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Dossiers Moyen-Orient - Interview

Pour lutter contre la violence au Yémen, il faut désamorcer les bombes à retardement politique, économique et sociale

Khaled Fattah, chercheur à l'Université de Saint Andrews et analyste politique, spécialiste du Yémen et des relations entre État et tribus au Moyen-Orient, revient sur l'implantation d'el-Qaëda au Yémen.

 Mardi dernier, sept Yéménites, membres présumés d’el-Qaëda, ont été condamnés, par un tribunal de Sanaa spécialisé dans les affaires de terrorisme, à des peines de prison allant de cinq à dix ans pour avoir fomenté des attaques contre des touristes et des intérêts étrangers. Khaled Abdullah/Reuters

Q - Qui sont les militants d'el-Qaëda au Yémen ?
R - Les militants d'el-Qaëda au Yémen sont essentiellement des membres de rang moyen d'el-Qaëda de Ben Laden. Ces militants viennent de différents pays, arabes ou non, et se sont battus en Afghanistan dans les années 80 et dans les guerres post-11 septembre 2001 en Afghanistan, au Pakistan et en Irak. Il est difficile d'établir le nombre de militants au Yémen, mais certains rapports sécuritaires avancent les chiffres de 200 à 300 militants.

En quoi le Yémen représente-t-il une base intéressante pour el-Qaëda ?
Pour plusieurs raisons, les militants islamistes en général, et les membres d'el-Qaëda en particulier, ont un faible pour le Yémen. Historiquement, la nation yéménite a fourni les soldats de première ligne pour la propagation de l'islam à ses premières heures. Géographiquement, le Yémen est, pour el-Qaëda, une base stratégique importante à partir de laquelle elle peut lancer des attaques contre la monarchie saoudienne et les intérêts occidentaux en mer Rouge. Un récent rapport soulignait en outre que le Yémen fait le lien entre les trois théâtres d'opération majeurs d'el-Qaëda, l'Afghanistan, l'Irak et la Somalie. Oussama Ben Laden a d'ailleurs souvent loué le Yémen, la religiosité de son peuple, son code tribal de l'honneur et son relief montagneux escarpé.
El-Qaëda a réussi à s'implanter au Yémen essentiellement en raison de l'existence de zones noires échappant au contrôle du gouvernement central, dans les régions tribales du Nord et de l'Est. Enfin, la faiblesse chronique des institutions étatiques, les revendications sociales de plus en plus fortes, les conflits et les crises politiques nourrissent el-Qaëda au Yémen.

La guerre contre el-Qaëda va-t-elle renforcer ou affaiblir le régime yéménite ?
Le gouvernement central se bat sur tous les fronts pour survivre. Sur le front économique, il est confronté à son incapacité à assurer les services sociaux de base. Sur le front politique, l'on note un bouillonnement dans les camps de l'opposition. Sur le front sécuritaire, étant donné les multiples insurrections et soulèvements, les forces de sécurité yéménites ont atteint leurs limites en termes de déploiement puisqu'elles sont au Nord, au Sud et dans les provinces de l'Est. La guerre contre el-Qaëda représente une menace supplémentaire sur la légitimité et la sécurité du gouvernement, particulièrement s'il adopte la stratégie des assassinats ciblés qui fera des victimes civiles dans les zones tribales. La guerre aggrave aussi le dilemme du gouvernement entre sécurité et développement.

Quelles sont, pour le régime yéménite, les conséquences d'une alliance avec Washington dans cette guerre contre le terrorisme ?
Au Yémen, il existe un recoupement complexe des revendications religieuses, économiques, tribales et régionales. Étant donné la topographie du pays, le Yémen est en outre un paradis pour les guérillas. Dans le contexte actuel des sévères crises politique, économique, religieuse et régionale, une intervention militaire américaine entraînerait la formation d'une nouvelle vague d'antiaméricanisme pas seulement au Yémen, mais aussi dans toute la région, avec une réaction violente contre le gouvernement et ses soutiens occidentaux.

Le président Abdullah Saleh a dit être prêt à négocier avec el-Qaëda si les militants déposaient les armes. Cette offre est-elle réaliste ?
Dans la même interview, le président a dit que les forces de sécurité traqueront autant de militants d'el-Qaëda que possible parmi ceux refusant de renoncer à la violence. En d'autres termes, il s'agit d'un double message. Au Yémen, la politique de dialogue avec les extrémistes a été mise en œuvre par le passé, avec des résultats mitigés. Pour comprendre le sens de cette offre de négociation avec des militants islamistes, il faut se souvenir que la politique au Yémen est comme un fromage suisse, pleine de trous et de petits tunnels. Ce n'est pas un dialogue avec el-Qaëda qui réglera la violence et l'instabilité au Yémen, mais le désamorçage des bombes à retardement politique, économique et sociale.
Q - Qui sont les militants d'el-Qaëda au Yémen ?R - Les militants d'el-Qaëda au Yémen sont essentiellement des membres de rang moyen d'el-Qaëda de Ben Laden. Ces militants viennent de différents pays, arabes ou non, et se sont battus en Afghanistan dans les années 80 et dans les guerres post-11 septembre 2001 en Afghanistan, au Pakistan et en Irak....

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