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Liban - Éclairage

Face aux multiples foyers de tension, l’armée cherche à se blinder contre la contagion politique et confessionnelle

Placée depuis quelque temps dans une situation peu enviable et menacée de perdre son prestige au fur et à mesure qu’elle se trouve confrontée à des situations inextricables, l’armée libanaise devait recevoir hier le coup de massue de son allié théoriquement le plus proche, à savoir le Hezbollah.


Car c’est bien de la bouche de Hassan Nasrallah que l’institution militaire s’est fait traiter de simple « police interne », insinuant de manière à peine voilée que les États-Unis cherchent à la noyauter par le biais de la fourniture d’armes et de munitions, ou par l’intermédiaire des sessions de formation dont l’administration américaine fait bénéficier la troupe depuis plusieurs années déjà. Des propos étonnants lorsque l’on sait qu’ils proviennent du parti chiite pour qui la trilogie de l’armée-peuple-résistance est on ne peut plus sacrée.


Selon un analyste, le chef du Hezbollah a enfin dit tout haut ce qu’il pensait tout bas : la réalité de ce que ressent la résistance à l’égard de l’armée libanaise qu’elle considère comme étant non pas une institution complémentaire, comme le laisse entendre le triptyque l’armée-peuple-résistance, mais plutôt comme une institution concurrente. Aux yeux du Hezbollah, il ne saurait être question pour la troupe, comme l’a relevé Nasrallah – en imputant la raison aux seuls Américains –, de monter en puissance et de gagner ses galons d’honneur afin de ne pas faire de l’ombre à la résistance et se substituer à cette dernière auprès de la communauté chiite. D’ailleurs, le timing de cette pique lancée à l’armée ne peut être compris que sous l’angle d’un message clair qu’a voulu véhiculer le chef chiite : rappeler que la stratégie de défense ne passe certainement pas par l’institution militaire, mais par la résistance que personne ne pourra désarmer, quand bien même le régime syrien vient d’encaisser un coup fatal.


L’expert tient à rappeler cependant que ce que le secrétaire général du parti chiite a omis de dire, c’est que les Américains tentent peut-être de faire obstruction à la naissance d’une armée puissante qui menacerait Israël, mais que cette tactique avait également été suivie auparavant par l’allié du Hezbollah par excellence, à savoir la Syrie qui, des années durant, a œuvré à empêcher la troupe de se redresser, en plaçant ses propres pions en son sein aux postes-clés et en substituant la troupe par la puissance de feu de la résistance.
Cependant, si la rivalité entre le Hezbollah et l’armée reste subtile et feutrée, c’est une relation autrement plus problématique qui commence à s’installer depuis peu entre l’armée et son ancien commandant en chef, Michel Aoun, parti dans une croisade sans pareille pour défendre l’honneur de la troupe et sauvegarder son prestige, comme il dit.
« Qui trop embrasse mal étreint », répond un ancien officier à la retraite, qui estime qu’en se positionnant en défenseur de l’institution militaire, le chef du CPL a fini par l’embarrasser, rendant sa tâche encore plus difficile sur le terrain.
Ce n’est pas en bloquant les axes de la République et en se comportant presque comme une milice, prétextant la sauvegarde d’une institution aussi respectable que l’armée, que le CPL est en train de l’aider. Bien au contraire, s’accordent à dire les observateurs.


Tiraillée de toutes parts, poussée à faire le grand écart entre le Nord et le Sud pour protéger la nation et ses frontières, et appelée tous les quarts d’heure à éteindre le feu des protestations aux quatre coins du pays, l’armée se serait bien passée d’avoir encore à affronter ceux qui prétendent l’aimer, en s’amusant à débloquer l’une après l’autre les artères vitales du pays.


En définitive, ce n’est pas tant par respect pour l’armée que par adversité aux forces du 14 Mars que le CPL cherche à prendre la défense de la troupe, appelée aujourd’hui à se battre sur plusieurs fronts politiques, sans mentionner la nouvelle mission – purement militaire cette fois-ci – dont elle vient d’être investie à la frontière syro-libanaise. Une responsabilité qui placera l’institution militaire en situation de schizophrénie puisque, d’une part, celle-ci vient de recevoir l’instruction de tirer en cas d’incursion syrienne forcée et que, d’autre part, elle reste liée à des accords de défense mutuelle qui sont devenus d’autant plus nébuleux que le régime syrien est chaque jour un peu plus ébranlé.


Selon l’analyse faite par un ancien officier, la troupe, qui dépend du pouvoir politique et lui reste soumise, se sent en outre aujourd’hui lâchée par ce pouvoir et abandonnée à son propre sort. C’est le cas notamment dans l’affaire de la mort (certains diront l’assassinat prémédité) des deux cheikhs sunnites du Akkar que les politiques de tous bords ont cherché à exploiter dans la rue, chacun à sa manière et pour des raisons parfois communautaires, parfois électorales.
« Nous l’avons dit et redit, soutient une source proche du dossier. L’armée n’a aucun problème à ce que l’affaire soit déférée devant la Cour de justice. Il faut cesser de faire la politique de l’autruche et trancher ce dossier qui risque de porter encore plus atteinte à la troupe et à la stabilité du pays. »


L’ancien officier se plaint d’ailleurs du cercle vicieux dans lequel on a entraîné l’armée, poussée de facto à s’enliser dans une bataille politique qui se déroule par rues confessionnelles interposées. La source dénonce notamment l’attitude adoptée par les forces du 14 Mars et certaines figures sunnites du Akkar qui ont exploité à fond l’affaire de Koueikhate, mais qui finisent par crier au secours en exhortant l’intervention de la troupe dès que la situation sécuritaire les menace de plus près. C’est ce qui s’est passé notamment à Minieh lorsqu’un conflit armé a opposé un député sunnite du 14 Mars à un autre membre de sa famille, l’institution militaire ayant été immédiatement appelée à la rescousse par les notables de la localité.


Un responsable politique se demande d’ailleurs pourquoi ils n’ont pas plutôt fait appel aux Forces de sécurité intérieure, connues pour leur sympathie envers le camp du 14 Mars en particulier, préférant l’armée pour et à cause de sa neutralité, la seule, pour le moment, encore capable de s’imposer dans ce micmac confessionnel.
Encore faut-il qu’elle puisse continuer à jouer son rôle d’arbitre armé, au-dessus des factions, une tâche dont elle ne peut s’acquitter que si les politiques cessent de l’entraîner dans la boue de leurs tiraillements au quotidien. C’est un peu le message qu’a voulu rappeler hier le général Jean Kahwagi dans une allocution adressée on ne peut plus clairement au pouvoir politique.

Placée depuis quelque temps dans une situation peu enviable et menacée de perdre son prestige au fur et à mesure qu’elle se trouve confrontée à des situations inextricables, l’armée libanaise devait recevoir hier le coup de massue de son allié théoriquement le plus proche, à savoir le Hezbollah.
Car c’est bien de la bouche de Hassan Nasrallah que l’institution militaire s’est...
commentaires (2)

C'est malheureux à dire mais pour perdre son prestige, encore faut-il qu'elle en eût. Notre armée, seule institution militaire légale et habilitée à défendre le Liban et les Libanais, est bafouée par le Hezbollah, le CPL et leurs amis. Qu'elle cherche "à se blinder contre la contagion politique et confessionnelle", c'est tout à fait honorable et légitime, seulement il faudrait qu'elle en ait les moyens. Or le président de la République n'a pas les moyens de donner les moyens légaux à notre armée car il est menacé par les moyens illégaux de l'Etat dans l'Etat.

Robert Malek

04 h 04, le 20 juillet 2012

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Commentaires (2)

  • C'est malheureux à dire mais pour perdre son prestige, encore faut-il qu'elle en eût. Notre armée, seule institution militaire légale et habilitée à défendre le Liban et les Libanais, est bafouée par le Hezbollah, le CPL et leurs amis. Qu'elle cherche "à se blinder contre la contagion politique et confessionnelle", c'est tout à fait honorable et légitime, seulement il faudrait qu'elle en ait les moyens. Or le président de la République n'a pas les moyens de donner les moyens légaux à notre armée car il est menacé par les moyens illégaux de l'Etat dans l'Etat.

    Robert Malek

    04 h 04, le 20 juillet 2012

  • L'armee s'est place dans cette position d'elle meme par le fait qu'a chaque general pret a prendre sa retraite il se presente a la presidence avant de disparaitre. Le resultat a ete catastrophique depuis que GMA a pris les rennes du pouvoir. Il a detruit les zones libres et la resistance de l'epoque nous conduisant sous l'occupation Syrienne, Lahoud a confirme cette occupation en laminant les institutions etatiques acceptant tout et n'importe quoi pour se remplir les poches, et aujourd'hui nous heritons d'un Sleimane d'une faiblesse sans precedents puisque les Syriens, essentiellement, n'ont jamais laisse a la troupe la possibilite de se developper. Alors il gere comme Sarkis avec au bout du tunel la guerre. Que Dieu nous en preserve! Si nous avions un etat structure, ni les americains, ni tous les demons du monde n'aurait pu nous empecher de nous armer. Tout le treste n'est que fumisterie!

    Pierre Hadjigeorgiou

    02 h 21, le 20 juillet 2012

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