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À La Une - Musée

Sur les traces de Jean Cocteau à Menton...

C’est à Menton, ville d’élection de Jean Cocteau, que se trouvent deux musées dédiés au poète : « le Bastion » et le « musée Jean Cocteau, collection Séverin Wunderman ». Visite méditerranéenne sur les traces de l’auteur des « Enfants terribles ».

Jean Cocteau, écrivain et poète « fou de peinture et dessin ».

MENTON, de Zéna ZALZAL

 

Durant l’été 1955, Jean Cocteau est en villégiature à Saint-Jean Cap-Ferrat, sur la Côte d’Azur, chez son amie Francine Weisweiller (dont la villa Santo Sospir garde encore sur ses murs les traces de son passage !). Au cours de ses balades, il découvre Menton, ses citronniers, ses vieux quartiers aux édifices colorés, et a un véritable coup de cœur pour cette petite ville frontalière de l’Italie. Il y séjournera, dès lors, régulièrement.
Sous le soleil de Menton, le poète dandy vient se délasser, flâner, se ressourcer loin de la sophistication du Tout-Paris dont il est l’une des grandes figures... Il s’amuse à y laisser son empreinte. En 1956, à la demande du maire et « fatigué de l’encre et de la table », il décore de fresques la salle des mariages de l’Hôtel de ville, « tatouant » ses murs de ses célèbres figures de fiancés. L’année suivante, également à l’instigation du maire, il décide de restaurer, d’aménager et de transformer en petit musée pour ses propres œuvres un bastion abandonné, inséré dans la jetée du port et datant du XVIIe siècle.

Les « Innamorati »
C’est Cocteau lui-même qui organise les travaux et dessine notamment les mosaïques de galets au sol et les vitrines en fer forgé, destinées à abriter quelques spécimens des céramiques qu’il s’est essayé à élaborer non loin de là, à Villefranche-sur-Mer, dans l’atelier de ses copains artistes Madeleine Jolly et Pilippe Madeline. Lorsqu’il décède le 11 octobre 1963 – le même jour qu’Édith Piaf –, les travaux aux Bastion ne sont pas encore terminés. La mairie de Menton les poursuivra, et ce n’est que trois ans après sa mort que le musée du Bastion ouvrira ses portes au public.
Dans ce lieu intimiste, petit espace sur deux étages aux murs en pierre de taille, sont exposés, comme dans un écrin velouté, les dessins et pastels intitulés les « Innamorati ».
Une série de 21 dessins colorés représentant, dans un style burlesque et inspiré de la Commedia dell’arte, les amours d’un pécheur et d’une femme de la Riviera française.
Normal que «Les amoureux », thème omniprésent de l’œuvre graphique et poétique de Cocteau, soit le pivot de son musée-testament. Lequel musée (du Bastion, donc) présente également, lovées dans des niches, quelques-unes des céramiques méditerranéennes qu’il a réalisées sur le même thème. Ainsi que des tapisseries réalisées, sur ses dessins, dans les manufactures d’Aubusson et des Gobelins.
Mais Jean Cocteau ne fut pas que ce poète amoureux de l’amour et célébrant ses disciples. La preuve, à quelques pas de là, un autre musée, créé grâce à l’exceptionnelle donation du collectionneur Séverin Wunderman, est dédié à l’œuvre protéiforme de Jean Cocteau. On y découvre les 1 800 œuvres diverses que le magnat belgo-américain de l’horlogerie, un passionné de Cocteau – il avait fondé en 1985 en Californie (à Irvine) un musée dédié à son idole, avant de réaliser son rêve de rapatrier et d’installer sa collection dans un musée en France –, a cédées gracieusement en 2005 à la ville de Menton, à la condition qu’y soit érigé un musée public pour les abriter.
Ce second musée, dont la construction a été confiée au grand architecte français Rudy Ricciotti (grand prix national d’Architecture en 2006 et auteur de réalisations marquantes, dont le Centre chorégraphique national d’Aix-en-Provence d’Angelin Preljocaj, le Musée des civilisations d’Europe et de Méditerranée à Marseille, le Palais des festivals à Venise, ou encore l’aile des Arts de l’islam pour le Louvre...), offre d’un point de vue architectural une sorte de jonction entre l’esthétisme ultracontemporain et celui des dessins de Cocteau. Le bâtiment, d’un seul étage, large étendue blanche posée entre la mer et le marché de la vieille ville, est morcelé, coupé de lignes d’ouvertures, qui ne sont pas sans évoquer celles du graphisme de l’artiste.

 « Génial touche-à-tout »  
À l’intérieur sont présentées, sur 2 700 m2, les différentes facettes de la créativité de cet écrivain, réalisateur et poète « fou de dessin ». Décliné en 7 séquences, le parcours qu’offre ce nouveau musée (inauguré en novembre 2011) revient aussi bien sur la jeunesse de Cocteau – dévoilant à travers différents documents et premiers travaux le milieu dans lequel il a grandi et forgé sa sensibilité, ses idoles (Sarah Bernhardt et Nijinsky) – que sur ses œuvres majeures et ses amis.
Outre, les célèbres Enfants terribles (roman dont le héros lui a été inspiré par la bouleversante beauté de Raymond Dargelos, son camarade de lycée), Le Sang d’un poète, La Belle et la Bête ou encore Orphée (deux films, en projection au sous-sol, qui synthétisent la poésie et l’imaginaire de Cocteau), on y découvre différentes séries de dessins (dont celles signées «Jean l’Oiseleur » ou plus noires «Opium»), de maquettes, de programmes (celui du scandaleux ballet «Parade», conçu avec Picasso et Satie, notamment), des manuscrits, des estampes, des peintures, des céramiques, des tapisseries, des bijoux ainsi que des vitrines dédiées aux correspondances de l’artiste. Ainsi que plus de 200 photos liées à son œuvre (donation de son ami Lucien Clergue) et 278 œuvres de ses amis artistes : Picasso, Modigliani, Di Chirico...
Il est malheureusement impossible de reporter dans ces colonnes la déferlante d’œuvres, d’images et d’objets qu’offre à voir le nouveau musée Jean Cocteau. On retiendra de cette visite, un univers d’une insaisissable singularité, une œuvre globale formant « un objet difficile à ramasser », ainsi que la qualifiait Cocteau lui-même. Ce « génial touche-à-tout », à la fois académicien (il a été reçu sous la coupole en 1955, l’année de sa « rencontre » avec Menton !) et artiste avant-gardiste, qui toute sa vie appliqua ce précepte livré dans Potomac, un de ses premiers livres alliant textes et dessins: «Ce que le public te reproche cultive-le : c’est toi.»

MENTON, de Zéna ZALZAL
 
Durant l’été 1955, Jean Cocteau est en villégiature à Saint-Jean Cap-Ferrat, sur la Côte d’Azur, chez son amie Francine Weisweiller (dont la villa Santo Sospir garde encore sur ses murs les traces de son passage !). Au cours de ses balades, il découvre Menton, ses citronniers, ses vieux quartiers aux édifices colorés, et a un véritable coup de cœur pour...
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