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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’hystérie, l’amour et la cruauté (suite)

Deux états d'âme peuvent guérir l'hystérique de sa névrose, autant chez la femme que chez l'homme : l'état amoureux et l'état transférentiel dans une cure analytique qui n'est rien d'autre qu'un état amoureux, que Freud a baptisé « Amour de transfert ». La différence entre l'amour et l'amour de transfert qui est donc un vrai amour repose sur deux points essentiels. Dans la relation amoureuse, on se promet un amour éternel, alors que dans l'amour transférentiel qui débute avec la cure, l'analyste promet implicitement à son analysant que cette relation se terminera et qu'un jour, il faudra se séparer.

Dans l'amour, les amoureux n'arrêtent pas de se faire des demandes, alors que dans la relation d'amour transférentiel à l'analyste, l'analyste ne demande rien. Et comme l'hystérique sait mieux que quiconque que « toute demande est demande d'amour », elle n'aura de cesse de se convaincre que c'est son analyste qui la demande.

Et c'est en cela que l'hystérique ne distingue pas les deux états d'amour et de transfert parce que dans les deux cas, elle se pose en objet de la demande. Elle ne demande rien, elle, ni à son amoureux ni à son analyste. Du haut de son trône de reine ou de princesse, elle daignerait répondre éventuellement à une sollicitation amoureuse. Seulement, au bout d'un long moment, elle réalisera que la question : « Qu'est-ce qu'Il me veut, que me veut l'Autre ? » où elle s'était placée en objet de la demande ne l'amènera qu'à être aimée ou persécutée. Alors s'ouvre devant elle avec angoisse la question fondamentale pour tout être humain : « Qu'est-ce que je veux ?  » Et c'est là, que mieux et plus vite que n'importe qui d'autre, elle peut guérir de sa névrose.

Seulement et tout le problème est là, il faudra qu'elle reconnaisse son désir sexuel, qu'elle accepte d'être le sujet de son désir, autant pour son amoureux que pour son analyste qui lui ne fera que l'analyser ce désir. Car, pour échapper à son désir pour l'autre, pour ne pas en prendre conscience, elle trouve toujours le moyen de se poser comme objet du désir de l'autre. Et là, l'hystérique va déployer une panoplie de stratégies et de tactiques dont elle seule a le secret, dont le principal est la séduction.

Par exemple, tout en suscitant le désir des hommes, elle va sans cesse se refuser à eux. Elle est alors décrite comme allumeuse, mais surtout cruelle parce que « castratrice », descriptions communément admises dans toutes les cultures et à toutes les époques. Mais n'oublions jamais que ces descriptions sont le fait d'un Ordre établi par l'homme, pour l'homme. Cet ordre est celui de l'orgasme qui met fin au rapport sexuel. La plupart des hommes finissent vite, tournent le dos à leur partenaire et s'endorment. Or ce que veut la femme, c'est une jouissance Autre qui ne s'accommode pas de l'orgasme. Pour elle « l'orgasme est un bref éternuement de reins ». Cela pourrait être la devise de l'hystérique.

On en voit une très belle illustration dans le film de Bunüel Cet obscur objet du désir. Car ce que demande l'hystérique à son amoureux, c'est avant tout une étreinte amoureuse. Dans cette étreinte, elle veut éprouver un sentiment étrange que seul son amoureux est capable de lui offrir, d'être « un enfant qui bande à son contact, comme l'était le jeune Eros ». Ce n'est donc pas d'une castration de l'homme dont il s'agit mais, comme le dit merveilleusement Barthes, d'un émoi où « tout est alors suspendu, le temps, la loi, l'interdit ». Elle n'arrêtera pas de susciter cette demande, mais elle s'arrangera toujours pour donner à l'homme l'impression que c'est lui qui la demande. Et pour éviter de reconnaître son propre désir, elle cherche à susciter celui de l'autre. Ainsi, elle arrive toujours en retard à ses rendez-vous et lorsqu'elle vient, c'est comme si c'était une faveur qu'elle daignait faire à l'autre.

Ainsi, l'hystérique veut manquer à l'Autre afin que l'Autre la désire. Ce qui lui permettra de renforcer sa propre conviction que elle, elle ne désire rien. Par quoi elle se rassure quant à son être. Rien ne lui manque, elle est ce qui manque à l'Autre. Plus elle se refuse à lui, plus l'Autre en souffre et plus cela lui garantit qu'elle lui manque vraiment. Face à cette cruauté (qui n'est pas nécessairement ce qu'elle veut), l'amoureux finit par préférer la mort. Comme l'exprime bien La Fontaine, l'autre en arrive à préférer mourir plutôt que de subir la cruauté de son amante : « Soulagez mon tourment, disais-je à ma cruelle, ma mort vous ferait perdre un amant si fidèle qu'il n'en est point de tel en l'empire amoureux. »

 

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