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Moyen Orient et Monde - Interview express

« Une brèche importante dans le négationnisme turc »

Vicken Cheterian, analyste politique et auteur de « L'histoire du génocide arménien », répond aux questions de « L'Orient-le Jour ».

Lors du vote des députés allemands, des personnes présentes dans le public ont brandi des panneaux sur lesquels on pouvait lire « Danke » (merci). Odd Andersen/AFP

Les députés allemands ont adopté hier une résolution reconnaissant le génocide arménien, qui a eu lieu entre 1915 et 1917 en Turquie. Après ce vote, l'ambassadeur turc en Allemagne a été rappelé par Ankara. Vicken Cheterian, analyste politique né au Liban et vivant à Genève, et auteur de L'histoire du génocide arménien, répond aux questions de L'Orient-Le Jour.

Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour que l'Allemagne reconnaisse le génocide arménien?
C'est déjà une première interrogation importante. Pendant une très longue période en Allemagne, l'idée même d'un débat sur le génocide arménien a été rejetée par une partie des politiques. Ce qui a fait avancer les choses, je pense, c'est le progrès qu'il y a eu dans les échanges entre les intellectuels arméniens et les intellectuels turcs, qui eux se sont mobilisés sur cette question. Mais cette période a laissé l'Allemagne très en retard tant au niveau intellectuel qu'au niveau politique sur le sujet de la reconnaissance du génocide arménien. Quand on compare par exemple avec les autres pays qui l'ont reconnu depuis plusieurs années, ce retard se devait d'être rattrapé et voilà qui est fait aujourd'hui. Il faut tout de même rappeler les événements historiques et les liens de l'Allemagne avec ce génocide. À l'époque des massacres entre 1915 et 1917, l'Arménie ottomane était sous commandement militaire allemand. Des officiers allemands étaient directement impliqués dans les actions de l'armée ottomane. Ils avaient donc le pouvoir, s'ils le voulaient, de stopper les déportations et les massacres. À ce moment, il faut le dire, les officiers allemands ont collaboré et, plus que ça, ont encouragé les criminels à l'origine de ce génocide.

Le nombre d'habitants d'origine turque en Allemagne est estimé à plus de trois millions de personnes. Comment vont-ils réagir ?
Je ne pense pas qu'il y ait une opinion turque, seule et isolée, en Allemagne. Les avis divergent, il y a des Turcs, des Kurdes, c'est donc une opinion très éparpillée. En revanche, je pense qu'il est absolument nécessaire aujourd'hui avec cette reconnaissance du génocide arménien d'engager cette partie de la population allemande d'origine turque dans cette décision. Car, mine de rien, tout le travail n'est pas encore fait. Une grosse partie de la population est consciente et participe au débat, mais une autre non. Pas uniquement sur le génocide en lui-même, mais également sur les conséquences et les traces encore évidentes des crimes perpétrés à l'encontre de la communauté arménienne. Pour cette population immigrée d'origine turque, le débat est extrêmement important en Allemagne et pourrait générer une pression sur les autorités turques, dans le futur.

La Turquie a rappelé son ambassadeur en Allemagne immédiatement après les résultats de ce vote au Bundestag. Qu'est-ce que l'Allemagne peut craindre comme représailles de la part de la Turquie, alors qu'elle porte en ce moment même l'accord migratoire avec Ankara ?
Si on regarde l'histoire, la Turquie rappelle très souvent son ambassadeur d'un pays à chaque fois que celui-ci reconnaît le génocide arménien ou commence à entamer un dialogue à ce sujet. C'est une stratégie politique et diplomatique. Mais si l'on prend du recul, sur le long terme les relations économiques ne se dégraderont pas entre la Turquie et l'Allemagne. Cela sera très sûrement la même chose qu'avec la France, le même scénario. Aujourd'hui, la Turquie n'est clairement pas en position de force vis-à-vis de l'Allemagne, encore moins lorsqu'il s'agit de couper les relations économiques et financières avec elle. La Turquie est trop dépendante de l'Allemagne pour cela, alors que l'Allemagne, elle, n'est pas dépendante de la Turquie.

Quels pays pourraient talonner l'Allemagne sur la question de la reconnaissance du génocide arménien ?
Pour le moment, la reconnaissance par l'Allemagne du génocide arménien est une bonne chose. Cette décision d'aujourd'hui est absolument importante car elle pourra sûrement permettre de casser le discours turc et de le fracturer. Cet acte ouvre une brèche importante dans le négationnisme turc. Car si l'Allemagne, alliée de l'Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale, reconnaît le génocide, comme tel, la Turquie se retrouve totalement désarmée pour poursuivre sa politique de négation.

 

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Les députés allemands ont adopté hier une résolution reconnaissant le génocide arménien, qui a eu lieu entre 1915 et 1917 en Turquie. Après ce vote, l'ambassadeur turc en Allemagne a été rappelé par Ankara. Vicken Cheterian, analyste politique né au Liban et vivant à Genève, et auteur de L'histoire du génocide arménien, répond aux questions de L'Orient-Le Jour.
Pourquoi a-t-il...

commentaires (4)

Et pendant ce temps Erdogan continue à massacrer des kurdes Personne ne bouge pour bloquer ce nouveau tyran

FAKHOURI

15 h 05, le 03 juin 2016

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Commentaires (4)

  • Et pendant ce temps Erdogan continue à massacrer des kurdes Personne ne bouge pour bloquer ce nouveau tyran

    FAKHOURI

    15 h 05, le 03 juin 2016

  • Quid du Négationnisme KURDE ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 29, le 03 juin 2016

  • AKALOU HAWA IL ATRAK... 3A 2BEL LES NOUVEAUX OTTOMANS/PICOLISSIMOS HITLEROS GENOCIDAIRES DU MOYEN ORIENT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 54, le 03 juin 2016

  • Une brèche qu'on souhaite voir s'élargir au point de voir l'eau de la justice noyer ce foyer de génocidaires . Enfin , Inshallah !

    FRIK-A-FRAK

    11 h 21, le 03 juin 2016

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