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Liban - Réseaux sociaux

Tristan Mendès France : Tout le monde se fait la guerre en ligne

« Si on s’informe à travers les plates-formes sociales, on s’enferme dans une bulle informationnelle », prévient l’expert lors d’un passage au Liban.

Tristan Mendès France. Photo DR

Les réseaux sociaux occupent une place prépondérante dans nos vies depuis quelques années et sont devenus une des premières sources d’informations de millions de personnes à travers le monde. Mais attention de ne pas se retrouver « enfermés dans une chambre d’écho » si on ne diversifie pas ses sources d’informations, prévient Tristan Mendès France, enseignant au Celsa, maître de conférences associé à l’Université Paris-Diderot et spécialiste en cultures numériques.

Présent au Liban à l’occasion d’un séminaire sur le numérique donné à l’Université Saint-Joseph, en partenariat avec l’Agence universitaire de la francophonie, M. Mendès France est revenu sur les dangers véhiculés par les plates-formes sociales qui tendent à ne nous montrer que des informations qui correspondent à nos croyances et à celles de nos cercles d’amis, notamment en ce qui concerne les sujets politiques. « Les plates-formes sociales sont en train de bouleverser la façon dont l’information circule, et en particulier l’information politique. C’est un sujet passionnant et inquiétant à la fois, indique-t-il. Il faut prendre conscience que si on s’informe à travers les réseaux sociaux, on s’enferme dans une bulle informationnelle, qu’on le veuille ou non (…). Les réseaux sociaux ne facilitent pas le pluralisme de l’information. »


(Lire aussi : Malgré le grand ménage, les "junk news" prospèrent toujours sur les réseaux sociaux)


Accentuer les clivages

« Si on ne consulte les informations que sur Facebook par exemple, on va lire essentiellement l’information qui est partagée par ceux qui pensent déjà un peu comme nous. C’est ce qui s’est passé avec l’élection de Donald Trump aux États-Unis. Les réseaux sociaux ont eu un rôle dans le clivage américain au moment de l’élection présidentielle », explique Tristan Mendès France.

« Il y a des clivages forts et une violence en ligne. On a l’impression que tout le monde fait la guerre à tout le monde en ligne et cette intuition est fondée. Elle est révélatrice de quelque chose. Il s’agit d’un symptôme qui peut avoir lieu dans un moment de l’histoire où il y a des crises nationales ou internationales », dit-il, tout en rappelant le rôle de Facebook dans la crise des Rohingyas. Pointée du doigt, la plate-forme avait été accusée il y a quelques mois d’avoir contribué à la propagation de discours de haine en Birmanie, à travers certains des comptes qu’elle abritait. « Certaines pages sur Facebook ont attisé des discours de haine envers les Rohingyas, simplement parce qu’elles faisaient de la propagande haineuse et que Facebook est une porte d’entrée vers l’internet en Birmanie », souligne M. Mendès France.

« J’ai peur que, dans certains cas, les réseaux sociaux n’accentuent les clivages plus qu’ils ne les résolvent, pour une raison toute simple. Les chiffres montrent que la fabrique de l’opinion du citoyen lambda se fait de plus en plus à travers les plates-formes sociales », indique-t-il. Cette tendance risquerait de « segmenter les individus par communautés d’intérêts idéologiques et affectifs ». « Le risque est que, dans cet enfermement, les gens se radicalisent dans leurs opinions et qu’ils perçoivent de plus en plus l’autre comme quelqu’un de dangereux », prévient M. Mendès France. « Cette inquiétude, on peut la projeter sur n’importe quel pays qui est divisé en communautés et dans lequel il y a une crise. Le risque est que chaque communauté ne s’alimente plus qu’à travers ce qui est produit par sa propre communauté et vive de ce fait un enfermement informationnel, ce qui n’est probablement pas positif pour une société comme celle du Liban, par exemple », ajoute-t-il.

La solution ? « Intégrer dans le système éducatif des jeunes des cours qui expliquent cet écosystème de l’information travaillée par les réseaux sociaux, afin qu’ils comprennent la logique de diffusion de l’information et qu’ils soient des citoyens éclairés », souligne Tristan Mendès France. Il ajoute en outre que les plates-formes sociales commencent « doucement » à prendre conscience de leur responsabilité du fait de la pression de l’opinion publique aux États-Unis ou en France. « Attention toutefois de ne pas trop brider la parole politique ou citoyenne. Il y a un équilibre délicat à maintenir : il faut protéger du discours de haine absolu sans pour autant tomber dans l’autre extrême », prévient-il.


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commentaires (2)

Une réflexion à méditer... Très juste regard.

Sarkis Serge Tateossian

11 h 36, le 04 décembre 2018

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Commentaires (2)

  • Une réflexion à méditer... Très juste regard.

    Sarkis Serge Tateossian

    11 h 36, le 04 décembre 2018

  • Chers lecteurs, les remarques de M. Mendes France sont pertinentes et salutaires. Il y a un risque réel d enfermement dans un réseau social auto centré, sans mise en contradiction avec d autres sources.Dans des pays où vivent des minorités, des réseaux sociaux auto centrés peuvent décupler les forces de haine sans parler des infox. Apprendre à penser est sans doute la solution : «la vérité est une erreur rectifiée»(Brochard). Philippe

    VIARD Philippe

    09 h 24, le 04 décembre 2018

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