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Nos Lecteurs ont la Parole

Pour quoi j’irai marcher le 14 mars*

Par Carla YARED
J'irai marcher d'abord pour réentendre le vibrato du serment de Gebran Tuéni qui cherchait à transcender les communautés et les confessions. J'irai raviver le souvenir de Samir Kassir qui n'aura pas eu la chance de voir le printemps arabe fleurir. J'irai marcher pour tous ceux qui ne peuvent plus marcher, ceux qui sont morts assassinés. J'irai marcher pour rendre hommage à Hariri, dont la mort a fait sauter le verrou de notre peur. J'irai marcher pour célébrer les 16, 21, 28 février et 7 et 14 mars 2005, jours où nous nous sommes réappropriés, par un acte citoyen, notre histoire et notre dignité.
J'irai marcher pour dire à Hassan Nasrallah que le jour où ses armes ont tourné leurs canons vers l'intérieur, elles ont perdu leur légitimité. Que le tribunal international brisera l'impunité des meurtriers pour que les meurtres cessent. Que « ma baad Chebaa » n'est pas l'affaire des Libanais. Que si les féodaux et autres leaders ont méprisé et spolié leur communauté (pourquoi est-ce que je parle au passé ?), nous autres citoyens libanais avons beaucoup compensé, dédommagé les « déshérités ». J'irai marcher pour répondre aux invectives télévisées de Hassan Nasrallah : même pas peur !
J'irai marcher pour dire à Walid Joumblatt, le socialiste, que l'important c'est la rose posée sur le dossier contenant le nom des assassins de son père. Pour lui demander si sa question posée à Hassan Nasrallah le soir de l'assassinat de son ami Hariri a trouvé une réponse. Quand il dit redouter la fitna, réalise-t-il qui il accuse ? Je ne le crois pas lorsqu'il convoque l'argument communautaire, alors qu'avec sa franchise habituelle, il devrait évoquer l'argument opportuniste. J'irai marcher pour dire à Walid Joumblatt : encore merci pour les mots criants de vérité qu'il a prononcés sur cette même place de la Liberté.
J'irai marcher, last but not least, pour dire à Michel Aoun qu'on n'échappe pas à son passé. Que son action actuelle est une nouvelle harb elgha par procuration. J'irai lui demander quelle stratégie il adoptera le jour où un nouveau Taëf prônera la moussélassa. À qui seront arrachées les parts octroyées aux chiites ? J'irai marcher pour dire à Michel Aoun, qu'avant d'accuser ses adversaires de népotisme et de corruption, il ferait bien de se rappeler qui est son dauphin et quelles sont les mœurs politiques de ses alliés. J'irai pour lui dire que malheureusement, dans la vraie vie, on ne peut pas enfoncer la touche : rewind !
J'irai marcher pour dire à Nabih Berry que je n'ai rien à lui dire.
J'irai marcher malgré la déprime et le désenchantement. Parce que si les Tunisiens, les Égyptiens et les autres avaient succombé à la déprime et au désenchantement, Ben Ali, Moubarak et les autres seraient encore là. J'irai marcher même si j'en veux aux gens de la tribune du 14 Mars d'avoir dilapidé, gaspillé le plus gros crédit populaire spontanément accordé par des Libanais. J'irai leur demander d'entendre la colère gronder contre la corruption et le confessionnalisme. J'irai leur dire que leur mea culpa est à usage unique.
J'irai marcher pour moi, pour mettre mes pas en adéquation avec mes pensées.
Et je continuerai de marcher, même si nous ne sommes plus qu'une poignée...

(*) Le 14 mars tombe un 13 cette année !
J'irai marcher d'abord pour réentendre le vibrato du serment de Gebran Tuéni qui cherchait à transcender les communautés et les confessions. J'irai raviver le souvenir de Samir Kassir qui n'aura pas eu la chance de voir le printemps arabe fleurir. J'irai marcher pour tous ceux qui ne peuvent plus marcher, ceux qui sont morts assassinés. J'irai marcher pour rendre hommage à Hariri, dont la...

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