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Nos Lecteurs ont la Parole

II.- Les vestiges archéologiques du centre-ville de Beyrouth

Par Harès BOUSTANY
Chaque ville importante de l’Empire romain avait son hippodrome qui se trouvait situé extra-muros. Dans les années 1960, la Direction générale des antiquités avait découvert et désensablé celui de Tyr, alors que celui de Béryte était resté enfoui (voir L’Orient-Le Jour du mardi 18 septembre 2012).
Les archéologues français et libanais de la première moitié du XXe siècle l’avaient situé, grâce à des sondages, sous les rues de France et de Wadi Abou-Jmil.
En fait ces deux rues suivaient exactement le tracé du sommet des gradins, l’hippodrome de Béryte avait 500m de longueur et cent mètres de largeur. Soit une superficie de 50 000m2.
Les autorités étaient au courant de ce fait. Ce qui n’a pas empêché son lotissement et la vente des terrains aux promoteurs.
Un de ces promoteurs acheta une parcelle de 3 800m2. Ayant commencé ses excavations, il buta sur des vestiges archéologiques. La Direction des antiquités arrêta ses excavations et s’empara du site. Elle nettoya toute la superficie et mit au jour ce qui restait des gradins érodés par le temps et les intempéries et la spina centrale.
On demanda alors au propriétaire du terrain d’accepter d’intégrer les vestiges dans sa construction et d’y créer un musée. Celui-ci accepta et fit venir de Rome ses deux architectes italiens. Une réunion entre les intéressés se tint à la Direction des antiquités et les plans du nouvel immeuble furent changés dans ce sens.
Les archéologues de la DGA firent ce que Maurice Dunand avait fait avant eux.
Ils démontèrent la spina en vue de la restaurer, pour permettre au promoteur de creuser ses soubassements et ces parkings pour ensuite remettre la spina à sa place.
Ils ne touchèrent pas aux gradins déjà détériorés par les intempéries et l’érosion naturelle.
C’est alors que le ministre de la Culture, M. Gaby Layoun, donna au propriétaire la permission de reprendre le travail. Cela étant dit, il reste aux journalistes d’enquêter pour savoir ce qu’il est advenu des 46 200m2 restants.
Quant au soi-disant « port phénicien », les journalistes auraient dû s’enquérir auprès des archéologues libanais et ceux des équipes de l’Unesco qui surveillaient les travaux d’infrastructure dans le centre-ville. Ils auraient su qu’une partie du port phénicien avait été trouvée avec son quai et ses bittes d’amarrage sous la rue Allenby. Il fut nettoyé et documenté et porté sur les cartes montrant l’évolution de la ville de Beyrouth. Mais les experts de l’Unesco, archéologues et urbanistes, trouvaient qu’on ne pouvait fermer une rue indispensable à la circulation ; ils décidèrent donc de protéger le port et de le recouvrir pour les générations futures.
Donc cette pente rocheuse que l’on a surnommée « port phénicien » ne saurait être, dans le meilleur des cas, qu’une cale sèche ou radoub.
Comme les Romains et après eux les Byzantins ne pouvaient construire leurs monuments avec de la pierre « ramlé » de Beyrouth, ils ont utilisé ce rocher comme carrière. Ils le vidèrent n’en laissant que la caresse qui ne représentait plus qu’une valeur documentaire géologique.
Le Dr Alexandre Sursock, sismologue et géologue émérite, nous a envoyé, à ce sujet cette note : « ... À mon humble avis et pour avoir assisté à des présentations sur le sujet des ports phéniciens à Enfé, Byblos et près de Naqoura, je ne crois absolument pas à un port phénicien à Beyrouth à cet endroit. Mon argument est d’ordre géomorphologique sur la ligne de côté à l’époque phénicienne. On ne connaît pas le tracé ancien de la ligne de côté. Mais ce que l’on sait de manière certaine est que cette côte continue à se soulever à chaque tremblement de terre important. Entre nous et les Phéniciens, il y a un séisme majeur, celui de 551 qui a affecté toute la côte de Saïda à Tripoli. On a pu dater par datation isotopique ce soulèvement, le total cumulé depuis 4 000 ans serait de 200 m. »
Là aussi la décision du ministre a été correcte.
Mais mettons une fois pour toutes les choses au point en revenant aux fouilles de sauvetage au milieu certain. On ne peut arrêter l’évolution architecturale d’une cité. On ne peut pas couper le tissu urbain en laissant ça et là des trous béants qui deviendront tôt ou tard des dépotoirs d’ordures. On doit surtout travailler à conserver in situ les plus importants vestiges d’abord de notre culture mère et ensuite ceux des autres cultures qui se sont amalgamés avec la notre en les intégrant dans les nombreux immeubles de la place de Beyrouth. Ce sera la meilleure solution pour les conserver à couvert et les entretenir pour que Beyrouth devienne la première ville au monde à avoir sous chaque bâtiment un petit musée.

Harès BOUSTANY

Archéologue 

Professeur à l’UL
Chaque ville importante de l’Empire romain avait son hippodrome qui se trouvait situé extra-muros. Dans les années 1960, la Direction générale des antiquités avait découvert et désensablé celui de Tyr, alors que celui de Béryte était resté enfoui (voir L’Orient-Le Jour du mardi 18 septembre 2012). Les archéologues français et libanais de la première moitié du XXe siècle...

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