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Moyen Orient et Monde - Témoignages

« Tout le quartier a été vidé, le temps que le chlore s’évapore »

Relativement épargnés depuis le début de la bataille d'Alep, les habitants des quartiers ouest de la deuxième ville de Syrie vivent cloîtrés à cause des tirs d'obus.

Photo prise dans un quartier rebelle d’Alep-Est montrant l’immeuble du conseil municipal, à l’ouest. Karam al-Masri/AFP

« Inchallah que les rebelles et les civils acceptent de sortir des quartiers est et qu'on en finisse, car on ne peut plus continuer ainsi », espère Lina*, une habitante d'Alep-Ouest, contactée via WhatsApp. Une trêve de 10 heures décrétée par la Russie, allié de Damas, est entrée hier en vigueur afin que les combattants rebelles et les civils des quartiers-est empruntent les « couloirs humanitaires ». Mais personne ne les avaient empruntés hier, selon l'AFP.

Depuis le début de l'offensive des rebelles lancée le 28 octobre dernier afin de briser le siège imposé par le régime syrien aux quartiers de l'opposition, les habitants de l'ouest de la ville vivent, eux aussi, dans la peur. Leur quotidien est rythmé par les tirs de mortier et les snipers, et un grand nombre d'entre eux restent cloîtrés chez eux. « Toute cette semaine, la situation était terrible. On a eu de réelles frayeurs, ça faisait longtemps. Une roquette s'est abattue sur l'immeuble juste dernière le mien. Et jeudi, c'est l'Université d'Alep qui a été visée, faisant des victimes parmi les étudiants », raconte Lina. Deux étudiants de la faculté des lettres auraient été tués et des dizaines d'autres blessés. Depuis le 28 octobre, 69 civils, dont 23 enfants, ont été tués par les tirs des rebelles sur les quartiers ouest, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Les quartiers de Azizié, Suleimaniyé et Vilat ont notamment été fortement touchés durant la semaine.

 

 

 (Lire aussi : La vie continue sous terre à Douma, ville syrienne bombardée)

 

Attaque chimique ?
« Ma sœur était en cours d'architecture quand les obus se sont abattus sur l'université. Elle est restée coincée un long moment, puis a pu rentrer chez nous, dans le quartier de Vilat. Depuis, on reste enfermés chez nous », raconte Aline D., une étudiante en pharmacie à l'Université d'Ebla, à seulement 20 km d'Idleb, ville aux mains des jihadistes de Fateh el-Cham (ex-al-Nosra). « Nos locaux ont été transférés dans le quartier de Hamdaniyé, (situé en bordure des quartiers rebelles assiégés par le régime) mais à cause des bombardements de lundi, les cours sont suspendus », raconte Maya.

Le 31 octobre, l'agence officielle Sana a accusé les « groupes terroristes » – terminologie du régime pour parler des rebelles – d'avoir « visé le quartier de Hamdaniyé avec du gaz toxique », évoquant « 35 cas de suffocation » et des blessés souffrant de « spasmes musculaires » et de « dilatation de la pupille ». Cette arme chimique a maintes fois été utilisée par le régime syrien, notamment sur les quartiers rebelles d'Alep. Un habitant de l'ouest, Jack, affirme que l'attaque a bien eu lieu. Ce dernier, étudiant à Hamdaniyé, n'a plus eu de cours depuis lundi à cause du gaz toxique. « Tout le quartier a été vidé de ses habitants et même les soldats n'y mettent plus les pieds, le temps que le chlore s'évapore », raconte-t-il. Selon cet étudiant, plusieurs membres de sa famille se seraient rendus aux urgences après avoir senti une « odeur bizarre », afin de savoir s'ils ont été empoisonnés ou pas. L'OSDH a confirmé que des soldats ont été victimes de suffocations, sans pouvoir préciser l'origine exacte de ces troubles.

 

(Lire aussi : Les maîtres des guerres de Syrie et d’Irak)

 

Un combattant de l'Armée de la conquête, contacté par WhatsApp, dément de son côté les accusations du régime. « Nous n'avons pas en notre possession de gaz au chlore ni aucun autre type de gaz pour pouvoir l'utiliser. Nous n'avons pas les moyens matériels d'en produire. Ceux qui les utilisent, ce sont les forces d'Assad, notamment dans la zone du projet "3 000 Appartements" ces derniers jours », rapporte-t-il. Un activiste réfugié en Turquie rappelle, lui, que les rebelles « n'ont pas d'experts chimiques ni d'hélicoptères pour mener ce genre d'attaque au gaz. Si vraiment ils en avaient, pourquoi l'utiliser uniquement à Alep, et pas à Hama ou ailleurs ? » s'interroge-t-il.

À l'ouest, les habitants se réjouissaient du retour de l'eau courante. « À cause des bombardements, la ville est presque vide. On reste à la maison et on profite des quelques heures d'eau courante par jour pour enfin nettoyer la maison de fond en comble et surtout se laver », raconte Lina. « On a peur tous les jours, c'est certain, mais les rebelles ne parviendront pas à s'emparer de nos quartiers de sitôt car l'armée les repoussera illico », poursuit-elle. Après une semaine d'éprouvante, certains habitants de l'ouest ont préféré quitter la ville, voyant l'offensive rebelle se prolonger. « Plein de gens sont partis vers d'autres villes comme Hama, Kessab ou Lattaquié pour se mettre à l'abri le temps que ça s'arrête », témoigne Aline D., syro-arménienne d'Alep. « Si les rebelles ne se rendent pas ou ne quittent pas Alep, on ignore ce qui va se passer », ajoute-t-elle.

*Le prénom a été modifié.

 

 

 

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