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Liban - Remaniement

Le grand ménage au sein du courant du Futur a-t-il commencé ?

Nader Hariri et deux autres cadres supérieurs limogés durant le week-end.

Nader Hariri, remercié samedi, était l’un des artisans du compromis qui a abouti à l’élection de Michel Aoun à la présidence de la République. Photo d’archives/Marwan Assaf

Une semaine à peine après les législatives, qui ont marqué un recul du bloc parlementaire du courant du Futur, le Premier ministre Saad Hariri a initié ce qui semble être une remise en ordre à l’intérieur de son parti, au vu des lacunes et erreurs organisationnelles trahies par les résultats du scrutin.

C’est ainsi que Wissam Hariri, coordinateur général des élections, et Maher Aboul Khoudoud, directeur de la cellule de suivi au sein du bureau de Saad Hariri (et proche du ministre Nouhad Machnouk), ont été « démis de leurs fonctions », hier, selon deux communiqués du parti.
La veille, celui-ci a annoncé la dissolution du comité central chargé des élections et la machine logistique du parti, ainsi que les comités régionaux de Beyrouth (où le principal candidat chiite sur la liste du Hezbollah, Amine Cherri, a pris le dessus sur Saad Hariri), la Békaa-Ouest-Rachaya (où le courant du Futur n’a pu faire réélire son principal candidat, le député sortant Ziad Nazem Kadri), la Békaa-Centre (marquée par une faible mobilisation de l’électorat sunnite), le Koura (où le choix du candidat n’était pas « opportun », selon des sources du courant du Futur) et Zghorta.

Mais ces réformes internes pourraient aussi être le prélude d’une réorientation de la politique nationale du courant du Futur, que confirment plus d’un membre de la formation haririenne. Selon certaines sources, cette réorientation pourrait même toucher au compromis présidentiel. C’est donc sous un double angle électoral et stratégique – les résultats du scrutin contribuant à la réorientation politique – qu’il faudrait lire « la démission » samedi de Nader Hariri, directeur du cabinet de Saad Hariri, et son remplacement par intérim par Mohammad Mneimné, annoncés par le bureau de presse du Premier ministre.

Alors que certains milieux du courant du Futur précisent, par discrétion ou prudence, que la démission de M. Hariri est « volontaire, son retrait ayant commencé depuis l’épisode de la démission forcée du Premier ministre en novembre dernier », de nombreuses sources, internes et externes au parti, font état d’une « révocation déguisée ».
Le leader du courant du Futur aurait en effet plus d’une raison de démettre son cousin germain de ses fonctions. D’abord, par volonté de « reprendre les rênes de son parti », en réaction à la pluie de reproches, amenée par le compromis présidentiel, d’être « mal entouré ».

Ces reproches ont déteint sur les élections : on a pu entendre par exemple des notables de Ersal, village sunnite à majorité procourant du Futur, dénoncer le noyautage par le Hezbollah du conseil municipal, y compris ses membres que « le leadership du courant du Futur pense relever de lui. Soit Saad Hariri est devenu aveugle, soit il est entouré de gens qui lui bandent les yeux ». Les élections ont aussi révélé qu’un discours amputé de sa portée stratégique est très peu mobilisateur. En atteste, outre la participation relativement faible de l’électorat sunnite, l’incapacité du leadership du courant du Futur de sélectionner un candidat pesant parmi ses cadres sans craindre une grogne interne. Il a ainsi préféré des candidats de faible envergure.

Enfin, au niveau de la symbolique, le résultat des élections a été négatif pour le courant du Futur, non parce que le bloc a été réduit – ce qui était en tout cas plus ou moins prévu par les membres du parti du fait même du scrutin proportionnel –, mais parce qu’il a perdu « une spécificité essentielle au courant du Futur : la diversité communautaire au sein de son groupe parlementaire », constate l’ancien député et membre du bureau politique de la formation, Moustapha Allouche.

Qui plus est, la constance des alliances électorales – à quelques exceptions près – entre le courant du Futur et le Courant patriotique libre a refroidi les rapports de Saad Hariri avec les Forces libanaises et le Parti socialiste progressiste, et lui aurait coûté la défaite de Ghattas Khoury au Chouf. Si bien que Saad Hariri s’est retrouvé « isolé, avec pour seul allié le président de la République, Michel Aoun, dans un pays gouverné par le Hezbollah », selon un observateur. Son alliance avec le CPL suffira-t-elle à faire contrepoids au Hezbollah ? Ce pari semble de moins en moins réaliste.

Le retour de l’Arabie
Retour sur l’épisode de sa démission forcée depuis Riyad, le 4 novembre dernier : il s’était achevé sur un accord parrainé par les États-Unis et la France pour son retour à Beyrouth.

Cet accord avait permis de mettre fin à l’offensive politique saoudienne au Liban (ce qui a été fait avec le retrait de Thamer al-Sabhane et de son équipe diplomatique pour les affaires libanaises, ainsi que par un abandon saoudien du groupe de politiques soutenus par ce dernier). En même temps, il avait donné à Saad Hariri la possibilité d’exploiter jusqu’au bout son pari sur le recentrage du camp aouniste. Son attente se portait sur les législatives avec pour idée de se constituer, avec le CPL, un groupe parlementaire suffisamment pesant pour lui permettre de former un gouvernement selon ses propres règles, et, partant, de faire contrepoids au Hezbollah.

Or, les résultats du scrutin n’auraient pas été à la hauteur des prévisions faites par M. Hariri. Selon nos informations, le Hezbollah aurait d’ores et déjà posé des conditions à la désignation de Saad Hariri à la présidence du Conseil. Outre un droit de regard sur les accords conclus dans le cadre de la conférence de Paris (CEDRE) et autres dossiers à caractère économique, le parti chiite exigerait du Premier ministre sortant de s’aligner sur ses positions stratégiques, en l’occurrence sur le dossier des déplacés syriens. C’est-à-dire « d’accepter de se rendre à Damas pour négocier le retour d’un certain nombre de déplacés ». C’est d’ailleurs pour un dialogue avec le régime syrien qu’a encore plaidé le chef de l’État devant les ambassadeurs émirati et égyptien, et le chargé d’affaires saoudien il y a à peine deux semaines.

En somme, si le compromis présidentiel a permis à Saad Hariri de s’autonomiser par rapport à l’Arabie, il l’a en même temps isolé au niveau interne. Du recentrage de Michel Aoun par Saad Hariri a résulté une tentative de récupération de ce dernier par le Hezbollah. Le leader du courant du Futur se trouverait désormais devant l’alternative suivante : « Être le Premier ministre du mandat du Hezbollah, ou se retirer du compromis présidentiel », selon un observateur. Une option médiane voudrait qu’il « revoie les conditions du compromis ».

Il y aurait en tout cas, du constat même de certains milieux du courant du Futur, un début d’amélioration des rapports de l’Arabie avec Saad Hariri. Les versions divergent toutefois sur les conditions de la « démission » de Nader Hariri, dont « l’hostilité de l’Arabie à son égard n’est pas un secret : a-t-elle été forcée par une décision américaine-émiratie-saoudienne » ou a-t-elle été convenue entre Saad et Nader Hariri, en vue d’une réorientation politique du courant du Futur ?

Ce qui pourrait toutefois être confirmé aujourd’hui, c’est la poursuite des limogeages au sein de ce parti, comme croient savoir des sources bien informées.


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commentaires (5)

Dans ce monde de ghettos de courants politiques tout devient flou et on cherche à se venger au lieu de semer la paix . Triste .

Antoine Sabbagha

19 h 42, le 14 mai 2018

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Commentaires (5)

  • Dans ce monde de ghettos de courants politiques tout devient flou et on cherche à se venger au lieu de semer la paix . Triste .

    Antoine Sabbagha

    19 h 42, le 14 mai 2018

  • J'aime Saad Hariri mais être sous la tutelle dû Hezbollah non. Disons la vérité le Liban c'est le Hezbollah

    Eleni Caridopoulou

    17 h 52, le 14 mai 2018

  • Écoutez bien , on va pas aussi commencer à frapper autour du bosquet, constatons qu'il arrive tout simplement vers l'axe qui fera de lui un 1er ministre tout neuf dans un Liban nouveau . C'est tout quoi ! Ça se passe même en Europe, pour ceux à qui l'Europe est une référence, des retournements de veste , c'est courant , demandez à Macron.

    FRIK-A-FRAK

    14 h 52, le 14 mai 2018

  • Mieux vaut tard que jamais ! Continuez sur cette voie, Monsieur Saad Hariri, et ne vous laissez plus intimider. Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 48, le 14 mai 2018

  • HARIRI PAIE LE PRIX DE SON RETOURNEMENT DE VESTE APRES SA DEMISSION QUI ETAIT POPULAIRE ET SA FAIBLESSE DEVANT LE HEZBOLLAH !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 34, le 14 mai 2018

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