« Jusqu’ici, il y a une nécessité de préserver le statu quo. Toutefois, je définirai moi-même le moment où je ne pourrai plus supporter » de rester au sein de la coalition, a-t-il déclaré dans un entretien hier soir à la chaîne al-Manar.
« Le peuple désespère de l’absence de réformes. Ma position, c’est qu’il faut lutter contre la corruption », a-t-il ajouté, faisant allusion à l’existence de divergences avec le Hezbollah sur ce plan et réaffirmant que « lutte anticorruption et résistance sont liées, car la corruption nuit à la résistance ». Mais il a pris soin de souligner à plusieurs reprises que ces « différences momentanées » dans les priorités « ne remettent pas en question l’entente » entre les deux formations.
« Je suis prêt à être l’adversaire de tout le monde et je peux être l’ami de tout le monde », a lancé le général. Prié de dire s’il considérait que ses critères de vérité en matière de réformes devaient impérativement s’imposer face à ceux de ses partenaires au gouvernement, il a répondu : « En toute modestie, je possède la vérité. Qui peut discuter avec moi ? Quand je dis que quelqu’un est contrevenant, on ne peut pas me rétorquer que je suis en train d’attaquer sa communauté. »
« La période de grâce pour le gouvernement est terminée. Il y a des choses essentielles qui n’ont pas encore décollé », a-t-il poursuivi, reprochant notamment au cabinet d’avoir « mis des entraves et des hérésies » dans le plan adopté pour l’électricité.
Se montrant une fois de plus virulent contre le Premier ministre, Nagib Mikati, il a affirmé qu’il n’était pas hostile à sa personne. « Mais je lui indique où se trouvent les erreurs et lui ne veut pas les corriger. Que faut-il donc qu’il fasse ? Qu’il viole les lois pour être un héros ? » s’est-il interrogé.
Le général Aoun s’en est également pris au chef du PSP, Walid Joumblatt, qui l’avait accusé de se prendre pour « le plus pur des hommes ». « Que M. Joumblatt nous dise en quoi nous ne sommes pas purs au lieu de nous condamner à partir de nos intentions », a-t-il dit, affirmant qu’il existe des « irrégularités » dans les chantiers des Travaux publics, un ministère tenu par un joumblattiste, Ghazi Aridi, « comme d’ailleurs dans d’autres ministères ».
Interrogé sur l’état de ses rapports avec le président de la République, Michel Sleiman, le chef du CPL n’a pas été plus tendre à son égard. « À la base, il n’y a pas de relations entre nous. Je dirai pourquoi dans mes Mémoires », a-t-il indiqué, reconnaissant que les nominations administratives sont l’un des problèmes qui se posent avec le chef de l’État. « Mais il y en a d’autres. »
S’agissant du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, le général Aoun a dit : « Nous sommes en harmonie, mais il n’est pas orange, comme certains le pensent. »
Il a enfin rappelé qu’il avait « délivré un aller simple » à l’ancien Premier ministre Saad Hariri, écartant tout retour au pouvoir de ce dernier, tout en affirmant que sur le plan personnel, il n’avait pas d’inconvénient à le rencontrer.
Réaffirmant son opposition au financement du Tribunal spécial pour le Liban, tant que le dossier « n’est pas régularisé » au Parlement, Michel Aoun a néanmoins laissé entendre que même dans ce cas, le TSL ne passerait pas, « puisqu’il faut les deux tiers des voix ». Autrement dit que son bloc voterait contre.
Pressé par le journaliste d’al-Manar de préciser pourquoi il s’oppose aujourd’hui au financement du TSL alors qu’il avait approuvé les déclarations ministérielles des gouvernements précédents qui soutenaient explicitement le tribunal, le chef du CPL a tenté à plusieurs reprises d’éluder la réponse, avant de demander : « Mais qui donc a dit que j’étais pour ? »
Affirmant « ne pas savoir » si les menaces de sanctions internationales étaient sérieuses en cas de non-paiement par le Liban de sa contribution, il a ajouté : « Rien que parce qu’il existe un danger, faudra-t-il que je me soumette au chantage ? »
Enfin, réfutant l’existence d’un printemps arabe, il a estimé que les solutions préconisées par les tenants du changement « sont du passé ». « Depuis longtemps, j’avais vu que c’est le fondamentalisme islamique qui allait débarquer. Je l’avais dis en 1994 », a-t-il rappelé.
À ses yeux « le régime syrien s’améliore » et si l’opposition syrienne gagne, « la révolution islamique va se transposer à Beyrouth ». « La majorité en Syrie veut la réforme, mais aussi la stabilité », a-t-il dit.
commentaires (11)
Je me permets de rebondir sur le commentaire de Mme Malha que je viens de lire pour confirmer ce qu'elle dénonce. Je suis en ce moment à Beyrouth et par rapport à mon dernier passage, il y a cinq mois, j'ai en effet constaté que les gens témoignent d'une insécurité croissante et d'une dégradation de la situation.
Robert Malek
19 h 01, le 30 octobre 2011