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Lifestyle - Mode

Jamais sans mon « Boshie »

Après de longues décennies qui l'ont vu disparaître avec le snobisme postcolonial, trop « paysan », trop ottoman, trop rétrograde, trop folklorique, le tarbouche nous fait en ce moment son grand retour du refoulé. Ce joyeux couvre-chef de feutre rouge avec son pompon nerveux en soie noire fut longtemps moulé sur les formes de célèbres faiseurs dans les souks de Beyrouth et les bazars du Liban. Les notables y avaient les mensurations de leur tour de tête archivées. Pas une photo jaunie des albums familiaux où l'on ne trouve un aïeul arborant fièrement ce couvre-chef qui vous oblige à tenir la tête haute et vous enveloppe de mâle dignité. Si le tarbouche a disparu, il n'en a pas moins gardé son prestige. De longues années durant, il demeura intouchable, relique enveloppée de papier de soie, aussi bourrée de naphtaline qu'une bombe artisanale, conservée dans un coin d'armoire pour rappeler que la famille vient de « là », de ce mûrier sur lequel l'ancêtre l'avait suspendu pour profiter de l'ombre à la saison des labours.
Suffisamment d'eau a coulé sous les ponts pour permettre sa réapparition, mieux, sa déformation en Boshie, plus pop, moins rigide, moins marqué sur le plan social, ethnique ou confessionnel. À l'origine de cette résurrection, un jeune entrepreneur, Élias el-Haddad, qui a décidé de donner à ce chapeau une identité amusante, pratique, unisexe et décomplexée. Disponible en rouge, bleu, kaki et noir, le tarbouche est rebaptisé Boshie, ce qui signifie en anglais urbain un succès inespéré. Les boshies ont perdu leur pompon d'origine et, par évolution génétique, ils conservent à sa place une bande de bolduc de couleur contrastée. Entièrement confectionnés à la main, ils sont fabriqués à l'Institut de rééducation audiophonétique (Irap) par de jeunes malentendants.
À la croisée des racines et de la modernité, ce drôle de bonnet que commencent à adopter de nombreux socialites, artistes et « influenceurs » libanais aspire désormais rien moins qu'à conquérir le monde. Il veut être le nouveau Stetson, et pourquoi pas jouer dans la cour de Borsalino. En attendant, on l'adopte pour son humour et son caractère versatile, aussi à l'aise avec des baskets qu'en point d'orgue sur une tenue de soirée. Le Boshie sera présent à la Beirut Design Week, dédiée cette année à l'environnement et au développement durable. Une raison de plus d'y aller.
Immeuble KED, La Quarantaine.

Après de longues décennies qui l'ont vu disparaître avec le snobisme postcolonial, trop « paysan », trop ottoman, trop rétrograde, trop folklorique, le tarbouche nous fait en ce moment son grand retour du refoulé. Ce joyeux couvre-chef de feutre rouge avec son pompon nerveux en soie noire fut longtemps moulé sur les formes de célèbres faiseurs dans les souks de Beyrouth et les bazars...

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