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Liban - Visite pastorale

À Buenos Aires, le patriarche et l’ambassadeur : un côtoiement emblématique

La conférence des évêques maronites d’Amérique et d’Europe commence aujourd’hui à Tucuman.
Une longue tradition d’amitié existe entre l’Argentine et le Liban, me rappelle Pedro Pico, dans le brouhaha de la réception offerte mardi soir à l’ambassade du Liban, en l’honneur du patriarche Béchara Raï.
Pedro Pico, ancien ambassadeur de son pays au Liban (1999-2006) et parfait époux de Maryse Maïla (« vous savez, on me connaît désormais comme le mari de la sœur de Joseph Maïla », dit-il avec humour), me rappelle que dans les années 50, Gebran Tuéni père, alors en poste à Buenos Aires, et disparu dans un tragique accident d’avion alors qu’il se rendait au Chili, avait eu droit à des funérailles nationales ou presque, avec les grenadiers de San Martin montant la garde, de part et d’autre du cercueil qui avançait vers la cathédrale de la capitale argentine. De même, il entend encore la foule scander, à l’occasion de la visite officielle du président Camille Chamoun en Argentine, « Chamoun, Peron , Una sola corazon ».
Cette heure glorieuse – parfois glamour – a disparu. Mais son souvenir, comme un parfum tenace, refuse de s’en aller. Trois longues heures durant, entourant le patriarche Raï, Antonio Andari et son épouse Carole ont accueilli la foule mondaine des Libanais et Libanaises d’origine, dont c’était le premier contact avec leur nouvel ambassadeur. Curieusement, le diplomate libanais, qui n’a pas encore présenté ses lettres de créance à la présidente, l’avait informellement rencontrée, la veille, en se rendant à l’audience privée qu’elle avait accordée au patriarche. Une rencontre suivie, le lendemain, par celle du gouverneur de Buenos Aires, Mauricio Macri, ennemi politique juré de Mme Kirchner et époux d’une Argentine de souche libanaise, une Awada dont la beauté est commentée dans tous les salons. En somme, Liban des deux côtés de la barrière.
L’image du patriarche et de l’ambassadeur côte à côte, deux hommes qui s’estiment et sont dédiés à la même cause, avait quelque chose d’emblématique. Leur seule présence suffisait pour dire leur programme de travail. De fait, dans un discours prononcé au cours de la réception, M. Andari devait donner le la de ce programme, qui se résume en un mot : « liens ». Le programme du nouvel ambassadeur sera de créer des liens là où ces liens, qui ont besoin d’être rajeunis, peuvent encore être créés ou rétablis. Liens avec l’Argentine, lien entre les Argentins d’origine libanaise, liens des Argentins de souche libanaise avec le Liban. Bien entendu, c’est un programme de longue haleine, et il y faut de la chaleur humaine et de la gentillesse, ce dont ne manquent pas Antonio Andari et son épouse, mais aussi du souffle, de la ténacité, des fonds (ce qui est plus problématique), et du temps, qui manque toujours.
En tout cas, à voir les salons de l’ambassade noirs de monde, en y voyant Mgr Vartan Boghossian, évêque arménien catholique d’Argentine et d’Amérique latine, côtoyant cheikh Mohammad Zannati, du centre islamique de Buenos Aires, c’était bien l’esprit de la convivialité libanaise, qui comprend un brin d’affectation, qui régnait.
Dans son discours, l’ambassadeur du Liban a également remercié Michel Sleiman pour la confiance qu’il lui a accordée. M. Andari occupait un poste de responsabilité au sein de la Fondation maronite dans le monde quand il a été appelé. Il fait donc partie à la fois du monde de Bkerké et du corps diplomatique et sait parfaitement ce qui l’attend.
Que ce soit en Argentine ou ailleurs, les rôles que sont appelés à jouer l’État libanais et l’Église maronite, pour raviver les liens entre la diaspora libanaise, chrétienne ou pas, sont tout tracés. De fait, au cours de son récent voyage au Brésil et d’un précédent déplacement en Argentine, le président Sleiman a en effet multiplié les engagements de l’État en faveur de l’octroi de la nationalité libanaise aux émigrés qui l’ont perdue en raison d’une négligence de l’État, et pour l’octroi aux expatriés récents ou anciens de la possibilité de voter à l’étranger ; des engagements qui, somme toute, relèvent du droit et non de la faveur.
Le patriarcat maronite, qui s’adresse principalement, mais pas du tout exclusivement, aux maronites, ne dit pas autre chose. Une loi sur la récupération de la nationalité, forgée à l’initiative de la Fondation maronite dans le monde, une institution patriarcale présidée par Michel Eddé , dort par ailleurs dans un tiroir du Parlement, dans l’espoir qu’un juste la sortira enfin de son sommeil.

Conférence épiscopale maronite à Tucuman
En attendant la promulgation d’une loi dans un Liban en léthargie, la diplomatie et l’action pastorale n’ont d’autre choix que de conjuguer leurs efforts.
Mardi, la plupart des évêques des deux Amériques et de l’Europe sont arrivés à Buenos Aires pour la troisième conférence épiscopale maronite de la diaspora, qui se tiendra à partir d’aujourd’hui à Tucuman, une ville située à deux heures d’avion de Buenos Aires, dans une région de forte présence maronite.
À l’agenda des évêques, la planification de leur présence au cœur de la diaspora, ce qui exige parfois de douloureux sacrifices. C’est ainsi que, pour prendre l’exemple de l’Argentine, les Missionnaires libanais à Buenos Aires ou les Mariamites dans la banlieue de la capitale argentine se préparent dans les années à se resituer géographiquement, et donc à sacrifier leurs églises et leurs résidences, pour suivre leurs fidèles maronites dans leurs nouvelles aires de résidence, après le lent et sourd exode qui les a repoussés au fil des années, hors du centre de Buenos Aires, vers des quartiers moins riches, un phénomène mondial auquel Beyrouth n’échappe pas.
À l’agenda aussi, des stratégies de présence et de communication avec les colonies d’émigrés, sans oublier les jeunes, la nomination du « bon berger » (et non le plus rusé, ou le plus carriériste), à la « bonne place », la consolidation des liens avec la diaspora, sans faire ombrage ou double emploi avec les ambassades.
Pour guide, les évêques disposent de « success stories » éclatantes et émouvantes, dont le modèle peut les inspirer ailleurs. L’une de ces histoires à succès est celle de l’hôpital syro-libanais de Buenos Aires, fondé en 1937, que le patriarche Raï a visité mardi matin et dont il a inauguré une nouvelle aile qui servira d’hôpital de jour. En saluant les Drs Ricardo Chammas, directeur de l’hôpital, ou Victor Saadé, en regardant les rayonnants visages des bénévoles, comme Zarifé Ayoub Sarkis et Salwa Ghassi, dignes héritières des dames de Saint-Maron, on réalise – c’est peut-être un cliché, mais il n’y a pas d’autre image – que la solidarité n’est pas un vain mot. L’hôpital était sur le point de fermer quand le P. Hannoun Andraos, encore lui, l’a sauvé par son enthousiasme communicatif et ses contacts tous azimuts.
Avant de quitter Buenos Aires hier matin, Béchara Raï a tenu hier à faire enregistrer son émission catéchétique hebdomadaire, que diffuse Télé-Lumière, curieusement absente comme d’autres médias, de ce périple patriarcal non moins important que les autres, quoique peut-être moins politisé – mais ne jurons de rien.
Le patriarche a rappelé à ses pairs, qui ont reçu comme saint Pierre au bord du lac de Tibériade le commandement de « paître les brebis », de se garder de l’esprit du monde, qui est en partie un esprit d’incroyance, un esprit de confiance dans ses propres voies, ses propres forces, plutôt que dans les voies de Dieu.
Une longue tradition d’amitié existe entre l’Argentine et le Liban, me rappelle Pedro Pico, dans le brouhaha de la réception offerte mardi soir à l’ambassade du Liban, en l’honneur du patriarche Béchara Raï.Pedro Pico, ancien ambassadeur de son pays au Liban (1999-2006) et parfait époux de Maryse Maïla (« vous savez, on me connaît désormais comme le mari de la sœur de Joseph...
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