Rechercher
Rechercher

Liban - En dents de scie

Des triples saltos arrière dans sa tombe

Vingt-sixième semaine de 2013.
Cela fait plusieurs mois, en réalité de longues années, huit exactement, depuis ce 14 février 2005, que l’on met en garde, dans ces mêmes colonnes, contre une inversion viciée et mortifère de l’équation, tout aussi nauséabonde, qui disait et répétait depuis des décennies combien et comment la communauté chiite au Liban était opprimée, humiliée, déshéritée, injustement traitée. Aujourd’hui, cette inversion est totale. Définitive. Aujourd’hui, c’est la communauté sunnite qui n’en peut plus, qui bouillonne, qui va exploser, qui a explosé, boursouflée de cent et une colères, de cent et un désirs de vengeance. Pendant que sa sœur siamoise triomphe, missiles Fajr, Zelzal et autres capables d’aller plus loin que Haïfa portés en étendard.
La milice, nécessairement, immanquablement : c’est la loi de la nature, accouche régulièrement de mini-milices. De contre-milices. Absolument moins performantes, moins surarmées, moins olympiennes, mais tout aussi déterminées, tout aussi dangereuses. Qu’Ahmad el-Assir soit une création-poupée qatarie ou qu’il se soit senti pousser un ADN de pseudo-Oussama Ben Laden n’y change rien : lui et ses hommes sont les enfants-alien du Hezbollah, génétiquement convaincus qu’eux aussi ont le droit d’être au-dessus des lois, qu’eux aussi ont le droit de faire les lois, qu’eux aussi ont le droit de construire leur mini-État, qu’eux aussi ont le droit (et le devoir) de résister contre l’ennemi (le régime alaouite, Israël, etc.), qu’eux aussi ont tous les droits. Et tant que le Hezbollah continuera de régner en tsar absolu, des Ahmad el-Assir, il y en a eu, il y en a et il y en aura treize à la douzaine : aussi folklorique soit-il, l’homme est un produit purement générique.
Bien entendu, et plutôt deux fois qu’une, l’armée a eu raison, sur le papier, de vouloir en finir avec cet épiphénomène. Mais cette semaine, et dans les jours à venir surtout, tout le monde se rendra malheureusement compte que les pré-cantons sunnites, de Abra à Ersal en passant par Tarik Jdidé et Bab el-Tebbaneh pour ne citer qu’eux, vont se fédérer, se gluer, agir comme un seul homme, une seule terre : l’injustice est le plus fort, le plus résilient des ciments. En revanche, sur le terrain, l’armée, dans son überdroit absolu, amputée d’une vingtaine de braves, de valeureux soldats ou officiers, a commis des erreurs, pire, des fautes graves, que seul un geste disciplinaire retentissant de Jean Kahwagi peut aider à estomper. Mais surtout, la troupe s’est attaquée à la plus faible, la plus rachitique, finalement la moins létale des milices. Prouvant une nouvelle fois, une énième fois, que le Hezbollah reste horriblement, désespérément tabou. Comme si un face-à-face armée-salafistes (donc communauté sunnite) était moins important, moins grave qu’un face-à-face armée-Hezbollah (donc communauté chiite)... Comme s’il y avait une hiérarchie de guerres civiles.
Le fondamentalisme sunnite au Liban, bâillonné avant 2005, totalement minoritaire, Golem aux pieds d’argile, est en train de gonfler. Monstrueusement. Parce que ce qui se passe en Syrie contamine à tout va. Parce que c’est un trend post-printemps arabe, un dommage collatéral à endiguer d’urgence. Parce que l’équation s’est inversée, que les injustices s’amoncellent. Parce que le Hezbollah continue d’empêcher l’un des sunnites les plus modérés de faire son travail : Tammam Salam.
Mais aussi, mais surtout, parce qu’il est des absences qui deviennent politiquement sinon criminelles, du moins suicidaires. Aussi imposant que reste Fouad Siniora, le seul homme d’État sunnite depuis Saëb Salam (son refus de voir Saïda transformée en Guantanamo était hénaurme hier...) ; aussi diplomate et conciliante qu’essaie d’être Bahia Hariri et aussi impétueux que se veulent les jeunes ou moins jeunes loups du courant du Futur, l’absence physique et morale de Saad Hariri va finir par le dynamiter, cet indispensable sunnisme modéré. Info ou intox, peu importe, mais le simple fait que la rumeur d’un remplacement de la photo de Hariri par celle d’el-Assir en plein cœur de Tripoli ait autant couru est lourd, gravement lourd de sens. Et de signaux d’alarme. On ne peut pas gérer une communauté entière, même à 75%, à coups de communiqués. Ou à coups d’allers-retours Paris-Riyad. Ou par procuration.
Il n’est pas demandé à Saad Hariri d’être son père – Rafic Hariri avait des défauts à la pelle, à la tonne, mais les fondamentalistes, il les tenait comme personne. Il lui est juste demandé d’être à Beyrouth. À Saïda. À Tripoli. Dans le Akkar. Dans la Békaa. D’assumer ce qu’il est. Qui il est. Ce(ux) qu’il représente. De contribuer, majoritairement, à la résurrection du sunnisme modéré, vital pour la pérennité du Liban, au même titre que le chiisme modéré et le maronitisme modéré. Et cela commence par la proclamation, au palais de Baabda, du nouveau gouvernement, des ministres choisis par Tammam Salam avec l’assentiment de Michel Sleiman.
Il ne faut pas un bac+9 en psychologie pour deviner que ce geste-là, qui va furieusement de soi, aiderait ne serait-ce qu’un minimum à calmer la rue. Les rues. Parce que ce qui s’est passé ce vendredi à Saïda et à Tripoli ressemble étrangement aux colères d’il y a deux ans à Deraa, à Homs, à Deir ez-Zor... Dont on voit aujourd’hui le sinistre résultat.
Ne serait-ce que pour préserver la mémoire de son père, Saad Hariri doit atterrir vite, très vite, à l’aéroport Rafic Hariri.
Vingt-sixième semaine de 2013.Cela fait plusieurs mois, en réalité de longues années, huit exactement, depuis ce 14 février 2005, que l’on met en garde, dans ces mêmes colonnes, contre une inversion viciée et mortifère de l’équation, tout aussi nauséabonde, qui disait et répétait depuis des décennies combien et comment la communauté chiite au Liban était opprimée, humiliée,...
commentaires (6)

Les juifs aussi ont eu leur temps d'oppression et même de Shoah. Le résultat est le sionisme et la catastrophe palestinienne. Le Hezbollah, se disant représenter les chiites, fait avec le peuple libanais ce que les juifs font avec les palestiniens.

Saleh Issal

13 h 32, le 30 juin 2013

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Les juifs aussi ont eu leur temps d'oppression et même de Shoah. Le résultat est le sionisme et la catastrophe palestinienne. Le Hezbollah, se disant représenter les chiites, fait avec le peuple libanais ce que les juifs font avec les palestiniens.

    Saleh Issal

    13 h 32, le 30 juin 2013

  • ON AURAIT tort de négliger les caractéristiques propres à Hariri Saad, qui peuvent se révéler déterminantes. Il se fait que depuis longtemps déjà il peaufine son parcours et se veut Homme de terrain lourd : C'est Saad avec Saïda et Sakssakïyéh ; c'est le Sheïkh avec son Sud qui s'étire de l’au-delà du Leontes jusqu’aux plaines äkkâriennes.... C’est sa "Libanofornie" ; sa Patrie quoi ! C’est ce pays Islamo-chrétien rocailleux et crevassé qu'il a voulu et su sillonner chaussé de bottes et non de mocassins. Et ce n'est pas rien, ce terreau-là, celui d'une Personnalité dont la Maturation s'est passée Ici pour que le Liban soit arraché à la Maussaderie. En tout cas, les CV mis bout à bout de certains autres premiers ministrés s'envolent, quand un vent Haririen pareil souffle sur la campagne en terrass(é)es ! Il faut considérer qu'en ces temps précaires le "peuple" aspire à être protégé des perfides menaces, tranquillisé par une M a t u r i t é Morale et Haririste pareille. C'est le chantier que Saad Hariri travaille infatigablement au prix parfois de passer pour un simple Président comme les autres. Un atout qui peut se révéler formidable, est que cette stratégie permet à la Grande Majorité des éhhh Libanais de la savourer avec fierté ! Quoi qu'il en soit, Saad Rafik Hariri s'est de tous temps arraché au peloton et a toujours fait la course en tête….

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    17 h 56, le 29 juin 2013

  • Je n'avais jamais lu et entendu dire haut et fort que la communauté chiite était humiliée,opprimée , injustement traitée et en plus déshéritée , jamais jusqu'à ce jour où Ziad le met en introduction pour rebondir sur la situation des frères siamois sunnites , étrange comparaison quand on admet que les chiites du temps où ils étaient moches , les actuels frères siamois s'en moquaient un peu beaucoup dans le passé, comme ils se sont moqués des palestiniens leurs frères de sang , d'idéologie, encore et toujours spoliés en Palestine usurpée contre non pas des chiites mais des juifs rescapés d'un génocide pratiqué en Europe , leur allié dans les campagnes anti résistances à leur politique dévastatrice dans notre région. On ne dira jamais assez que les sunnites se trompent d'adversaires, les résistants du hezb étant une conséquences et non une cause à une invasion barbare des usurpateurs de terre. Si saad Hariri devait mettre fin à son exil coupable , le comprendrait il mieux qu'un wazwaz de quartier, personnellement j'en doute, il faut avoir un skill , un back ground , c'est pas évident pour cet enfant gâté, et c'est là que les salafowahaboetccanibalo ont compris et occupés le vide qu'il a engendré voir créé.

    Jaber Kamel

    13 h 54, le 29 juin 2013

  • UNE ANALYSE TRÈS OBJECTIVE. EN QUELQUES MOTS : LES INJUSTICES GÉNÈRENT LES MÉCONTENTEMENTS ET LES ACTIONS APPELLENT LES RÉACTIONS.

    SAKR LOUBNAN

    10 h 12, le 29 juin 2013

  • "Saad Hariri doit atterrir vite, très vite, à l’aéroport Rafic Hariri." ! Oui, mais alors, à quoi servirait un "Ministère" Tammam Salam yâ salâm.... Il faut donc que ça soit un gouvernement Saad Hariri sans arguties ! Point barre.

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    08 h 52, le 29 juin 2013

  • Très bien dit, M Makhoul. Les porteurs du projet le plus pernicieux pour le Liban et représentants de l'axe de la "moumana3at" la plus perfide et mensongère ont assassiné le plus grand leader du sunnisme modéré, Rafic Hariri, et, depuis, ne cessent d'humilier et d'assassiner le sunnisme modéré même. Le tout pour avoir le chemin libre à leur projet mortel pour ce pays. Le successeur du leader de ce sunnisme modéré, Saad Hariri, ne peut absolument pas résister à ce projet dans sa prison volontaire à Riyad, comme un Abdallah Oçalan exilé à force dans une île turque. Sinon les phénomènes Ahmad el-Assir vont inéluctablement le détrôner et l'annuler. Ce serait alors la guerre sectaire la plus terrifiante, que personne n'arrivera plus à arrêter.

    Halim Abou Chacra

    04 h 50, le 29 juin 2013

Retour en haut