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Culture - Planches

Un rendez-vous déjanté avec la mort

Les murs du théâtre Essaïon sentent le rance... présageant la trame de « Pacamambo », pièce funèbre de Wajdi Mouawad.

Entre lumière chaude et froide, la scène passe tantôt pour un espace où la mort pèse lourd et tantôt pour un lieu d’où jaillit la vie. Photo DR

C'est au théâtre Essaïon, tapi entre les murs anciens de la rue Pierre-au-Lard à Paris, qu'une pièce de Wajdi Mouawad, mise en scène par Joseph Olivennes, se joue jusqu'au 26 novembre. Pacamambo, ce toponyme inexistant, représente l'idéal auquel l'homme aspire ; un défi lancé à la mort et à soi-même aussi.
Le décor est minimaliste mais expressif. Des mallettes, une commode avec des tiroirs, un lit de mort, une poupée en chiffon en guise de cadavre raide, une vieille femme assise inerte sur une chaise en osier, une fille et son chien gisant par terre comme des morts, un psychiatre à la dégaine condescendante. Silence. Les murs du théâtre Essaïon sentent le rance... présageant la trame funèbre de la pièce du dramaturge franco-québécois ; une pièce où la mort rôde.
Julie (Pamina de Hauteclocque), retrouvée après une disparition de trois semaines, est interrogée par le psychiatre pour comprendre pourquoi elle s'est cachée, avec son chien Le Gros (Jock Maitland), au pied du cadavre de sa grand-mère Marie-Marie (Rafaelle Minnaert) dans la cave de celle-ci. Elle est froide comme la mort, péremptoire dans ses réflexions et surtout euphorique quand elle crie en un long soupir frétillant de joie : « Pacamambo »... Mot qui, une fois prononcé avec accentuation de sa dernière vocale, résonne entre les murs en pierre de la salle qui contient quelques dizaines de sièges, tous occupés. Pacamambo, la ville de toutes les lumières, la ville où l'on choisit sa couleur de peau, où l'on est noir sous sa peau blanche et blanc comme neige sous sa peau noire. Pacamambo, la ville de la lune, allégorie de la lumière éternelle ; celle qui met les hommes face à leur solitude parce que « tout le monde a peur quand on est seul face à la lune ». En effet, Julie ne prend conscience de cet idéal cristallisé dans un mot, un lieu imaginaire, que quand la mort vient faucher sa grand-mère, de but en blanc, dans une cave, métaphore d'un caveau macabre.

Une parfaite symbiose entre les paradoxes
La mise en scène de Joseph Olivennes, comédien et metteur en scène, est une alliance de paradoxes. Entre lumière chaude et froide, la scène passe tantôt pour un espace où la mort pèse lourd et tantôt pour un lieu d'où jaillit la vie. Les personnages, à travers leur proxémique, s'aiment puis se haïssent. Entre Le Gros et Julie, la complicité atteint son paroxysme puis cède la place à un rapport conflictuel. Et, sur la scène, deux sphères se côtoient : celle de la réalité où Julie se cloître dans le déni de la mort de sa grand-mère et celle de la fiction ou de l'outre-tombe où la grand-mère placide trône blafarde sur une chaise en osier. La limite entre fiction et réalité s'estompe de plus belle quand les acteurs sortent de leur espace théâtral pour interagir avec le public. Et le temps bien qu'élastique – car c'est un temps d'attente, attente de la mort pour « lui jouer un tour et la prendre par la peau du cou » – est truffé de surprises, de coups de théâtre. La mort diabolisée est perçue comme une bête noire qui « empoisonne nos vies et qui passe avec ses grands sabots, avec un bruit de galop, avec sa grande face ronde, sa face de citrouille », fait sa grande apparition sur scène sous forme de femme fantasque (Aloysia Delahaut) à l'attitude délurée et aguichante. Elle se montre comme une mort plutôt « gentille », inoffensive mais tout aussi pitoyable avec ses rires hystériques que le reste des personnages à l'orée de la démence et de la prise de conscience. Prise de conscience de la vie... de la lumière... de Pacamambo où l'on arrive après avoir aimé jusqu'à la mort.

C'est au théâtre Essaïon, tapi entre les murs anciens de la rue Pierre-au-Lard à Paris, qu'une pièce de Wajdi Mouawad, mise en scène par Joseph Olivennes, se joue jusqu'au 26 novembre. Pacamambo, ce toponyme inexistant, représente l'idéal auquel l'homme aspire ; un défi lancé à la mort et à soi-même aussi.Le décor est minimaliste mais expressif. Des mallettes, une commode avec des...

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