Le dessin de... Bande dessinée

Le parcours d'un chef

Sébastien Gnaedig est un dessinateur rare, plus habitué des coulisses du monde de l’édition, puisqu’il est l’un des éditeurs principaux des éditions Futuropolis. Pour reprendre le crayon, il prend le temps de choisir ses projets. Il le fait aujourd’hui pour nous raconter le parcours d’Ulysse Nobody.

Le parcours d'un chef

Ulysse Nobody de Sébastien Gnaedig et Gérard Mordillat, Futuropolis, 2022, 144 p.

Ulysse Nobody. Ce n’est bien sûr pas son vrai nom. Tout juste un nom de scène. Un nom programmatique pour cet acteur, sorti du conservatoire avec les honneurs, mais dont la carrière est dispersée et pour dire les choses sans détours : insignifiante. Pourtant, il vivote de petits rôles, d’émissions de télévision modestes ou de tranches horaires tardives à la radio. Le voilà justement, en début de récit, animant une soirée de Noël sur les ondes, proposant des histoires aux auditeurs… Mais sa vie est morne et ses histoires en sont le reflet : une série d’anecdotes plus tristes les unes que les autres. Ulysse se fait renvoyer. Les semaines s’enchaînent, et impossible pour Ulysse Nobody de décrocher un autre job : ni les théâtres, ni les télévisions, ni les castings de cinéma ne veulent de ce quadragénaire déjà oublié, avant même que sa carrière ne décolle.

C’est dans cette situation pour le moins démoralisante qu’une proposition lui tombe tout droit du ciel : on lui propose, ni plus ni moins, que de revenir sur le devant de la scène de manière spectaculaire. Oui, un retour fracassant face à un public acquis. Un rôle dans une grande production ? Pas tout à fait, car cette proposition inespérée vient du PFF, le Parti fasciste français, à la recherche d’acteurs pouvant déclamer des discours avec verve dans les meetings de campagne présidentielle. Ulysse se laisse convaincre. Oui, il est charmé par cette mise en avant des valeurs traditionnelles –  n’est-il pas issu d’un parcours classique en conservatoire qu’il entend faire respecter ? Le positionnement nationaliste du PFF lui semble d’ailleurs être en cohérence avec son amour pour la langue française. Et voici Ulysse Nobody discourant dans les meetings tant et si bien que M. Maréchal, chef du parti, voit en lui un poulain prometteur et lui propose, rien de moins, que de présenter sa candidature aux élections législatives.

C’est ce parcours d’un homme déboussolé, se laissant attraper dans les rouages d’un parti politique calculateur et cynique que Sébastien Gnaedig et Gérard Mordillat nous racontent dans cet album. Malgré les choix discutables de leur personnage, ils tiennent visiblement à le rendre sympathique, dans toute son humanité. C’est parce qu’il s’attache à lui que le lecteur ressent sa chute libre avec compassion. On a envie qu’Ulysse se redresse. On a envie qu’il retrouve les frissons du succès. Et son destin nous touche, jusqu’à ses moments les plus sombres.

L’économie de traits de Sébastien Gnaedig, sa manière de donner à son personnage les allures d’un réceptacle quasi-neutre dans lequel on peut se projeter, participe grandement à la tendresse qui est distillée tout au long de ce récit social.


Ulysse Nobody de Sébastien Gnaedig et Gérard Mordillat, Futuropolis, 2022, 144 p.Ulysse Nobody. Ce n’est bien sûr pas son vrai nom. Tout juste un nom de scène. Un nom programmatique pour cet acteur, sorti du conservatoire avec les honneurs, mais dont la carrière est dispersée et pour dire les choses sans détours : insignifiante. Pourtant, il vivote de petits rôles, d’émissions de...

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