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Moyen Orient et Monde - Le point

La paix gelée

Se trouvera-t-il une bonne âme pour rappeler à Hillary Clinton qu'elle n'est plus sénatrice de l'État de New York en quête de voix juives, ni First Lady et donc forcée, croyait-elle alors, de se démarquer d'un époux qui avait en son temps déployé des trésors d'ingéniosité pour hâter l'avènement de la paix au Proche-Orient ? La prouesse de la secrétaire d'État aura consisté, en fin de semaine, à porter un coup, encore un, à un processus il est vrai artificiellement maintenu en vie. En week-end, elle a jugé « sans précédent » la proposition faite par Benjamin Netanyahu de limitation de la colonisation - et non de gel total, comme n'a cessé de l'exiger, ces derniers mois, l'administration américaine. Reprenant presque mot pour mot l'argumentation du Premier ministre israélien, elle a estimé en conséquence que le dialogue devait reprendre dès que possible et sans condition préalable. C'est dire si, avec un « honest broker » comme elle, les Palestiniens n'ont vraiment pas besoin d'ennemis...
Le lendemain, la chef de la diplomatie US tenait à rappeler, sans rire, que l'opposition US aux points de peuplement n'avait pas changé, mais que l'offre israélienne allait avoir « un effet significatif » pour la paix. Ce que l'on n'a pas manqué de constater depuis quarante-huit heures. Saëb Erakat, l'un des principaux adjoints du président de l'Autorité, s'évertue à expliquer que si l'équipe d'Obama ne parvient pas à arracher un ralliement de l'État hébreu aux thèses qui sont les siennes, il est permis de douter des chances arabes d'obtenir un semblant d'accord sur les grands points du litige.
Ce que « Bibi » met sur la table est bien mince : pas de création de nouvelles implantations en Cisjordanie pour les neufs mois à venir ; en échange, les 3 000 unités de logement seront achevées, de même qu'un nombre indéterminé de constructions dans la partie est de Jérusalem occupée depuis la guerre de juin 1967. Il est évident que ce saut de puce en avant suivi de deux grands pas en arrière ne saurait satisfaire un adversaire déjà sérieusement éprouvé par sa gestion catastrophique de l'affaire Goldstone et par son bras de fer électoral avec le Hamas. Depuis qu'il a été appelé à succéder à Yasser Arafat, Abou Mazen n'a cessé de se battre, parfois contre les siens, pour un dialogue avec l'ennemi. Après toutes les humiliations subies, il n'a plus rien à offrir à son peuple, sinon davantage de sang, de sueur et de larmes, pour reprendre l'expression churchillienne. À deux différences près : n'est pas lion qui veut et les Palestiniens désunis ne sont pas les Britanniques faisant corps derrière leur Premier ministre.
Dans un ouvrage appelé à avoir un retentissement certain (1), Charles Endelin, correspondant de France 2 à Jérusalem depuis quelque trente ans, parle des manœuvres israéliennes pour favoriser la montée en puissance des islamistes et affaiblir du même coup Abou Ammar, histoire de montrer au monde qu'il n'existe pas, en face, d'interlocuteur valable. On a vu comment la tactique a fini par se retourner contre les faux Machiavel et par favoriser l'émergence du Hamas, mais aussi celle de son contrepoids sioniste, le mouvement du rabbin Meir Kahane.
L'autre grand perdant dans l'affaire est George Mitchell. Il y a lieu de se demander, après le coup d'éclat de Hillary Clinton, ce que l'ancien sénateur et actuel envoyé spécial de Washington est resté faire dans la région. Officiellement, a-t-on indiqué dans son entourage, c'est pour « poursuivre l'examen des possibilités de reprendre les pourparlers » ( ?) On n'est pas près d'oublier qu'un rapport par lui établi en 2001 avait constitué l'essentiel de la défunte « feuille de route » et servi de base au programme proche-oriental du candidat Barack Obama, dont l'élection avait été saluée avec enthousiasme par le camp arabe. L'idée maîtresse avancée par l'homme des accords du Vendredi Saint sur l'Irlande du Nord reposait sur deux impératifs : la sécurité pour Israël, la fin des colonies sauvages. Sa mission, il l'a entreprise sur cette double base, laquelle vient de s'effondrer, entraînant dans sa chute celle d'un certain obamisme.
Alastair Crooke, qui fut le conseiller de Mitchell, a sa propre théorie pour expliquer le dernier en date des retournements américains. Il s'agirait, selon lui, d'un marché en vertu duquel Israël s'abstiendrait de lancer un blitzkrieg contre l'Iran, mais aurait les coudées franches pour poursuivre son opération de grignotage dans les territoires occupés. Politique-fiction ? Pas si sûr. Depuis 1948, on a vu des « deals » autrement plus tordus.

(1) « Le Grand Aveuglement, Israël et l'irrésistible ascension de l'islam radical » - Albin Michel.
Se trouvera-t-il une bonne âme pour rappeler à Hillary Clinton qu'elle n'est plus sénatrice de l'État de New York en quête de voix juives, ni First Lady et donc forcée, croyait-elle alors, de se démarquer d'un époux qui avait en son temps déployé des trésors d'ingéniosité pour hâter l'avènement...

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