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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Requiem pour un superflic

Par sa vigilance et son efficacité à la tête des renseignements des Forces de sécurité intérieure, Wissam el-Hassan était sans conteste le fonctionnaire le plus précieux, le plus indispensable, dans un Liban en proie, depuis des années, aux atteintes du terrorisme politique. Mais cet infatigable pourvoyeur de sécurité publique était paradoxalement aussi l’homme le plus menacé d’un pays impuissant en effet à protéger ses serviteurs les plus zélés, où pullulent les agents de l’étranger, où les allégeances à telle ou telle puissance régionale s’affichent sans la moindre retenue. C’est cet opiniâtre trompe-la-mort, vivant en reclus dans son bureau, loin de sa famille réfugiée à Paris, rescapé de plus d’une tentative de meurtre, qu’ont fini par éliminer les auteurs de l’effroyable attentat à la bombe d’hier à Achrafieh.

D’avoir substantiellement contribué à l’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri avait fait du général el-Hassan la bête noire des forces politiques alliées à Damas ou Téhéran. Et d’avoir débusqué et démantelé nombre de réseaux d’espionnage israéliens ne lui avait pas valu l’estime et le respect de ces mêmes forces, dont la plus influente et remuante fait abusivement commerce, pourtant, sur la scène intérieure, de sa résistance face à l’ennemi. Plus grave encore, la campagne de dénigrement visant el-Hassan, assortie parfois de menaces même pas voilées, avait gagné en virulence dès l’annonce de son dernier exploit : la mise en échec d’un vaste programme syrien d’attentats à la bombe dans la région du Akkar, laquelle avait entraîné l’arrestation de l’ancien député et ministre Michel Samaha, proche du président Bachar el-Assad.

Émanant de Ban Ki-moon ou alors de son représentant Lakhdar Brahimi, les avertissements n’ont pas manqué, ces derniers jours, quant aux risques d’un débordement au Liban. De fait, et déboutée du Akkar, c’est en plein Beyrouth qu’aura frappé une terreur qui se refuse à baisser les bras, qui croit visiblement qu’en saignant le Liban, c’est de l’hémorragie qu’elle sauve une dictature syrienne usant, mais en vain, contre son propre peuple, des méthodes les plus barbares pour assurer sa survie. Pour rester dans la sinistre note, la terrible explosion de la place Sassine, survenue dans une rue à forte densité de population, et qui a fait des dizaines de victimes entre morts et blessés, ne constituait pas seulement un acte de terrorisme politique : c’était aussi un crime contre l’humanité, révélant une fois de plus le mépris de la vie des innocents citoyens qui anime ses auteurs.

Mais quel cas le gouvernement fait-il de la vie des gens, lui qui abrite en son sein les détracteurs les plus véhéments de Wissam el-Hassan, activement engagés de surcroît dans les combats de Syrie ? Bienvenues, bien sûr, sont les condamnations unanimes qu’a suscitées le gigantesque séisme sécuritaire d’hier. Elles ne sauraient faire illusion cependant, pas plus d’ailleurs que certains appels à une prompte action de la police et des autorités judiciaires, lancés qu’ils étaient en effet par ceux-là mêmes qui se sont ingéniés, ces dernières années, à entraver le cours de la justice, tant internationale que locale.

Les larmes de crocodile ne doivent pas servir, pas cette fois encore, à noyer le poisson.

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Par sa vigilance et son efficacité à la tête des renseignements des Forces de sécurité intérieure, Wissam el-Hassan était sans conteste le fonctionnaire le plus précieux, le plus indispensable, dans un Liban en proie, depuis des années, aux atteintes du terrorisme politique. Mais cet infatigable pourvoyeur de sécurité publique était paradoxalement aussi l’homme le plus menacé...

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