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Liban - Éclairage

Tensions multiples au Akkar oublié

Loin du tapage électoral et des considérations politiques et politiciennes, le Akkar vit désormais au rythme de la crise syrienne. Dans cette vaste région, peuplée essentiellement de sunnites et de chrétiens, la politique dite de dissociation à l’égard du dossier syrien est une véritable utopie. Et depuis longtemps, les responsables ont choisi de l’oublier, considérant un peu rapidement que cette région à majorité sunnite, si éloignée de la capitale, doit subir le fait d’être à la frontière syrienne comme une fatalité inéluctable. Depuis la mort de cheikh Abdelwahed à un barrage de l’armée et les discours enflammés des députés de la région contre les forces de la légalité, l’État a soigneusement pris soin de ne plus se soucier de cette région, la considérant comme ayant basculé dans le giron de l’opposition syrienne et préférant « se dissocier » d’elle.

 

Pourtant, les ONG internationales, qui y sont implantées depuis bientôt deux ans, estiment que la situation y est extrêmement tendue, notamment entre une partie des habitants d’une part et les membres de l’opposition et leurs alliés libanais de l’autre. C’est surtout le cas depuis le bombardement par l’armée syrienne de la région de Arida. Celle-ci a eu en effet cette fois-ci la main lourde, envoyant de nombreux obus sur le territoire libanais, prenant pour la première fois des maisons pour cibles et tuant ainsi une femme, alors que jusqu’à présent, les tirs de l’armée syrienne étaient essentiellement destinés à faire peur. Des habitants racontent d’ailleurs que les bombardements intensifs ont été effectués en riposte à des tirs en provenance du Liban, sur Tell Kalakh et ses environs au moment où une réconciliation se déroulait entre des soldats de l’armée et des combattants de l’armée qui avaient choisi de déposer les armes. L’armée syrienne a donc violemment riposté, semant la peur chez les habitants et augmentant la tension entre eux et les éléments de l’opposition installés au Liban. Selon un membre d’une ONG internationale qui travaille dans cette région depuis plus d’un an, les habitants libanais de la zone frontalière du Akkar sont de plus en plus mécontents de la présence dans leurs villages des déplacés syriens et des éléments armés. Comme les habitants du Akkar sont en général des familles pauvres, celles-ci ne voient pas d’un bon œil l’afflux d’aides aux déplacés qui reçoivent de l’argent pour ouvrir des échoppes et exercer un métier, concurrençant ainsi les habitants, d’autant qu’ils offrent de meilleurs prix. En même temps, les déplacés coupent les arbres pour faire du bois sans tenir compte des habitants, s’installent où ils peuvent et perturbent la vie publique, tout comme ils ont d’autres mœurs et posent des problèmes à la société conservatrice du Akkar.

 

(Lire aussi : Berry s’inquiète de la détérioration de l’état de la sécurité)


Mais ce qui dérangerait le plus les habitants ce sont les éléments armés qui cherchent à faire la loi sur le terrain. D’ailleurs, après les bombardements intensifs, ils se sont déplacés de Kherbet Daoud au « Vieux Akkar » (où une partie des habitants est de religion chrétienne). Ils coordonnent leurs actions avec les rebelles de l’autre côté de la frontière. Lorsque les combattants sont ainsi en difficulté à Homs, le front de Joussy (face au Hermel) s’embrase comme par enchantement. En somme, les habitants du Akkar vivent désormais au rythme des développements en Syrie et, depuis le déclenchement de la révolte chez leurs voisins de l’autre côté de la frontière, leur quotidien a été complètement bouleversé. Leurs problèmes économiques, sociaux et sécuritaires se sont multipliés, sans parler des bombardements réguliers qui viennent de Syrie et qui provoquent une véritable panique.

Les habitants s’en sont d’ailleurs ouverts au nouveau mufti du Akkar cheikh Zayd Bakkar Zakariya, nommé par le mufti Kabbani en remplacement de cheikh Oussama Rifaï, jugé par Dar el-Fatwa trop proche du courant du Futur. Originaire du village de Fnaïdek, le nouveau mufti (qui est d’obédience salafiste) a critiqué ouvertement les éléments armés au cours de ses nombreuses rencontres avec les habitants, qui ouvrent le feu en direction des positions de l’armée syrienne pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le Liban et entraînent ainsi des ripostes violentes de la part des soldats syriens.

 

En même temps, le nouveau mufti a parrainé, après l’incident de Ersal (Békaa), une réconciliation au village de Akroum (Akkar) entre les habitants sunnites du village et la tribu des Jaafar (chiites) dans une tentative de faire baisser la tension confessionnelle. Mais ces efforts ne sont qu’une goutte d’eau dans une mer de tensions, alimentées par les incidents fréquents entre les habitants et les membres de l’opposition syrienne, largement soutenus par l’ancien mufti cheikh Oussama Rifaï et les députés Khaled Daher et Mouïn Meraabi. Un indice de l’état d’esprit général a été donné par les élections municipales il y a deux semaines, lorsque par exemple la liste du courant du Futur a échoué au village de Bireh...Mais ce courant reste très fort dans le village de Bebnine qui est un des pôles démographiques du Akkar. C’est dire que dans toute cette région, la situation est confuse et les habitants craignent de faire les frais de la crise syrienne dans l’indifférence générale, le pouvoir se souciant essentiellement de Tripoli et de Saïda, alors qu’il préfère les laisser à leur sort.

 

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commentaires (3)

Encore parti tout seul. Je continue : peut-on en vouloir au Akkar aussi si des... milices... pousseraient ça et là puisque l'Etat y fait défaut ?

SAKR LEBNAN

12 h 44, le 14 mars 2013

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Commentaires (3)

  • Encore parti tout seul. Je continue : peut-on en vouloir au Akkar aussi si des... milices... pousseraient ça et là puisque l'Etat y fait défaut ?

    SAKR LEBNAN

    12 h 44, le 14 mars 2013

  • SUD et Akkar, les deux oubliés de l'Etat Libanais, depuis sa naissance. Peut-on en vouloir aux Chiites et au Hezbollah dans le Sud, d'avoir fait appel de secours à d'autres pays pour les aider à en finir de l'occupation. Les Conséquences aujourd'hui ? C'est l'Etat Libanais, et TOUT Libanais qui avait accepté cet Etat, qui en est responsable. Au Akkar, même son de cloche... les naissances de... ne tardera

    SAKR LEBNAN

    12 h 41, le 14 mars 2013

  • Akkar oublié....Sud oublié...les mêmes causes produisent les mêmes effets.Le parallèlle est saisissant,et tout aussi attristant.Et de cette situation,bien sûr que nos deux voisins sont responsables,mais pas que....les premiers responsables sont nos politichinelles...ceux qui par leurs divisions,leur népotisme et leur corruption nous ont mené là! La honte sur eux!

    GEDEON Christian

    10 h 22, le 14 mars 2013

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