liberté, de lutte contre la pauvreté. Je ne me suis pas posé de question à la fin de mes études (de sciences politiques et de droit international) et j’ai passé l’examen du corps...

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