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Économie - Liban - Grille des salaires

Approuvée ! Oui, mais...

L’approbation de la nouvelle grille des salaires restera longtemps dans les annales de l’action syndicale libanaise comme une victoire d’un mouvement qui aura résisté des mois durant à la surenchère politique et à un manque de transparence provenant des plus hautes instances étatiques. Désormais, le sort de milliers de fonctionnaires et instituteurs du secteur privé est entre les mains du Parlement. Ultime carte électorale des uns comme des autres, le dossier de l’échelle des salaires est plus que jamais pointé du doigt par des spécialistes de la chose économique qui mettent en avant le manque d’études actuarielles et de vision sur le long terme. Les instances économiques, eux, voient noir...

La bataille des syndicats aura duré 18 mois. Dix-huit mois durant lesquels ils ont tenu tête aux organismes économiques et aux responsables gouvernementaux pour faire approuver un rééchelonnement de la grille des salaires qui prendrait en considération la cherté de vie et l’inflation galopante. S’ils ont aujourd’hui toutes les raisons de célébrer leur victoire, les spéculations sur le coût économique du transfert de la nouvelle grille au Parlement battent leur plein. « C’est un cauchemar », indique l’économiste Nassib Ghobril. « Il n’y a eu aucune étude actuarielle qui a été faite », déplore l’expert, qui met en exergue les conséquences de faire approuver un rééchelonnement de la grille des salaires sans se pencher sur le coût de celle-ci sur le court et le long terme. « Ils n’ont pas pris en considération le régime des retraites ni les personnes dépendantes des retraités qui continueront à obtenir des allocations familiales et sociales après que le/la retraité(e) est décédé(e). »

 

(Lire aussi : Choucair : Le transfert de la grille au Parlement est une journée noire pour l’économie)


Nassib Ghobril a en outre souligné qu’en période de stagnation et de baisse de la confiance des ménages et des investisseurs, il n’était pas judicieux de hausser les taxes. « Le secteur des voitures sera, parmi tant d’autres, affecté par la hausse des impôts », a indiqué à titre d’exemple M. Ghobril. Rappelons en effet qu’au chapitre des recettes étatiques, le gouvernement a approuvé une hausse de la TVA de 10 à 15 % sur certains produits de luxe, sur l’importation de l’alcool, les voitures de luxe et les pièces de rechange, ainsi que les téléphones portables et les factures de téléphone. Force est de rappeler que les factures de téléphonie mobile au Liban sont déjà parmi les plus élevées au monde... Les propositions du gouvernement pour augmenter les revenus de l’État ont également porté sur l’augmentation des frais de timbre, les extraits d’état-civil, les factures commerciales, les permis de construire, les licences d’embouteillage d’eau potable, les puits artésiens, les frais de notaire, la taxe de sortie des voyageurs, les lots gagnés à la Loterie nationale, les règlements de contravention à la loi sur les bâtiments, les gains effectués sur les transactions immobilières, les frais de location de bien-fonds maritimes, etc. En somme, une augmentation de la cherté de vie qui aura vite fait d’absorber l’augmentation des revenus des salariés du secteur privé et celle potentielle des fonctionnaires. Pas de quoi crier victoire. « Avant de procéder à un rééchelonnement de la grille des salaires à travers ce type de réformes, le gouvernement aurait mieux fait de se pencher sur les moyens de lutte contre le gaspillage et l’évasion fiscale ainsi que d’améliorer sérieusement le système de collecte des impôts », a souligné M. Ghobril, qui met en exergue le fait qu’il n’y a aucune volonté politique véritable de procéder à des réformes. Toujours selon M. Ghobril, le débat autour de la grille des salaires est un débat qui aurait dû se faire au sein du Conseil économique et social où toutes les parties sont représentées ; une institution qui est aujourd’hui inactive. Les syndicats, eux, s’ils remettent en cause certains droits bafoués dans les propositions de gouvernement, tiennent quand même à mettre en avant « une victoire historique ».

 

(Lire aussi: Une victoire syndicale au goût amer)

Mahfoud : Le transfert de la grille au Parlement annonce une nouvelle ère d’activisme syndical
Interrogé par L’Orient-Le Jour, le président du syndicat des instituteurs du secteur privé se félicite du « regroupement des citoyens libanais autour des syndicats et non pas autour des responsables de l’État ». « Nos manifestations ont permis une victoire historique », s’est félicité le syndicaliste, qui a toutefois indiqué que si la grève ouverte avait pris fin, le comité de coordination syndicale (CCS) organiserait la semaine prochaine une manifestation devant le Sérail pour afficher leur désapprobation de certaines mesures avancées par le gouvernement qui « frappent de plein fouet des acquis sociaux » comme la réforme du temps de travail, la réduction du nombre des heures supplémentaires, la réduction des indemnités à 40 % du salaire, la réduction à cinq ans du nombre d’années supplémentaires de service des fonctionnaires parvenus à l’âge de la retraite et enfin l’arrêt de l’embauche dans les administrations au profit de l’embauche contractuelle. Enfin, le syndicaliste a tenu à réitérer que le Liban allait être témoin d’une nouvelle ère d’activisme syndicaliste ; une ère qui « sonne le glas du syndicalisme version CGTL ».

 

(Lire aussi : Safadi alarmiste : La grille va augmenter les déficits...)



Karam : Ce dossier aurait dû mériter plus d’attention
De son côté, le conseiller économique du président de la République Chadi Karam nuance les propos des uns et des autres. Il livre ainsi à L’OLJ que si « le caractère social de cette mesure est indubitable en raison de l’inflation qui érode le pouvoir d’achat des ménages, elle aurait dû se faire depuis des années sous une forme rationnelle dans la cadre d’un chantier de réformes englobant les impôts, le régime des retraites, etc. ». M. Karam a également déploré le fait que le Liban n’a pas su profiter des années de croissance pour améliorer une productivité qui aurait pu amortir une éventuelle hausse des coûts. Rejoignant les craintes de M. Ghobril, M. Karam a réitéré l’argument selon lequel il est dangereux de procéder à une hausse des salaires de la fonction publique en période de stagnation ; une mesure qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur la croissance, la dette publique, le taux de chômage et les encours bancaires entre autres. Parallèlement, Chadi Karam exprime ses doutes quant à l’amélioration possible du pouvoir d’achat des ménages et exprime ses peurs quant à la contagion des mouvements de revendication au secteur privé, notamment au secteur bancaire.
Seul point « positif » des propositions de financement ? Le fait que les responsables, président, ministres et députés, ont eu la bienveillance (?) de s’exclure des avantages de la nouvelle grille. De toute manière, le pouvoir législatif ne manquera pas une occasion en or de récupérer ce dossier à des fins électorales. Ce ne sera que le énième dossier englué dans des tractations d’intérêts personnels sur lequel se jetteront les 128 de l’hémicycle. Allez-y Messieurs, Dames, la curée putride attend d’être déchiquetée.

 

Pour mémoire

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