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À La Une - Exposition

Théâtralité, baroque et glamour de Kimiko Yoshida

Un monde fascinant. Art, culture, peinture, technique du Murano, miroir, mode, simulation, dissimulation, théâtre ont tous les phares allumés pour composer le baroque et le glamour des créations, à multiples facettes et embranchements, de Kimiko Yoshida. Regard sur une exposition à la Galerie Tanit (Nayla Ketttaneh Kunigk) à Mar Mikhaël.

Kimiko Yoshida, une conteuse de la lignée de Schéhérazade aux 1001 extravagances.

Gorgé de soleil et de lumière, le nouvel espace flambant neuf de plus de cinq cents mètres carrés de la Galerie Tanit, sise près d’EDL, conjugue le faste des lieux avec le faste d’une œuvre ruisselante de beauté et d’une décapante modernité.


Sous le titre «Tout ce qui n’est pas moi», Kimiko Yoshida, née à Tokyo en 1963 et vivant et travaillant en France depuis 1995, est restée en fait une petite fille qui n’a jamais renoncé à son enfance. Et encore moins à jouer à la poupée... Surtout ne vous fiez pas à ses dires. Et encore moins aux apparences. Elle vous embarque si facilement – et avec quel délice visuel – dans son étincelante boîte de Pandore.


C’est une conteuse de la lignée de Schéhérazade, elle vous emmène en bateau et vous ne reverrez pas de sitôt la côte. Pour un voyage merveilleux et émerveillant.


Détrompez-vous, d’un narcissisme enjoué mais ferme, doublé d’une vocation de caméléon, elle use de tous les subterfuges des métamorphoses, des transformations, des travestissements, de la prestidigitation vestimentaire, pour se fuir et mieux se retrouver. Elle, rien qu’elle. Et jamais elle.


Et toujours méconnaissable car elle sait que l’image est l’emblème même de ce XXIe siècle, pris au point d’un certain surréalisme de vertige et de délire visuel par le règne et la tyrannie de l’image... Cependant, avec Kimiko Yoshida, on devrait garder en tête cette phrase: «L’image ne figure jamais que l’absence de ce qu’elle représente.»
Don d’ubiquité, de duplicité et de multiplication, mais dans des atouts et des atours toujours différents. Comme démultipliée, pour une insaisissable théâtralité, dans un miroir au fond éloigné, aux reflets amplifiés, comme une galerie de glaces dont le champ visuel se répercute à l’infini...

 


Pour la situer, ou du moins capter une certaine essence de son art, à la fois si subtil et si sophistiqué, cette confession. Confession en exergue de traduire en mots son inspiration tentaculaire. Elle déclare: «Quand j’avais trois ans, ma mère m’a mise à la porte. J’ai quitté la maison en emportant une boîte avec tous mes trésors. Je me suis réfugiée dans un jardin public. La police m’a retrouvée là, le lendemain. Depuis, je me suis toujours sentie nomade, vagabonde, fugitive.»
On ne sort jamais indemne de pareille mésaventure. Et depuis, elle rôde autour de son visage, de ses traits, et cerne, avec un talent fou, ses autoportraits. Comme pour se soustraire à son propre visage ou mieux le retrouver.
Exposée aux Rencontres d’Arles (en 2004), avec la complicité de Jean-Michel Ribettes (psychanalyste et critique d’art), on retrouve aujourd’hui à Beyrouth d’abord ses « Mariées célibataires ». Série d’œuvres où l’artiste, méconnaissable bien entendu, a la bouche fardée et l’ovale du visage orné de bijoux sertis de pierres brillantes et colorées et recouvert de voiles transparents ou de draperies aux tombés savants.
Vêtements et accessoires sont délibérément détournés et l’on voyage, dans une mise en scène minutieuse et un maquillage à couper le souffle, dans un défilé époustouflant, aux détails les plus fins, digne héritage de l’ancestrale civilisation nipponne.
De l’Opéra de Pékin aux mariées noire, égyptienne et de Bollywood, les personnages sont dans le secret de leur beauté lumineuse, l’arrogance de leur solitude et de l’épanouissement du regard pour des noces portées sur un palanquin royal...
Autour du cou, du front, des narines et des oreilles, éclats éclatants des bijoux de Harry Winston, Van Cleef et Arpels, Stein...

 

Toujours sous le signe de la femme et de l’artiste sous les feux (et dans l’œil) de la caméra, suit une série de tableaux conçus dans le souvenir de l’histoire de l’art. Évocation libre, débordante d’une imagination sans contrainte et surréaliste des chefs-d’œuvre des maîtres anciens.
Picasso, Watteau, Magritte, Véronèse, Goya, Vermeer, Manet, Renoir revisités par les coulisses des maisons haute couture ou les dessins de designers hors normes. Et parfois mélangés avec une outrecuidance et une audace déroutantes, à des détails insolites ou incongrus (des chaussures en guise de cornes de taureau sur un visage de femme habillée façon Lacroix!) qui laissent le spectateur bouche bée.
Dissemblance et ressemblance ont ici des pertinences évidentes avec des accents, des contours et des tonalités éminemment sensuels, inventifs, d’une richesse impériale. Et on songe bien sûr à la couverture de l’album dédié à l’artiste, à cette fabuleuse représentation de Xiao Chun, impératrice douairière de Chine, de la dynastie Ming, touchée par la grâce métallisée de Paco Rabanne.

 

 


Si Kimiko Yoshida ne laisse rien à l’ombre pour le visage (ou le plonge carrément dans la pénombre ou le vaporeux d’une certaine translucide transparence avec des chevelures irisées), elle n’en interroge pas moins les lettres, les pensées et la poésie.
Sur un registre absolument différent, elle dresse en verre soufflé de Murano, C-prints contrecollés sur aluminium et Diasec, des lettres ou des phrases. Illustration majeure de cette exploration: un poème, Voyelles de Rimbaud. Oui, le A est noir, le I rouge, le O bleu... Le «voyant» autant que l’artiste disent à travers les fulgurances de l’art «nos naissances latentes»...
Pour clore ce parcours aux arrêts insolites et captivants, d’après l’idée des «Rotoreliefs» de Marcel Duchamp, détournant la tradition verrière de Murano, Kimiko Yoshida donne à voir des miroirs sans image. Plats argentés, ronds ou ovoïdes, où nul ne se mire. Mais habite là un fond marin avec coquillages et algues comme des eaux profondes où Narcisse – ou tout être vivant – a beau se regarder et scruter les profondeurs ou la surface lisse, il ne pêchera jamais le clair de son reflet, de son image...

L’exposition « Tout ce qui n’est pas moi » de Kimiko Yoshida s’expose à la Galerie Tanit – Mar Mikhaël jusqu’au 30 mars.

Gorgé de soleil et de lumière, le nouvel espace flambant neuf de plus de cinq cents mètres carrés de la Galerie Tanit, sise près d’EDL, conjugue le faste des lieux avec le faste d’une œuvre ruisselante de beauté et d’une décapante modernité.
Sous le titre «Tout ce qui n’est pas moi», Kimiko Yoshida, née à Tokyo en 1963 et vivant et travaillant en France depuis 1995, est...
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